Maximilien Kolbe : un saint religieusement incorrect ? (14/08/2019)

9782262028688FS.gifPhilippe Maxence, le rédacteur en chef du bimensuel catholique « L’Homme Nouveau », a publié, en 2011, une biographie du Père Maximilien Kolbe. Jean Cochet avait saisi la circonstance pour  écrire, dans l’édition du 13 juillet 2011 du journal « Présent », cette réflexion (im)pertinente :

« Politiquement incorrects, tous les saints le sont par nature, d’une certaine manière. Mais, après le souffle ou « l’esprit » de Vatican II, certains sont maintenant perçus comme tels plus que d’autres, jusqu’à apparaître « religieusement incorrects » ! Parmi eux, ceux qui sont aujourd’hui pour ainsi dire « empêchés » de béatification, comme Pie XII ou Isabelle la catholique. Ou bien ceux qui ont été malgré tout béatifiés ou canonisés, comme Charles de Foucauld ou Maximilien Kolbe dont Philippe Maxence vient de réaliser une biographie fort éclairante à cet égard chez Perrin.

Si le bienheureux Charles de Foucauld voulait convertir les musulmans avec l’appui séculier notamment de la colonisation française, saint Maximilien Kolbe, lui, voulait convertir les francs-maçons avec les moyens modernes du journalisme. Deux saints dont le « prosélytisme » n’est plus trop dans l’air du temps ! Deux témoins (trop ?) zélés pour répandre leur foi et qui mourront tous deux en « martyrs de la charité ».

Mais l’enquête sur la vie et la mort de Charles de Foucauld ayant montré qu’il n’était pas mort, à strictement parler, en haine de la foi (même s’il est mort de mort violente et en victime de sa charité pour ses frères) ce sont pourtant les termes de « confesseur de la foi » qui conviennent à sa béatification par Benoît XVI (le 13 novembre 2005). Tandis que pour Maximilien Kolbe (condamné également sans haine ostensible de la foi) Jean-Paul II obtiendra (contre l’avis des membres de la commission d’enquête en vue de la canonisation) qu’on le fasse passer de « confesseur de la foi », selon les termes de sa béatification par Paul VI (le 17 octobre 1971), à « martyr », pour sa canonisation (le 10 octobre 1982 par Jean-Paul II lui-même). Selon André Frossard, auteur de 'N’oubliez pas l’amour; la passion de Maximilien Kolbe' (Robert Laffont, 1987) : « Il n’y a pas d’autre exemple, au catalogue des saints, d’un changement de catégorie d’une étape à l’autre d’une canonisation. »

Et c’est justement ce changement qui a « troublé certains membres de l’Eglise catholique », note sobrement Philippe Maxence. La sainteté flagrante du martyr de l’amour, similaire à celle de Charles de Foucauld ou à celle des moines de Thibérine, ne permettrait-elle pas ainsi d’esquiver le problème de la différence, précisément, qu’il pourrait y avoir entre la confession de la foi par les uns hier (Kolbe et Foucauld) et les autres aujourd’hui (les martyrs de Thibérine) ?

Le but de la chevalerie spirituelle que lancera le saint franciscain sous le nom de la Milice de l’Immaculée était sans équivoque : « Chercher la conversion des pécheurs, hérétiques, schismatiques, juifs, etc., et particulièrement des francs-maçons ; et la sanctification de tous sous la direction et par l’intermédiaire de la Bienheureuse Vierge Marie Immaculée. »

Pour y aider, il fondera un journal destiné à en diffuser l’esprit (tiré à un million d’exemplaire en 1938 !). En 1927, il bâtit un couvent près de Varsovie, où vivront près de 800 religieux, et qui abritera une maison d’édition et une station de radio, toutes deux vouées à promouvoir la vénération de la Vierge. Ardemment missionnaire, il cherchera à « exporter » cette extraordinaire Cité de l’Immaculée (Niepokalanow) ailleurs, allant fonder notamment au Japon.

Philippe Maxence commente : « Propagande. Le mot est lâché. Maximilien Kolbe fut aussi un propagandiste de la foi catholique, n’hésitant pas à lancer revues et journaux, bâtissant même un couvent-imprimerie afin d’amplifier son travail d’apostolat par la presse. A une époque plongée à la fois dans le relativisme, que Pierre Manent appelle un “nihilisme light”, et le terrorisme sous prétexte religieux, la figure du père Maximilien Kolbe surprend et dérange (…). Elle dérange par la certitude de la véracité de cette foi, de son souci constant de la transmettre, de convaincre, de persuader et de sauver l’autre. Cette figure possède tout du croisé, et pourtant le père Kolbe ne toucha jamais une arme ni ne commit jamais d’acte de violence en une époque qui plongea avec une sorte de délectation morose dans la destruction de soi. »

A l’approche d’« Assise III », cette figure polonaise (dotée en outre d’un patriotisme tout aussi zélé) détonne quelque peu, comme celle, au reste, de Charles de Foucauld. Ce qui a donné un sens à leur vie et à leur mort est-il globalement assumé par la pastorale post-conciliaire du dialogue interreligieux ? Certains qui louent évidemment leur mort héroïque ne seraient-ils pas enclins aujourd’hui à juger paradoxalement leur vie un peu « trop catholique » selon la sentence nazie qui a condamné le bienheureux Marcel Callo ? Qu’en dit l’herméneutique de la continuité, au-delà la réponse classique des paradoxes du christianisme ? Des questions que pose implicitement la très dense et percutante biographie de Philippe Maxence, remarquable par son explication conjoncturelle des événements de l’époque et sa description minutieuse de l’itinéraire spirituel du P. Kolbe ».

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