Manif pour Tous, et après ? (26/05/2013)

Ce dimanche, ils étaient plusieurs centaines de milliers manifestant contre le mariage pour tous. C’est impressionnant et il serait stupide de nier l’ampleur de cette mobilisation ou de vouloir la minimiser comme le fait la préfecture de police de Paris aux ordres du pouvoir socialiste. Ceci dit, que va-t-il advenir ensuite de ce phénomène de protestation qui, pour se maintenir, devra surmonter bien des difficultés ? A présent que la loi a été votée et promulguée, que peuvent espérer ceux qui militent contre le mariage pour tous ? Le retrait ou l’abrogation de la loi ne paraissent pas probables. Le pouvoir ne se sent pas menacé par ces manifestants trop bien élevés pour faire craindre un renversement politique ou même la menace d’un quelconque désordre. De plus, le front anti-mariage gay est loin d’être uni et homogène. Certains adoptent une ligne minimaliste qui, tout en refusant le mariage homosexuel, s’accommode fort bien d’une formule d’union civile entre personnes du même sexe leur garantissant des droits assez équivalents à ceux des couples mariés tandis que d’autres rejettent toute forme de reconnaissance civile quelle qu’elle soit à l’égard des couples homosexuels. Certains visent la restauration d’un ordre moral favorable à la « famille traditionnelle » tandis que d’autres se contenteraient de limiter les dérives sociétales susceptibles de mettre en péril la filiation et le droit d’un enfant à avoir un père et une mère. Entre les positions exprimées par Frigide Barjot et celles de Tugdual Derville, il y a plus que de simples nuances. Il est difficile également de ne pas être troublé par le suicide, il y a quelques jours, d’un intellectuel de la droite antichrétienne mais défenseur de la Marche pour Tous devant l’autel de Notre-Dame ainsi que par les échos assez équivoques qu’un tel fait a suscités au sein des réseaux sociaux associés à la mobilisation contre le mariage pour tous. On constate que les vieux réflexes idéologiques conservent une place non négligeable au sein de ce que d’aucuns voudraient présenter comme une lame de fond totalement neuve.

Bien sûr, nous sommes admiratifs devant ceux qui ont su soulever un tel enthousiasme, organiser de telles manifestations, canaliser de telles foules, mais, en même temps pouvons-nous nous empêcher d’être très perplexes devant une telle focalisation qui semble avoir accaparé toute l’attention et toute l’énergie des meilleurs depuis tant de semaines. Il était question de faire barrage à une loi dont, malheureusement, on n’a pas pu empêcher l’adoption. Et ensuite, pourra-t-on éviter qu’à travers le système scolaire et éducatif soit diffusée l’idéologie du gender qui évacue progressivement tous les repères concernant la différence sexuelle et son aboutissement « normal » dans la constitution de couples unissant un homme à une femme ? Un million de manifestants réunis à Paris n’aura pu empêcher, comme le soulignent les agences de presse, que le festival de Cannes mette à l’honneur, à ce moment précis, un film présentant sans retenue ni pudeur « une merveilleuse histoire d’amour entre deux jeunes filles ». Or, c’est précisément sur le terrain de la culture, de l'information, de cet air médiatique que nous respirons quotidiennement que se joue l’essentiel. Et là, il n’y a malheureusement aucune mobilisation de rue, aussi importante soit-elle, qui fasse le poids et permette d’espérer de renverser la vapeur par un quelconque « mai 68 inversé ». On peut évidemment se réjouir de voir quelques centaines de jeunes, ici et là, se réunir pour chanter, lire, proclamer, méditer… des textes qui invitent le regard à se poser sur des valeurs et des horizons autres, mais auront-ils le souffle et la persévérance pour parcourir un très long chemin à travers les friches désespérantes de notre société matérialiste et hédoniste afin d’y susciter un bourgeonnement qui soit prometteur d’un réel printemps nouveau ?

Bref, ce « printemps français » que d’aucuns évoquent et qui, bien sûr, nous impressionne ne pourra porter de fruit que s’il s’accompagne d’un travail d’analyse mené en profondeur pour prendre avec lucidité et intelligence la mesure du processus de décomposition sociale et morale dans lequel se trouve embarquée notre société, que s’il débouche sur un investissement de chacun pour se former intellectuellement et spirituellement en vue d’une action bien pensée susceptible de porter des fruits non seulement dans le champ politique mais aussi sociétal et culturel, que s’il rejette les illusions d’un activisme trompeur sacrifiant aux réflexes faciles d’enthousiasmes artificiels et sans lendemains. 

Relire notre commentaire au lendemain de la MPT précédente assez perspicace en ce qui concerne Madame Barjot et les récupérations politiciennes... http://www.belgicatho.be/archive/2013/03/26/hiver-belge-e...

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