L'Irlande cherche-t-elle à entrer en conflit ouvert avec le Vatican ? (24/07/2011)

Andrea Tornielli, vaticaniste bien connu (Stampa), a fait paraître aujourd'hui cette note sur son blog (Sacri Palazzi), intitulée "Se l'Irlanda vuole lo scontro con il Vaticano" dont nous vous communiquons la traduction ci-dessous

"Si l'Irlande veut entrer en conflit avec le Vatican

La Stampa a consacré aujourd'hui une place importante à la controverse entraînée par la publication du «Rapport Cloyne», le quatrième rapport du gouvernement sur les cas de pédophilie mettant en cause le clergé. Publié la semaine dernière, il est consacré à la mauvaise gestion de certains cas qui se sont produits de 1996 à 2008 dans le diocèse de Cloyne (dans le sud du pays) dirigé jusqu'il y a un an par Mgr John Magee, ancien secrétaire de trois papes (Montini, Luciani et Wojtyla ). (cliquer sur "lire la suite")

En 341 pages le rapport traite de 19 cas d'abus dans le diocèse de Cloyne et accuse Magee, et surtout le vicaire-général à qui l'évêque avait confié la gestion de ces cas, Mgr O'Callaghan, de n'avoir pas suffisamment suivi le problème, en évitant de mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour protéger les victimes en se conformant aux directives de la Conférence des évêques irlandais et aux nouvelles règles établies par le Saint-Siège. Le rapport montre que c'est la curie de Cloyne qui n'a pas correctement appliqué les propres règles introduites par le pape Jean-Paul II et le cardinal Joseph Ratzinger depuis 2001.

Le mardi 19 juillet, le Premier ministre d'Irlande, Enda Kenny, devant le Parlement, a prononcé un discours sans précédent attaquant directement le Vatican dans des termes très durs. Selon le Premier ministre, le rapport aurait établi que «le Saint-Siège a manifesté son intention de bloquer une enquête dans un Etat souverain" et aurait mis en lumière "les dysfonctionnements, la déconnexion et l'élitisme qui dominent la culture du Vatican. Le viol et la torture d'enfants ont été minimisés pour maintenir la primauté de ses institutions, sa puissance et sa réputation. " Ces graves accusations ont fait monter les tensions en flèche entre Dublin et le Saint-Siège. Ces mots que l'on peut expliquer par le climat tendu aujourd'hui perceptible en Irlande, un pays dans lequel les rapports du gouvernement et des enquêtes ont révélé l'attitude inadéquate de nombreux évêques.

Face aux accusations du Premier ministre, il faut se rappeler que le Saint-Siège est mis en cause par le rapport dans un seul cas : celui de la réponse qui a été donnée aux évêques irlandais en 1997, après que ces derniers aient soumis pour examen au Vatican les dispositions qu'ils avaient prises pour traiter les cas de maltraitance d'enfants; ces mesures comprenaient, entre autres choses, la dénonciation obligatoire à la police. La Congrégation pour le Clergé, après avoir examiné le texte, a fait savoir que le document contenait des «procédures et des dispositions qui semblent être contraires à la discipline canonique et que, si elles étaient appliquées, cela pourrait invalider les actes des évêques eux-mêmes lorsqu'ils tenteraient de régler le problème", les rendant vaines et inefficaces dans le cas d'un appel interjeté par les prêtres accusés. Réponse techniquement correcte, même si il s'avère que, dans la seconde moitié des années nonante, au Vatican, on ne percevait pas très largement la gravité du phénomène de la pédophilie.

Il convient également de rappeler que celui qui était alors préfet du clergé, Dario Castrillon Hoyos, un an après cette lettre, lors d'une rencontre avec l'assemblée des évêques d'Irlande, leur avait clairement dit que l'Église «ne devait, en aucune façon, gêner l'action légitime de la justice civile" . "L'intervention de la Congrégation, en faisant part de ses objections - a affirmé le porte-parole du Vatican, le père Federico Lombardi, était compréhensible et légitime, même si on peut discuter sur l'adéquation de l'intervention de l'autorité romaine face à la gravité de la situation en Irlande. Il n'y a aucune raison d'interpréter cette lettre comme étant destinée à couvrir des cas d'abus. "

Le Premier ministre Enda Kenny, a cependantvoulu mettre le Saint-Siège au banc des accusés. "Malheureusement, le premier ministre n'a pas mentionné la réforme radicale des procédures introduites dans l'Eglise dirigée par le Pape Benoît XVI - a dit l'archevêque de Dublin, Diarmuid Martin, interrogé par Insider Vatican -. L'Eglise irlandaise est même devenue à présent, sans aucun doute, un endroit beaucoup plus sûr pour les enfants qu'il y a quelques années." La gravité de la crise réside en ceci: Le Premier Ministre Kenny a semblé vouloir s'en prendre davantage au Vatican qu'aux évêques irlandais qui n'avaient pas été à la hauteur.

"En ce qui concerne le diocèse de Cloyne - admet Monseigneur Martin - il existait un groupe qui, au nom de sa conception du droit canon, a délibérément choisi de ne pas appliquer les règles fixées par le Cardinal Ratzinger". Il est grave également de constater que même après la publication des nouvelles directives du Vatican, il y a eu des cas où elles ont été snobées, ignorées, ou minimisées. Les faits rapportés par le rapport Cloyne indiquent clairement que changer les lois ne suffit pas, mais qu'il est nécessaire de changer les mentalités. C'est précisément ce à quoi Benoît XVI s'est attelé, en édictant des règles encore plus strictes, mais surtout par ses paroles et par son exemple: Benoît XVI, pendant les six premières années de son pontificat, a multiplié des décisions fermes et des peines sévères pour ceux qui sont coupables d'abus et, surtout, il a placé l'accent sur les victimes, qui devraient être accueillies, soutenues et aidées (ce qui, malheureusement, n'est pas souvent le cas).

Le Saint-Siège prépare une réponse appropriée aux accusations gratuites du Premier Ministre Kenny, jugées sans fondement par de nombreux observateurs irlandais qui ne sont pourtant pas tendres à l'égard de l'Église catholique. A ces nouvelles tensions s'ajoute aujourd'hui également un projet de loi à l'étude en Irlande, qui n'inquiète pas seulement l'Eglise, et qui s'il était approuvé, obligerait les prêtres à faire rapport à la police de faits de maltraitance des enfants, même s'ils en avaient connaissance lors de la confession. Sinon, ils seraient passibles de cinq ans de prison. Une proposition que Mgr Gianfranco Girotti, régent de la Pénitencerie apostolique, a qualifiée d '«absurde» et d'«inadmissible». Le sociologue Massimo Introvigne, Représentant de l'OSCE sur la lutte contre la discrimination contre les chrétiens, a pris également position de façon très nette: "Même les pires des gouvernements totalitaires n'ont jamais osé s'attaquer au secret de la confession."

16:44 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pédophilie, kenny, irlande, cloyne, confession |  Facebook | |  Imprimer |