Homélie pour le dimanche des vocations (26/04/2015)

Du Père Joseph-Marie Verlinde fsJ (homelies.fr) (archive 2009) :

Ce quatrième dimanche de Pâque, dont la liturgie nous présente la parabole du Christ Bon Berger, est traditionnellement choisi comme Journée mondiale de prière pour les vocations.

Nous le savons hélas trop bien : depuis quelques années le nombre des candidats au sacerdoce est en chute libre, et la tendance au redressement, si souvent annoncée, n’est guère significative. Que se passe-t-il ? Le Seigneur cesserait-il d’appeler des jeunes à travailler dans sa vigne ? Ne serait-ce pas plutôt nous qui sommes devenus sourds à ses appels ? Je dis « nous » bien que l’appel soit bien sûr personnel ; mais pour que le dialogue entre Dieu et son élu puisse s’instaurer, un ensemble de conditions sont requises, qui impliquent la famille, la paroisse, l’école, bref : l’entourage chrétien du jeune que Dieu a choisi. Il est clair que l’appel du Seigneur passe par des médiations ; ou même s’il résonne directement au cœur de l’intéressé, celui-ci a besoin du discernement, du soutien, de la confirmation de son entourage. Or si les proches ne croient plus à la grandeur de la vocation sacerdotale, s’ils ne sont plus convaincus de la grâce extraordinaire qu’elle représente, si leur attitude ou leurs paroles sont plutôt dissuasives, il y a beaucoup à parier que l’appel n’aboutira pas et que la vocation sera avortée.

Chaque vocation sacerdotale est enfantée par l’Eglise toute entière ; en premier lieu par l’Eglise domestique où le candidat a grandi, et l’Eglise locale où il a reçu les sacrements d’initiation chrétienne. Or tout enfantement est source de souffrances : « Pour faire un prêtre, disait St Jean Bosco, il faut beaucoup de larmes, de sueur et de sang ! » Sommes-nous prêts à payer ce prix pour voir se rajeunir le corps sacerdotal si vieillissant dans notre pays ? Sommes-nous prêts à prendre les devants et à assiéger le Cœur du Christ pour qu’il accède à notre demande ? Le Saint curé d’Ars disait que l’Eucharistie et le Sacerdoce sont des dons de l’amour du Cœur de Jésus : c’est donc à lui qu’il faut nous adresser pour obtenir les prêtres dont notre Eglise a un urgent besoin.

Encore faut-il que nous soyons convaincus de la beauté de cet état de vie pour que nous puissions en témoigner. Dans son homélie pour la messe chrismale de cette année, le pape Benoît XVI résumait en quelques mots « la signification profonde de la condition du prêtre : devenir ami de Jésus-Christ. Le Seigneur fait de nous ses amis : il nous confie tout ; il nous confie sa personne, afin que nous puissions parler en son nom - in persona Christi capitis » (dans la personne du Christ tête). Les longues années de ministère sacerdotal n’ont pas émoussé l’émerveillement du Saint Père devant la confiance que nous fait le Très-Haut : « Il s’est véritablement remis entre nos mains ». Pour Benoît XVI il ne fait pas de doute : l’essentiel du mystère sacerdotal réside dans cette union intime et ineffable que le Seigneur veut instaurer avec ceux qu’il a choisis pour continuer à travers eux son ministère de Bon Berger. Cette union intime est décrite par Jésus lui-même par le terme « amitié », qui « signifie communion dans la pensée et la volonté, et donc également dans l’action ». Une telle intimité suppose une connaissance personnelle, née de l’écoute de sa Parole, d’une proximité de vie. Il est clair que pour entretenir cette amitié, le prêtre doit avant tout être un homme de prière, car « son action extérieure resterait sans fruits et perdrait son efficacité si elle ne naissait pas de la communion intime avec le Christ ». Le seul Prêtre, c’est le Christ : les prêtres lui sont comme une humanité de surcroît, du moins s’ils acceptent de lui livrer leur existence toute entière, à l’image de Saint Paul qui pouvait dire : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2, 20). Jésus veut avoir besoin de l’humanité de ses prêtres pour continuer à porter en eux « le mal et la douleur du monde », dont se nourrit son amour rédempteur.

De même que le « vrai Berger donne sa vie pour ses brebis », ainsi le prêtre conscient de son appel, ne s’appartient plus, mais est tout livré à ceux que l’Eglise lui confie. Car « l’amitié avec Jésus est par antonomase toujours une amitié avec les siens, poursuit Benoît XVI. Nous ne pouvons être amis de Jésus que dans la communion avec le Christ tout entier, avec la tête et le corps ; dans la vigne abondante de l’Eglise animée par son Seigneur ».

Une telle exigence pourrait faire peur. Mais le pape nous rassure : il n’est pas nécessaire d’être parfait pour répondre à l’appel de Dieu ; « les fragilités et les limites humaines ne représentent pas un obstacle, à condition qu’elles contribuent à nous rendre toujours plus conscients du fait que nous avons besoin de la grâce rédemptrice du Christ. Dans le mystère de l’Eglise, Corps mystique du Christ, le pouvoir divin de l’amour change le cœur de l’homme, en le rendant capable de communiquer l’amour de Dieu à nos frères ».

Ce qui est vrai du sacerdoce ministériel, l’est aussi bien sûr, mutatis mutandis, du sacerdoce baptismal ; bien plus, ce n’est que dans la mesure où nous nous approprions le mystère du sacerdoce commun des fidèles, que nous pourrons vraiment pressentir la grandeur du mystère du sacerdoce ministériel. C’est pourquoi la recrudescence des vocations sacerdotale est étroitement liée à la conversion de l’Eglise toute entière. Les prêtres de demain seront le fruit de la conversion des chrétiens d’aujourd’hui, qui auront accepté d’entrer pleinement dans l’Alliance que le Seigneur renouvelle chaque jour dans l’Eucharistie. C’est à la table du banquet eucharistique où le Père lui-même nous invite, que nous prenons conscience que « dès maintenant, nous sommes enfants de Dieu ». Certes ce que nous serons ne paraît pas encore clairement ; mais « lorsque le Fils de Dieu paraîtra, nous serons semblables à lui parce que nous le verrons tel qu’il est » (2nd lect.). Or pour pouvoir progresser d’Eucharistie en Eucharistie jusqu’à la Pâque éternelle, nous avons précisément besoin du prêtre qui, en invoquant « le nom de Jésus le Nazaréen, crucifié par nous, ressuscité par Dieu » (1ère lect.) sur le pain et le vin, les transforme en son Corps et son Sang qui nous sauvent et nous vivifient. « C’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux. Tu es mon Dieu, je te rends grâce, mon Dieu, je t’exalte ! Rendez grâce au Seigneur : il est bon ! Eternel est son amour ! » (Ps 117).

« La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux ! Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson ! » (Mt 9,37) Commentant ce verset, le pape Benoît XVI conclut son message pour la Journée des vocations (aujourd’hui !) par ces mots : « Il n’est pas surprenant que là où l’on prie avec ferveur, les vocations fleurissent. La sainteté de l’Eglise dépend essentiellement de l’union avec le Christ et de l’ouverture au mystère de la grâce qui agit dans le cœur des croyants. Pour cela je voudrais inviter tous les fidèles à cultiver une relation intime avec le Christ, Maître et Pasteur de son peuple, en imitant Marie, qui conservait dans son cœur les divins mystères et les méditait avec soin (cf. Lc 2,19). »

Père Joseph-Marie

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