Divorcés remariés : cinq cardinaux réaffirment la doctrine de l’Eglise (19/09/2014)

Parce qu’elle concerne la question centrale de l’indissolubilité du mariage, celle de l’accès à la Communion des divorcés remariés fait couler de l’encre – et pas n’importe laquelle – à la veille du Synode sur la famille.

D’Elisabeth de Baudouin, sur le site « « aleteia » :

livre-demeurer-dans-vérité-du-christ-mpi.jpg« À la veille de l’ouverture du Synode sur la famille, le 5 octobre prochain, la question de l’admissibilité des divorcés remariés à la Communion Eucharistique connait un nouveau rebondissement, et pas de moindres : cinq cardinaux, dont Gerhard Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi et à ce titre, principal collaborateur du Pape, un évêque et plusieurs experts viennent de publier un nouvel ouvrage sur cette question décidément sensible.

Ce livre, déjà paru aux Etats-Unis et sur le point de l’être en Italie (éd. Cantagalli) sortira également en Français, le 25 septembre prochain, chez Artège, sous le titre « Demeurer dans la vérité du Christ ».  A côté de la signature du Cardinal Müller, figurent celles des Cardinaux Carlo Caffarra, archevêque de Bologne, Raymond Leo Burke, préfet du Tribunal suprême de la signature apostolique, Walter Brandmüller et Velasio De Paolis, cardinaux émérites, ainsi que celle de l’archevêque Cyril Vasil’s (sj), secrétaire de la Congrégation pour les Eglises orientales, des Pères Robert Dodaro (O.S.A), président de l’Institut de patristique Augustinianum à Rome, et Paul Mankowski (sj) et du professeur John M. Rist.

L’intention des co-auteurs apparait clairement dans la préface de l’édition française du livre : répondre aux propositions du Cardinal Kasper concernant l’admissibilité de la communion aux divorcés remariés, telles qu’il les avait exposées notamment dans sa conférence d’introduction au consistoire extraordinaire des cardinaux des 20 et 21 février dernier. Comme le rappelle les auteurs, « le Cardinal Kasper proposait de modifier la discipline et l’enseignement de l’Église sur les sacrements en autorisant, dans des cas précis, les catholiques divorcés et remariés à recevoir la Communion Eucharistique après une période de repentance ». La conférence (qui d’ailleurs, ne traitait pas que de cette question, loin s’en faut), a été reprise par la suite pour l’essentiel dans un livre : « l’Evangile de la famille ».

Le ton de la préface est courtois, mais la condamnation est sans appel : « Le Cardinal (Kasper) invite ses lecteurs à poursuivre le débat. Le présent recueil n’a pas d’autre but que de répondre à cette invitation. Les essais publiés ci-après entendent réfuter sa proposition d’une version catholique de l’oikonomia pour certains divorcés remariés civilement. Ils s’attachent à montrer l’impossibilité de concilier cette idée avec la doctrine catholique de l’indissolubilité du mariage, la proposition ne pouvant que conduire à des erreurs d’interprétation sur la fidélité et la miséricorde » (ndlr : pratiquée par l’orthodoxie orientale, l’oikonomia permet, dans certains cas et après un chemin de pénitence, le remariage à l’Eglise).

L’ouvrage s’articule comme suit : Après l’introduction et une étude sur les premiers textes bibliques qui mentionnent la question du divorce et du remariage, suit un chapitre sur l’enseignement et la pratique de l’Eglise primitive, à propos desquels les auteurs affirment : « Qu’il s’agisse de la catéchèse ou de la patristique, les auteurs ne trouvent aucun fondement à un remariage civil après un divorce, comme le propose le Cardinal Kasper ». Un chapitre suivant analyse les raisons historiques et théologiques de l’oikonomia pratiquée par l’Orthodoxie orientale. Le dernier chapitre étudie l’élaboration au fil des siècles de la doctrine catholique sur le divorce et le remariage. Les auteurs concluent en « réitérant le raisonnement théologique et canonique en faveur du maintien de la cohérence entre doctrine catholique et discipline sacramentelle, en ce qui concerne le mariage et la Communion Eucharistique. »

Dans le même temps, les cardinaux Scola, archevêque de Milan, et Pell, préfet du Secrétariat pour l'économie du Saint-Siège, se sont exprimés dans la presse sur cette question ; non pas directement contre le Cardinal Kasper, mais dans la ligne de la doctrine traditionnelle de l’Eglise. Angelo Scola rappelle notamment que l’Eucharistie « n’est pas un sacrement de guérison », et que dans le cas des divorcés remariés, il ne s’agit pas d’ « un seul péché, toujours pardonnable quand la personne  se repent et demande pardon à Dieu », mais « d’un état de vie (…) qui demande à être changé pour pouvoir correspondre à ce que les deux sacrements actualisent ». Il appelle également à « valoriser davantage le ministère de l’évêque », dans le cas des demandes en nullité de mariage.

Surprise et amertume

Le Cardinal Kasper, qui a appris la sortie du livre par la presse, n’a pas caché sa surprise face à la publication de ce livre, ainsi qu’une certaine amertume. Il a rappelé qu’en accord avec le Pape, il avait posé des questions et proposé des pistes de réflexions en vue d’un débat, et réitéré sa position. « La doctrine de l’indissolubilité du mariage sacramentel se fonde sur le message de Jésus, l’Eglise n’a pas le pouvoir de le changer (…) Un second mariage sacramentel, quand le premier conjoint est en vie, n’est pas possible. Mais il faut distinguer la doctrine de la discipline, c'est-à-dire l’application pastorale à des situations complexes », a-t-il affirmé notamment.

Sur un tel sujet, la voix du préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi (nommé à ce poste par Benoît XVI en 2012) ne peut évidemment pas être entendue à la légère. On ne peut pas non plus ignorer que le pape François a parlé de l’introduction du Cardinal Kasper en des termes élogieux : « Hier, avant de dormir – mais pas pour m’endormir ! – j’ai lu et re-lu le travail du Cardinal Kasper et je voudrais le remercier, parce que j’y ai trouvé une théologie profonde et même une pensée sereine dans la théologie. C’est agréable de lire de la théologie sereine ! Et j’y ai trouvé ce dont Saint Ignace nous parle : ce sensus ecclesiae, l’amour de notre Mère l’Eglise. Cela m’a fait du bien et il m’est venu une idée - excusez-moi Eminence si je vous fais rougir – l’idée que voilà ce qu’on appelle faire de la théologie à genoux. Merci, merci ! »(Lire ici sur Aleteia). »

Le site « aleteia » conclut, prudemment :

« Certains parlent de la publication de ce livre comme d’une "fronde" contre l’évêque de Rome. Sans aller jusque-là, on peut toutefois regretter que le débat ouvert et apaisé souhaité par le Pape prenne des allures de « guerre d’influences », étalée sur la place publique. »

JPSC 

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