La descente aux enfers de l’occident chrétien : irréversible ? (05/12/2014)

Sur le chemin de l’enfer, Dante vit soudain une porte sur laquelle étaient écrits ces mots tracés d’une sombre couleur : « vous qui entrez, laissez toute espérance » ( La divine comédie, livre un, dantenf07-02-01 (1).jpgchant troisième, vendredi-saint, 8 avril 1300). Lu sur le « metablog », cette réflexion post-synodale :

« La popularité du pape François, y compris auprès de publics éloignés de l’Église, est un phénomène massif et constant. Un pape qui fait l’objet de plusieurs couvertures de journaux à portée mondiale ; un pape qui suscite l’intérêt de personnalités éloignées de l’Église; etc. Certains hurleraient, d’autres s’en réjouiraient. Mais ce n’est pas la question. Et je crains que les discussions sur le pontificat bergoglien n’oublient certaines choses, à commencer par l’état précaire du catholicisme dans un pays comme la France, qui se vérifie dans tout l’occident sécularisé (de Los Angeles à Berlin ou de Stockholm à Barcelone). On raisonne encore comme si les jeunes de France et de Navarre étaient en contact permanent avec l’Église, comme si celle-ci continuait à drainer massivement les jeunes par ses aumôneries et son catéchisme… Nous ne sommes plus dans les années 1950, on en conviendra. Mais nous ne sommes plus non plus dans les années 1980: cela, on tend à l’oublier, tant chez les catholiques dits traditionnels que chez ceux qui ne le sont pas.

Permettez-moi une petite séquence rétro. Je ne vais pas vous parler de l’état de l’Église avant le concile, ou même de celui des dernières années pacelliennes ou même du bref intermède roncallien, mais bien de la situation des années 1980. Au cours de ces années, un nombre non négligeable d’enfants allaient au catéchisme et suivaient un parcours sacramentel complet, allant du baptême à la confirmation. Évidemment, ils allaient au catéchisme qui avait, pour ainsi dire, pignon sur rue, au point de susciter la curiosité de leurs collègues. Certes, les jeunes n’allaient pas à la messe tridentine, pas plus qu’ils ne suivaient un catéchisme sous forme de questions-réponses (le manuel Pierres vivantes existait) ; mais dans ces années 1980, le catholicisme existait encore dans l’espace public. Le catéchisme des enfants était un phénomène social. Malgré

toutes les controverses relatives aux méthodes catéchétiques et au contenu enseigné aux enfants, il existait encore une jeunesse touchée par l’Église. Après la bourrasque des années 1960 et 1970, il y eut une relative accalmie. Ainsi, mes camarades d’école primaire (précisons qu’il s’agit de l’école laïque) ou de colonie de vacances allaient au catéchisme. En classe de neige (CM1), les animateurs qui nous suivaient avaient même accompagné des jeunes à la messe du dimanche. De telles situations semblent impensables aujourd’hui : outre les éventuels cris d’orfraie poussés si l’on apprenait que des agents publics aident les jeunes à accomplir leur devoir dominical, il serait tout simplement inimaginable de voir des jeunes aller à la messe… Les jeunes catholiques existaient et cela se savait dans leur entourage. C’est sur cette jeunesse qu’a pu se greffer l’action de Jean-Paul II. 

Aujourd’hui, la situation est toute autre. Outre le fait que de moins en moins de parents font baptiser leurs enfants (sauf pour faire plaisir aux grands-, voire aux arrière-grands-parents), il y a moins de monde au catéchisme. De même, le parcours sacramentel se limite à la portion congrue : baptême jamais suivi de première communion, encore moins d’une confirmation ou de confession.. Ah, oui, j’oubliais : il va de soi qu’il n’y a plus de catéchisme donc plus de formation religieuse, même rudimentaire. Le gamin des années 1980 pouvait encore savoir qui était Jésus, qu’il existait un Ancien et un Nouveau testament ou qu’à la messe on écoutait les paroles de consécration : je ne suis pas sûr que son camarade d’aujourd’hui sache qu’un curé est forcément un prêtre ou ce qu’est une messe… Le décrochage parasite la perception par le grand public de ce que fait l’Eglise : par exemple du débat sur la communion aux divorcés remariés. Vu de l’extérieur, communier est un simple rite social, la marque d’adhésion à une communauté, qui ne communie jamais qu’à elle-même : un peu comme on se sert la main, en d’autres groupes ou d’autres occasions. Ce malentendu n’est pas nouveau – mais la petite minorité ignorante qu’il concernait est devenue majoritaire. 

Il n’y aura pas de «génération François» non parce que le pape ne le mérite pas ou parce qu’il n’en est pas digne -ce n’est pas la question- mais tout simplement parce qu’il n’existe pas, en soi, de génération. On peut dire qu’il existe des générations marquées par l’Église préconciliaire, des générations conciliaires, marquées par les réformes s’inscrivant dans le sillage de Vatican II : je crains qu’on ne puisse parler de génération franciscaine si ce n’est pour constater son inexistence. Et c’est bien le problème d’un discours papal qui s’adresse à un public en filigrane, un peu comme il existe des comédiens sans public. Je ne sais pas en quoi consistera l’exhortation post-synodale à venir, mais je crains qu’elle ne rate son coup en s’adressant à un public de vieilles dames, dont les questions matrimoniales apparaissent avec moins d’acuité… »

Ref. «Nous ne sommes plus dans les années 1980» - Il n'y aura pas de ‘Génération François’

JPSC 

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