L’épineuse question des vocations sacerdotales en France (13/11/2014)

Une réflexion parue sur le site « Le Rouge et le Noir » sous la signature d’Albert Beauchef : le texte reproduit ci-dessous est la partie III, conclusive d’une analyse dont on peut trouver les deux premiers chapitres ici : Partie 1 - l'épineuse question ... Partie 2 - l'épineuse question ...

Un signe des temps ?

Pourquoi un nombre important de jeunes préfère entrer dans les communautés traditionnelles (au sens large) plutôt que dans les diocèses ? Les nombreuses entrées ces dernières années à la Communauté Saint Martin ne peuvent laisser indifférent. Voici 7 points qui nous semblent expliquer cet engouement :

1.   La liberté des post-modernes

Mgr Dominique Rey avait raison de dire que les jeunes d’aujourd’hui choisissaient leur séminaire comme ils le feraient pour une école de commerce [1]. Autrefois quitter son diocèse pouvait apparaître comme une infidélité, même légère, aujourd’hui cela semble plutôt un gage d’ouverture et d’universalité…

2. Le sentiment d’être accueillis comme ils sont, avec leur culture familiale (même tradie)

Ces jeunes ont souvent fréquenté les mêmes lieux (et aussi un peu les mêmes milieux) : les scouts d’Europe, le pélé de Chartres, les jmj, la messe tradie, etc., dans une culture alors considérée non comme un handicap mais comme une richesse.

3. Dans un cadre homogène et rassurant 

Le cadre du séminaire et celui de la Communauté sont homogènes et rassurants (pour les jeunes comme pour leurs parents). Cohérence entre leur histoire (celle de leurs confrères), la formation au séminaire et le ministère futur. 

4. Pour un projet valorisant

Clairement assumé par le jeune, valorisé dans les familles, reconnu par la communauté, le statut de séminariste lui permet de se lancer déjà, à sa place, dans un authentique apostolat. 

5. Pour recueillir un héritage (spirituel, théologique et liturgique)

Être un héritier, se mettre à l’école de la Tradition de l’Église... Pour un monde qui souffre de tant de ruptures, un tel enracinement est assurément une richesse précieuse aux yeux des jeunes générations. Le paradoxe veut que ce soit les communautés (récentes) qui transmettent cet héritage ancien…

6. Dans une perspective claire et un parcours plus lisible

En entrant au séminaire, ils deviennent séminaristes (et pas seulement à partir de l’Admission). Ils connaissent les étapes qui les conduiront au fil des années jusqu’à l’autel de Dieu… 

7. En vue d’un ministère respectueux de leur histoire

Les jeunes prêtres qui sortiront du séminaire se retrouveront à plusieurs, en communauté, et ne seront a priori pas destinés à être en première ligne dans la confrontation avec les anciennes générations de prêtres et de laïcs aux idées avancées…

Si la Communauté Saint Martin accueille des jeunes qui auraient pu entrer dans les séminaires diocésains, soulignons qu’elle voit aussi arriver, spécialement ces dernières années, des jeunes venant clairement de la mouvance traditionnelle (Forme extraordinaire) et qui n’ont pas voulu entrer à la Fraternité St Pierre ou l’Institut de Christ Roi... Sans doute parce que ces communautés ont, ces derniers temps, entretenu leurs particularismes jusqu’à l’excès (archaïsme, exclusivisme, etc.). Elles payent probablement là une forme d’enfermement héritée des combats d’hier dans lequel la jeune génération a plus de mal à se retrouver.

L’avenir

Bien sûr l’avenir appartient à la providence et il est imprudent de se faire prophète. Mais au vu des tendances actuelles, à savoir :

• la baisse globale du nombre des séminaristes diocésains,

• le léger recul dans les communautés nouvelles et mouvements spirituels,

•la légère augmentation dans les institutions traditionnelles,

on peut s’interroger sur l’avenir de la formation sacerdotale et le nouveau visage de l’Église en France.

Il y a dans l’Église une inertie, un conservatisme plus grand qu’ailleurs, (le Pape François le souligne assez !) qui rendent les réformes difficiles. Les mentalités changent plus par le renouvellement des générations. Mais les jeunes générations, moins nombreuses, peinent à se faire entendre. Même si l’on peut souhaiter des réformes rapides et audacieuses des institutions diocésaines, il est probable qu’elles restent, pour un certain temps encore, des vœux pieux…

En additionnant aujourd’hui les séminaristes des communautés traditionnelles, de la Communauté Saint Martin, des communautés nouvelles (Emmanuel, N D de Vie, Points-Cœur, etc.), on arrive aujourd’hui à presque 300 jeunes (350 si on voulait compter le chemin néo-catéchuménal) en formation dans les communautés diverses, tandis que les séminaristes proprement diocésains sont entre 500 et 520. Si les mêmes tendances se maintiennent on peut imaginer que ces deux groupes s’équivaudront aux alentours de 2020. Cela annonce un visage un peu nouveau pour l’Église en France. On peut aussi se demander si en fin de compte un certain nombre de diocèses ne seront pas alors obligés de sous-traiter la formation des séminaristes aux communautés…

Albert Beauchef

[1] Journal Le Monde du 22 juin 2012.

Réf. L’épineuse question des vocations sacerdotales en France

JPSC

12:15 | Lien permanent | Commentaires (3) |  Facebook | |  Imprimer |