Qu’en termes Galand ces choses sont dites (22/01/2012)

La « Libre » a cru bon de publier jeudi dernier un pensum « homaisien » du Président du Centre d’Action Laïque contre Monseigneur Léonard : digne  des propos de banquets anticléricaux de la « Belle Epoque ». Voici ce morceau d’anthologie : 

" Le forcing des clergés pour imprimer leur marque sur la société n’a d’égal que la concurrence féroce qu’ils se livrent. Cette situation conduit à une surenchère dans la hardiesse des prises de position : c’est à qui exigera le plus pour les siens, au mépris des lois civiles - contre les lois civiles. Dans cet exercice, si les islamistes radicaux encore largement minoritaires parmi les musulmans de nos contrées, ont dégainé les premiers en exigeant, par exemple, de la viande halal dans les écoles et en cherchant l’épreuve de force en matière de port du voile, les autres dignitaires religieux ont vite compris que l’outrance et la polémique pouvaient se révéler porteuses et rallier à eux quelques brebis égarées sur le chemin infernal de la sécularisation. A ce petit jeu, l’impayable André-Joseph Léonard est passé maître. Non content de sacrifier les malades du sida sur l’autel du châtiment divin, d’excommunier les hommes coupables du crime de pédérastie, d’encourager les morbides ennemis de la liberté des femmes en matière de naissance, foulant aux pieds les lois de notre démocratie, le voici qui s’attaque à présent au Parlement, l’enceinte ultime de la représentation du peuple souverain, coupable à ses yeux de se montrer indocile aux préceptes spirituels chers à son dogme.

Reconnaissons que les réactions outrées ont été quasi unanimes, même parmi ceux supposés être "de son camp". L’escalade vertigineuse, tant chez nous que dans le reste du monde, des revendications religieuses doit appeler l’ensemble des citoyens à une vigilance de tous les instants. Car ce qui est en jeu, ce sont rien moins que les libertés chèrement conquises, le droit de choisir ce qui est bon pour soi-même, la libre pensée et la libre expression. Le Centre d’Action Laïque, et avec lui, nous n’en doutons pas, une grande partie de la population, ne reconnaît comme seule autorité supérieure que celle qui procède de la volonté du peuple : la loi civile et les trois pouvoirs de l’Etat de droit. Bien sûr, certains auront beau jeu de stigmatiser le "laïcisme" - néologisme visant à désigner les "intégristes de la laïcité" - et de dénoncer notre lobbying, comme une atteinte à la séparation des "Eglises" et de l’Etat. Trop facile ! Ce postulat ne résiste pas à l’analyse : la laïcité n’est en aucune façon une religion et ne propose aucune mesure sociétale partisane. Elle est un projet de société se préoccupant d’offrir à tous, quels que soient les choix philosophiques, religieux ou politiques de chacun et dans le respect de la loi civile et du respect des droits humains, un espace de vie où la liberté des uns n’entrave pas davantage celle des autres que celle des autres n’entrave la sienne. Cela s’appelle le "vivre ensemble". C’est ce qui détermine une société, une culture, une civilisation. Dès lors que certains veulent faire prévaloir des intérêts particuliers s’imposant aux autres malgré eux, ce subtil équilibre se rompt immédiatement. Dans sa grande sagesse, la Constitution belge, en consacrant la liberté religieuse, consacre également, comme seul moyen d’assurer cette liberté à tous, l’impartialité de l’Etat et la non-ingérence des clergés dans les affaires publiques. Comme l’exprimaient si bien les concepteurs de la loi française, dite "loi de 1905", sur la séparation des Eglises et de l’Etat : "La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne veut pas faire la loi". En s’attaquant à ce principe de base d’une société démocratique "tous admis", les têtes mitrées, enturbannées ou calottées creusent, en réalité, la fosse commune de leur propre liberté. Face aux abus, à la surenchère des demandes intransigeantes d’"accommodements (dé)raisonnables" des responsables des différents cultes, le pouvoir temporel n’aura bientôt plus d’autre choix, pour assurer la paix sociétale que de marginaliser ces extrémistes dans les débats citoyens afin que ceux-ci n’oscillent pas entre obscurantisme et populisme, deux orientations bien éloignées d’une perspective démocratique."

C’est signé Pierre Galand, ici : Tant va la foi au moulin

Tout ce qui est excessif est insignifiant. Dans son « Antigone », Sophocle (Ve siècle avant Jésus-Christ), posait déjà la question de la loi naturelle imprescriptible, transcendant celles de tous les Créons de la terre.

 Aujourd’hui des philosophes ou des idéologues « laïcs » nient que certaines règles morales ou de droit naturel  puissent constituer des postulats, ou des acquis irréversibles pour l’humanité : le contrat social est toujours relatif, contingent, renégociable. Rien n’exclut donc que l’on puisse revenir demain, si la démocratie en décide ainsi, à la loi romaine  qui violait la liberté de conscience des chrétiens en leur imposant de sacrifier aux dieux de l’Etat, sous peine d’être sacrifiés eux-mêmes à ces dieux .

Une controverse (au sens de la disputatio médiévale) fut organisée, au théâtre Quirino à Rome le 21 septembre 2000, entre le cardinal Ratzinger, futur Benoît XVI, et un professeur à l’Université romaine de la Sapienza, le philosophe Paolo Flores d’Arcais, pour explorer des voies de convergence possibles. Au moment décisif du dialogue, le modérateur – Gad Lerner, un juif, journaliste à la  Repubblica – s’est demandé si des principes aussi fondamentaux que ceux du Décalogue ne pourraient pas être retenus comme base éthique commune, même par des athées (qui y souscriraient seulement « velut si [comme si] Deus daretur »). Mais cette proposition fut aussitôt rejetée par le philosophe laïc. 

Ainsi, certains revendiquent-ils maintenant à l’ONU l’insertion de nouveaux « droits » (à l’avortement, à l’euthanasie, au choix du « genre » etc.) dans une Déclaration universelle des droits de l’homme vieille de 50 ans à peine (1948) ! Tout s’écoule, disait déjà le vieil Héraclite. De ce relativisme moral et séculariste sont nées, au siècle dernier, les démocraties populaires et le national socialisme (Hitler fut porté au pouvoir par une majorité parlementaire).  

 

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