2e dimanche du carême : citoyens des cieux (17/03/2019)

dimanche 24 février 2013 2e dimanche de Carême

Première lecture : du Livre de la Genèse, chapitre  15, versets 5-12.17-18a

Le Seigneur parlait à Abraham dans une vision. Puis il le fit sortir et lui dit : « Regarde le ciel, et compte les étoiles, si tu le peux... » Et il déclara : « Vois quelle descendance tu auras ! » Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu'il était juste. Puis il dit : « Je suis le Seigneur, qui t'ai fait sortir d'Our en Chaldée pour te mettre en possession de ce pays. »Abram répondit : « Seigneur mon Dieu, comment vais-je savoir que j'en ai la possession ? » Le Seigneur lui dit : « Prends-moi une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans, une tourterelle et une jeune colombe. »

Abram prit tous ces animaux, les partagea en deux, et plaça chaque moitié en face de l'autre ; mais il ne partagea pas les oiseaux. Comme les rapaces descendaient sur les morceaux, Abram les écarta.

Au coucher du soleil, un sommeil mystérieux s'empara d'Abram, une sombre et profonde frayeur le saisit. Après le coucher du soleil, il y eut des ténèbres épaisses. Alors un brasier fumant et une torche enflammée passèrent entre les quartiers d'animaux.

Ce jour-là, le Seigneur conclut une Alliance avec Abram en ces termes : « A ta descendance je donne le pays que voici. »

Psaume 26 (27), 1, 7-8, 9abcd, 13-14

Le Seigneur est ma lumière et mon salut ; de qui aurais-je crainte ? Le Seigneur est le rempart de ma vie ; devant qui tremblerais-je ? Écoute, Seigneur, je t'appelle ! Pitié ! Réponds-moi !

Mon coeur m'a redit ta parole : « Cherchez ma face. » C'est ta face, Seigneur, que je cherche : ne me cache pas ta face. N'écarte pas ton serviteur avec colère : tu restes mon secours. 

J'en suis sûr, je verrai les bontés du Seigneur sur la terre des vivants. « Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ; espère le Seigneur. »

2e lecture : Epitre aux Philippiens 3, 17-21 ; 4, 1

Frères, prenez-moi tous pour modèle, et regardez bien ceux qui vivent selon l'exemple que nous vous donnons. Car je vous l'ai souvent dit, et maintenant je le redis en pleurant : beaucoup de gens vivent en ennemis de la croix du Christ. Ils vont tous à leur perte. Leur dieu, c'est leur ventre, et ils mettent leur gloire dans ce qui fait leur honte ; ils ne tendent que vers les choses de la terre. Mais nous, nous sommes citoyens des cieux ; c'est à ce titre que nous attendons comme sauveur le Seigneur Jésus Christ, lui qui transformera nos pauvres corps à l'image de son corps glorieux, avec la puissance qui le rend capable aussi de tout dominer. Ainsi, mes frères bien-aimés que je désire tant revoir, vous, ma joie et ma récompense, tenez bon dans le Seigneur, mes bien-aimés.

Evangile de saint Luc, chapitre 9, 28b-36

Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il alla sur la montagne pour prier. Pendant qu'il priait, son visage apparut tout autre, ses vêtements devinrent d'une blancheur éclatante. Et deux hommes s'entretenaient avec lui : c'étaient Moïse et Élie, apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait se réaliser à Jérusalem.

Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, se réveillant, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés. Ces derniers s'en allaient, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est heureux que nous soyons ici ! Dressons donc trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu'il disait. Pierre n'avait pas fini de parler, qu'une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu'ils y pénétrèrent. Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j'ai choisi, écoutez-le. » Quand la voix eut retenti, on ne vit plus que Jésus seul.Les disciples gardèrent le silence et, de ce qu'ils avaient vu, ils ne dirent rien à personne à ce moment-là.

Homélie du Père Joseph-Marie Verlinde (Archive 2007)

En mettant en parallèle les lectures qui nous sont proposées en ce second dimanche de Carême, il est frappant de constater que toutes trois nous invitent à réorienter notre regard. « Regarde le ciel » dit le Seigneur à Abraham qui se demandait, non sans inquiétude, comment Dieu réaliserait sa promesse à partir d’un couple stérile. Le patriarche est invité à s’arracher à une interprétation trop humaine de sa situation pour rejoindre par la foi, le regard de Dieu sur les événements.

L’obscurité de la démarche de foi est admirablement suggérée dans le rituel de la première alliance. Le soleil s’est couché, des « ténèbres épaisses » enveloppent la terre, et comme si cela ne suffisait pas, voilà qu’un « sommeil mystérieux s’empara d’Abraham, une sombre et profonde frayeur le saisit ». Cette torpeur profonde représente l’impuissance du patriarche - et la nôtre - à percevoir l’action mystérieuse de Dieu qui prépare dans le secret son dessein de salut. Pourtant, avec celui qui, comme Abraham, obéit à sa Parole, Dieu conclut une alliance, mais c’est de nuit ; il accomplit pour lui sa promesse, mais au moment où il ne l’attend plus. C’est pourquoi le Psalmiste nous exhorte à la patience et à la persévérance, les yeux fixés sur le Dieu fidèle. Si nous « recherchons sa face », nous en sommes sûrs : « nous verrons les bontés du Seigneur sur la terre des vivants » (Ps 26). Remarquons bien que le verbe est au futur : nous aussi, tout comme le peuple de la première Alliance, nous vivons dans l’espérance de voir la réalisation des promesses ; car même si le Seigneur Jésus est venu, nous avons à « tenir bon dans la foi » (2ème lect.) si nous voulons participer à la gloire dans laquelle est définitivement entré notre Sauveur.

Or ce n’est pas facile de se comporter comme des « citoyens des cieux » dans un monde qui « ne tend que vers les choses de la terre ». Ce qui arrachait des larmes à l’apôtre Paul demeure plus que jamais d’actualité dans notre culture hypermoderne qui a du mal à cacher sa cathophobie : « beaucoup de gens vivent en ennemis de la croix du Christ » (ibid).

Ne pensons pas trop vite à notre entourage : ne sommes-nous pas nous aussi contaminés par la mentalité hédoniste dont saint Paul dénonce le caractère idolâtrique ? Le Carême est un temps de grâce au cours duquel le Seigneur multiplie ses efforts pour nous ouvrir les yeux sur nos compromissions avec les exigences évangéliques. Il nous invite avec fermeté et douceur, par la voix de son Apôtre, à redresser la tête : « Si donc vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut, c’est là qu’est le Christ, assis à la droite de Dieu. Tendez vers les réalités d’en haut et non pas vers celles de la terre » (Col 3, 1-2).

Dans la foi nous sommes invités à monter avec Pierre, Jacques et Jean sur la montagne pour y contempler Jésus en prière, parfaitement uni au Père dans l’Esprit. Dans la foi nous sommes invités à entendre le Père nous redire « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi, écoutez-le ». Dans la foi nous sommes invités à pénétrer dans la nuée, car nous avons besoin de lire l’histoire du monde et la nôtre à la lumière de cette gloire divine pour en comprendre le sens.

Certes, une telle attitude pourrait apparaître comme une fuite hors du réel, vers un monde illusoire où tout se réaliserait selon notre désir. Peut-être était-ce un tel rêve que nourrissait saint Pierre lorsque, sorti de cette même torpeur qui avait saisi Abraham, il crut bon de proposer à Jésus de s’installer en ce lieu béni : « Maître il est heureux que nous soyons ici ; dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, et une pour Elie ».

Mais ce n’est pas ainsi que l’entend le Seigneur. Si nous voulons le rejoindre dans la gloire comme il nous y appelle, il nous faut certes regarder vers les hauteurs pour échapper aux séductions d’ici-bas, mais tout en continuant notre pèlerinage et en mettant nos pas dans ceux de Notre-Seigneur, qui s’est rendu du Thabor au Golgotha. « Celui-ci est mon Fils, lui que j’ai choisi pour vous ouvrir le chemin et vous conduire jusqu’à moi : écoutez-le ».

« Quand la voix eut retenti on ne vit plus que Jésus seul ». La Révélation a trouvé en Jésus son accomplissement : désormais s’est lui et lui seul qu’il nous faut écouter, c’est lui et lui seul qu’il nous faut suivre - mais dans la foi, c’est-à-dire dans l’obscurité d’une nuée dont la lumière est trop éclatante pour que nos cœurs enténébrés puissent la percevoir. Pourtant, à force de nous exposer à la gloire de Dieu bien réellement présent en son Eucharistie, et de nous mettre à l’écoute de sa Parole, nos yeux s’ouvriront, nos oreilles entendront, et nous aussi nous témoignerons comme Jésus ressuscité : « tout s’est accompli selon la promesse ».

« Tu nous as dit Seigneur d’écouter ton Fils bien-aimé. Fais-nous trouver dans ta Parole les vivres dont notre foi a besoin : et nous aurons le regard assez pur pour discerner ta gloire, par Jésus le Christ notre Seigneur » (Or. d’ouverture).

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