Irlande et Pologne, des filles désobéissantes ? (10/03/2012)

Les relations des gouvernements irlandais et polonais avec l’Eglise ne sont pas au beau fixe, comme le souligne Sandro Magister sur son site « Chiesa » (extraits)

« Cela fait maintenant plus de deux siècles que la France a rejeté de fait son titre de "fille aînée" de l’Église, même si elle n’a pas encore renoncé, pour son chef de l’état, à la stalle de premier chanoine honoraire du chapitre de Saint-Jean-de-Latran.

Mais, ces derniers temps, deux autres filles bien-aimées de la papauté semblent faire preuve de rébellion vis-à-vis de Rome. L’Irlande ouvertement, la Pologne avec plus de circonspection.

À Dublin, le geste de rupture – comme www.chiesa l’a déjà indiqué – a été de rabaisser l'ambassade d'Irlande près le Saint-Siège au rang de représentation non résidentielle, comme celles de l’Iran et du Timor-Oriental (…). Cette décision a été officiellement justifiée par des motifs budgétaires. Mais beaucoup de gens estiment qu’il s’agit d’une mesure de représailles pour l’absence présumée de collaboration du Vatican lors des enquêtes menées par le gouvernement irlandais à propos des abus sexuels sur mineurs qui ont été commis par des membres du clergé au cours des dernières décennies.(…)

Aussi longtemps qu’il a été résident, le représentant de Dublin près le Saint-Siège était l’un de ceux, très rares, qui bénéficiaient d’un circuit préférentiel pour être reçus très rapidement en audience personnelle par le pape. Mais ce qui se passe actuellement, c’est que le nouvel ambassadeur désigné, David Cooney, qui a obtenu l’agrément du Vatican avant Noël, est traité comme tous les autres diplomates. En fait, il est encore sur la liste d’attente pour être reçu par Benoît XVI afin de lui remettre ses lettres de créance, lors de l’une de ces audiences "cumulatives" que le pape accorde aux chefs de mission non résidents et dont la prochaine est prévue pour mai ou juin.
Par une curieuse coïncidence, presque une ironie de l’histoire, au moment même où le pays de saint Patrick, catholique per antonomase, relâche ses liens millénaires avec Rome, son voisin le Royaume-Uni – qui, notamment au nom de sa foi protestante, a opprimé l’Irlande pendant des siècles –  ne cesse d’améliorer ses relations diplomatiques avec le Saint-Siège.(…)

En ce qui concerne les difficultés croissantes que la diplomatie vaticane rencontre avec l'insoupçonnable Pologne, le nœud de l’affaire est la célèbre Radio Maryja, fondée par un religieux rédemptoriste, Tadeusz Rydzyk. Ou plus exactement, c’est la chaîne de télévision qui lui est associée, TV Trwam, qui a été exclue de l’attribution des fréquences sur la plateforme numérique terrestre qui arrivera dans tous les foyers en 2013.(…)
Le motif allégué est le peu de solidité financière de la fondation Lux Veritatis, propriétaire de TV Trwam. Un motif vigoureusement contesté par la chaîne de télévision catholique qui, au mois de janvier dernier, a déposé un recours devant les tribunaux locaux et mobilisé ses auditeurs, recueillant en quelques semaines plus de 1 700 000 signatures de soutien. Quelques parlementaires ont interpellé la Commission européenne à ce sujet. (…)
Mais TV Trwam est aussi, et peut-être surtout, la plus importante des chaînes de télévision catholiques du pays, aussi bien par son organisation que par ses programmes, et c’est la seule qui, quant au nombre de téléspectateurs, pouvait être admise au numérique. Par conséquent, si la décision n’est pas annulée, il n’y aura plus aucune voix ouvertement catholique sur la plateforme numérique, dans un pays comme la Pologne où l’Église, bien que la sécularisation soit arrivée jusque là, conserve encore un rôle très important.(…). Dans une déclaration officielle, le 16 janvier, les évêques ont déploré que la décision du KRRiTV "porte atteinte au principe de la pluralité et à celui de l’égalité devant la loi, et cela d’autant plus que la majorité des habitants de notre pays sont des catholiques qui devraient avoir librement accès aux programmes de TV Trwam dans le système du numérique terrestre". Et ils ont exprimé l’espoir de voir cette chaîne "qui émet depuis plus de huit ans, faisant preuve de stabilité financière" être intégrée "dans le système de la télévision numérique en Pologne".(…)
Des manifestations de soutien réunissant des dizaines de milliers de personnes ont eu lieu à Varsovie et à Cracovie. Et d’autres ont été organisées dans les villes d’Amérique du Nord où existe une émigration polonaise historiquement consolidée : l’une d’elles a rassemblé trois mille personnes à Chicago.(…)

Cette aversion, également culturelle, de l'actuel gouvernement de Varsovie pour Radio Maryja (celle-ci est sans aucun lien avec la Radio Maria italienne, même si ces deux stations ont en commun une large diffusion populaire et une défense intransigeante de la foi et des valeurs catholiques) a amené ce gouvernement à aller jusqu’à exercer des pressions sur le Saint-Siège pour que celui-ci intervienne contre la radio et la télévision du père Tadeusz Rydzyk. (…). Mais ces pressions ne semblent pas avoir produit les effets espérés. Pour s’en rendre compte, il suffit de lire la lettre écrite au nom de Benoît XVI, le 1er décembre dernier, par le cardinal secrétaire d’état, Tarcisio Bertone, au supérieur des rédemptoristes de la province de Varsovie, le père Janusz Sok, pour le vingtième anniversaire de la radio.(…). En somme, la lettre du cardinal Bertone semble montrer que  le Saint-Siège et les dirigeants de l’épiscopat polonais sont tout à fait d’accord pour voir en Radio Maryja une radio catholique qu’il n’est pas juste de marginaliser.
En tout cas, cette lettre n’a pas évité la "très grave décision" prise par le KRRiT gouvernemental d’exclure la télévision de Radio Maryja de la plateforme numérique : décision qui, en Pologne mais aussi à Rome, est considérée comme dictée, au-delà des "faibles excuses à propos de l’'instabilité financière'", surtout "par de forts intérêts idéologiques".
La bataille, également diplomatique, entre Rome et Varsovie à propos de Radio Maryja semble loin d’être terminée. Toute l’info ici : Journal du Vatican / Irlande et Pologne, les deux filles rebelles

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