Toujours le « buzz » sur le rapport intermédiaire du synode : la réaction de l’hebdomadaire « Famille chrétienne » (15/10/2014)

Devant les fortes réactions qu’a provoquées la publication, la veille, de la relatio post disceptationem, le secrétaire général du synode a redit mardi 14 octobre qu’il s’agissait d’un « document de travail ». Mais pourquoi ce texte reflète-t-il aussi peu la pensée des évêques ?

« Opération « déminage » mardi matin au Synode sur la famille. Le rapport intermédiaire (« Relatio post disceptationem »), publié la veille, « n’a pas été bien compris », a reconnu le secrétaire général du synode, Mgr Lorenzo Baldisseri. « Il s’agit d’un document de travail et aucun cas d’un texte définitif », ont affirmé les différents porte-parole lors de la conférence de presse hebdomadaire.

Lors de sa présentation lundi 13 octobre au matin aux évêques, la relatio a suscité de nombreuses et fortes réactions. « Il a été fortement critiqué lors de sa présentation en Assemblée générale et il ne fait pas l’unanimité des Pères », a confié Mgr Tony Anatrella à l’agence de presse Zenit. Pas moins d’une quarantaine de participants ont pris la parole après la lecture faite par le rapporteur général, le cardinal Péter Erdo, dont une très large majorité a exprimé sa perplexité et son incompréhension devant la retranscription faite des débats de la première semaine.

Les points de divergence concernent principalement les suggestions pastorales avancées vis-à-vis des personnes homosexuelles et des divorcés-remariés. L’utilisation du concept de gradualité a aussi été contestée par certains intervenants. La présentation de la relatio a entraîné des réactions pour le moins énergiques : « Ce document manque de prudence », « nous sommes en train d’ouvrir une brèche », « ce texte est irresponsable », « il donne l’impression que l’Église se soumet à un lobby »…

Un rapport déséquilibré

Comment en est-on arrivé là ? s’interrogeaient de nombreux Pères synodaux mardi matin durant la pause-café. La lecture de la presse du jour, surinterprétant souvent et abusivement parfois le document, a suscité une forte émotion et même de l’angoisse parmi les évêques et les laïcs. La relatio est-elle le reflet de ce que pense l’assemblée ? Visiblement non. Les interventions de la première semaine, limitée à 4 minutes, ont contraint les participants à orienter leur propos, en fonction de leur origine géographique, de leurs centres d’intérêt ou encore des problématiques locales qu’ils pouvaient rencontrer. Ainsi, par exemple, les évêques africains ont concentré leurs interventions sur des points comme la polygamie, la pauvreté, les mariages mixtes, et pas sur la question des divorcés-remariés et de l’homosexualité. D’où leur fort étonnement lundi matin à la lecture de la relatio.

Le rapport intermédiaire a toujours été rendu public, rappelle-t-on au Vatican.

Le rapport intermédiaire reflète-t-il les discussions des congrégations générales ? Oui, mais de manière imparfaite. Si tous les éléments de la relatio post disceptationem ont été abordés la semaine dernière, ils ne l’ont pas été avec la même importance que ce que laisse croire le document. Ainsi, la question de la gradualité ou de l’homosexualité n’ont pas autant occupé les débats.

De plus, le cardinal sud-africain Wilfrid Napier, coprésident avec le cardinal Burke du groupe de travail anglophone, a-t-il expliqué que le problème avec le rapport était de donner l’impression que certains points avaient été discutés et validés par les Pères synodaux, alors que ce n’était tout bonnement pas le cas. En particulier, le paragraphe sur l’homosexualité ne reflétait « pas du tout » la teneur des propos du groupe de travail. Comment en est-on arrivé à une synthèse aussi déséquilibrée ? La procédure synodale marque ici ses limites.

Autre question que se posent les Pères synodaux : fallait-il communiquer le rapport ?

« La relatio intermédiaire a toujours été rendue publique », rappelle-t-on au Vatican. D’où vient l’erreur alors ? De la presse certainement, mais n’a-t-elle pas été induite en erreur par l’omission, lundi, de la retranscription des réactions critiques du matin ? Il semble que la responsabilité des rédacteurs, principalement le cardinal hongrois Péter Erdo et Mgr Forte, secrétaire spécial du Synode, soit ici engagée. N’avaient-ils pas conscience de l’ambigüité de leur texte ? Souhaitaient-ils en faire un « ballon d’essai » pour mesurer l’adhésion des évêques à un changement de ligne pastorale ? Le pape François lui-même a eu connaissance du document dans la soirée de dimanche. Mais pouvait-il retirer cette relatio alors même qu’il s’est toujours abstenu d’intervenir dans les discussions du Synode ? En avait-il seulement l’intention ?

De nombreux amendements à prévoir

Après cette erreur de communication, Rome essaie de minimiser la portée de ce rapport intermédiaire. « Le chantier reste ouvert », a redit Mgr Fernando Filoni mardi midi. Les cercles mineurs, démarrés lundi après-midi, ont commencé leur travail de lecture et d’amendement du texte. « Ils reprennent point par point la relatio. Il a déjà beaucoup de remarques », relate Romilda Ferrauto, chargée des relations presse avec les journalistes francophones. Les premiers « modi » (modifications) ont déjà été votés. Certains proposent purement et simplement de supprimer des paragraphes entiers. D’autres demandent que soient davantage mis en avant la famille et le mariage, et que des principes fondamentaux, comme celui de l’indissolubilité du mariage ou de la fidélité de nombreuses familles chrétiennes, soient réaffirmés.

Reprenant les découpages du rapport intermédiaire, la relatio synodi – le document final présenté et voté samedi 18 octobre – pourrait donc être bien différente sur le fond. Si tel est le cas - mais il ne faut préjuger de rien -, « ce sera une douche froide » pour toutes celles et tous ceux qui auront été induits en erreur par certains médias triomphalistes.

Ref. Rapport d'étape du Synode : Rome dans l’embarras

Voir aussi le site « Aleteia » :Synode sur la famille : un document de synthèse qui déclenche la tempête

«… Selon le bureau de presse du Vatican, 41 intervenants, en majorité des cardinaux, sont montés au créneau, pour dénoncer, qui « une capitulation de l’Eglise devant la gouvernance mondiale », qui « un texte poétique mais qui n’apporte rien », qui encore « un texte manquant de prudence » comportant des « passages irresponsables et « contraires à la doctrine de l’Eglise ». Sans compter tout ceux qui, parait-il voulaient s’exprimer dans ce sens mais qui n’ont pu le faire, faute de temps. Un Père en a même appelé, parait-il, à la gouvernance du Pape ! D’autres ont simplement souligné « le flou de langage, susceptible d’engendrer des confusions » Depuis, le texte a déjà fait couler beaucoup d’encre dans les médias, les uns saluant l’arrivée d’une révolution tant attendue, les autres criant au feu. Au point que d’aucuns, même parmi les journalistes, se sont demandés : fallait-il le publier ? Ce à quoi les porte-paroles du Saint-Siège ont répondu : cela s’est toujours fait (…) »

Bref : la confusion, avec l’espoir tout de même, que les discussions de cette semaine en « circuli minores » calment le jeu et corrigent le tir de ce projet de rapport inadmissible. JPSC

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