Mgr Dagens nous adjure de croire que l'Evangile c'est... ce qui ne marche pas (15/07/2014)

Mgr Claude Dagens, évêque d'Angoulême (Photo Jacques Berset) (1).JPGDans un article publié par le journal « La Croix » le 8 juillet dernier, Mgr Dagens (photo), évêque d’Angoulême (et, par ailleurs, membre de l’académie française) s’inquiète de la pureté des vocations qui, contrairement au sien, « marchent » dans d’autres diocèses ou communautés religieuses (voir ici, sur le blog de l’évêque   Mgr Dagens dans La Croix du 8 juillet )

Sur son « metablog », l’abbé Guillaume de Tanoüarn, membre de l’Institut du Bon Pasteur, commente la portée du propos épiscopal. Extraits :  

« (…) Elle est extrêmement inquiétante dans sa perspective évangélisto-doloriste obligatoire. C'est pour le souligner que je me permets de le citer assez longuement : notre académicien explique qu'il est plus parfait pour un diocèse de ne pas avoir de séminaristes plutôt que d'en avoir :

‘Soyons plus clairs, au risque d’être quelque peu simplistes ! Il y a là deux conceptions de l’Église, et peut-être deux formes de représentation de Dieu. Ou bien l’Église est un système de pouvoirs dont il faut assurer l’efficacité, et l’on mettra l’Esprit Saint, sans le dire, au service de ces projets de rentabilité spirituelle et pastorale, en se satisfaisant des résultats obtenus et des chiffres encourageants, en comparant les riches et les pauvres, et alors malheur aux pauvres, aux diocèses sans séminaristes ! Et Dieu, dans cet ensemble très construit, devient un principe d’ordre supérieur, le promoteur suprême d'un système qui marche et qui s’impose par ses réussites visibles’.

Je continue la citation avec la deuxième conception de l'Eglise, celle à laquelle manifestement se rattache Mgr Dagens :

 ‘Ou bien l’Église est le Corps du Christ, toujours blessé, mais vivant, et vivant de la charité du Christ qu’elle reçoit comme un don et qu’elle manifeste en paroles et en gestes ! Et, dans ce Corps du Christ, nous, les évêques, nous apprenons à être non pas des chefs triomphants, mais des veilleurs et aussi des lutteurs, oui, des lutteurs pour que rien n’empêche la charité du Christ d’être l’âme de l’Église, dans toutes ses activités et ses missions. Et le Dieu dont nous sommes les témoins désarmés et passionnés est Celui qui ne cesse pas de se donner et d’envoyer son Fils Jésus dans le monde « non pas pour le juger, mais pour le sauver » (Jean 3,16)’.

Voici enfin le Credo mystique de l'évêque sans séminariste et fier de l'être d'ailleurs, d'autant que - disons-le tout de même - il vient - divine surprise - de "rencontrer trois jeunes hommes" qui se posent la question de la vocation :

‘Au risque d’aggraver notre cas, faut-il redire alors que nous nous référons à Jésus Christ non pas comme à une valeur à défendre, comme on défend des produits financiers, mais comme à une personne que nous n’en finissons jamais de connaître et d’aimer ? Alors « la joie de l’Évangile » n’est pas un vain mot. C’est une belle expérience et je souhaite que des hommes qui veulent aujourd’hui suivre le Christ en fondant leur vie sur Lui connaissent dès maintenant cette joie, que personne ne peut nous enlever’.

Mgr Dagens aggrave son cas ? Non pas en disant qu'il aime Jésus-Christ comme une personne. On serait forcément un peu étonné du contraire puisqu'il est évêque. Ce qui est inquiétant c'est la dialectique qu'il instaure entre... Lui, qui aime Jésus Christ comme une personne et ceux qui ne sont pas comme Lui, qui, eux, n'aggravent pas leur cas et qui, donc, si l'on suit le mouvement de la pensée épiscopale, n'aiment pas Jésus-Christ comme une personne. Qu'est-ce qui est vraiment grave ? Il appartient à l'évêque de désigner ces "autres", il les désigne d'ailleurs dans son article de La Croix, comme ceux qui "obtiennent une rentabilité spirituelle et pastorale", qui ont des séminaristes, alors que le diocèse d'Angoulême "n'en a pas depuis plusieurs années".  Mais "eux" en ont parce qu'ils cherchent la rentabilité. Lui n'en a pas parce qu'il est "un témoin passionné et désarmé"

Sur un mode mineur et même funèbre, le mode du syndic de faillite, cette rhétorique de l'exclusion rappelle les pires heures de la guerres civile entre catholiques qui a si péniblement marqué l'après concile. Apparemment Mgr Dagens n'est pas guéri d'avoir à désigner des adversaires, et à stigmatiser ses frères et ses fils, qui sont catholiques comme lui, mais juste un peu plus efficaces que lui pour leur... plus grand tort.

Quant à moi, j'en reste sur tout cela à la brutalité de l'Evangile : "C'est à leurs fruits que vous les connaîtrez". Le discernement spirituel n'est pas toujours facile, mais malheur à ceux qui ne portent pas de fruits. Malheur à ceux qui se veulent stérile par perfectionnisme. Jésus maudit le figuier qui ne porte pas de fruits. Et pourtant note l'Evangéliste, "ce n'était pas la saison des figues". Que veut dire Jésus à travers cette parabole ? Les figuiers, c'est nous, évêques ou sans grades, prêtres ou laïcs, qu'importe. Nous ne sommes pas des saisonniers de Dieu et c'est en toute saison, jusque dans l'obscurité de ce monde matérialisé qu'il nous faut non pas nous glorifier de notre stérilité mais prendre les moyens qui nous permettront, chacun à notre place, de porter notre fruit. »

Ref : Mgr Dagens nous adjure de croire que l'Evangile c'est... ce qui ne marche pas

Le « quiétisme » de Mgr Dagens est aussi inquiétant que le vain activisme. Il faut relire à ce sujet le livre, déjà ancien ( Fayard, 1994), du Père André Manaranche «  Vouloir et former des prêtres » qui décrit et dénonce une certaine forme de contraception des vocations sacerdotales dans l’idéologie postconciliaire. Vingt ans après ce livre, ne sont-ce pas toujours les mêmes questions qui demeurent posées dans nos pays : les évêques sont-ils enfin prêts à dénoncer le slogan stupide « le manque de prêtres, une chance pour les laïcs » ? A faire autre chose que de « gérer un échec » ? A cesser de marginaliser des jeunes et des communautés qui sont l’espoir de demain ?  JPSC

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