Mariage gay : quand des chercheurs américains se rétractent (22/05/2015)

Du Figaro.fr (Eugénie Bastié) :

Une étude sur le mariage gay truquée aux Etats-Unis

Cette enquête qui montrait qu'on pouvait faire changer d'avis une personne hostile au mariage homosexuel en 22 minutes se fondait sur une falsification des données. Les chercheurs américains se sont rétractés publiquement.

En décembre dernier, deux chercheurs de science politique, Michael LaCour de UCLA et Donald Green de Columbia, publiaient une étude sur le mariage gay qui eut grand retentissement outre-Atlantique, et fut relayée par de nombreux médias dans le monde entier (du New-York Times au Jerusalem Post en passant parLe Monde en France). L'idée principale de cette enquête était la suivante: une simple discussion rationelle pouvait changer l'opinion des gens sur le mariage gay. 22 minutes de conversation avec un avocat homosexuel suffiraient pour faire changer d'avis une personne hostile au mariage entre personnes de même sexe. L'étude, intitulée «Quand le contact change les mentalités: l'exemple de la transmission du soutien au mariage gay», qui se basait sur une «enquête méticuleuse» sur un échantillon de 9500 personnes, avait été publiée par la prestigieuse revue Science. La méthode utilisée était celle du porte-à-porte. Dans les groupes ayant reçu la visite d'un militant, le vote en faveur du mariage gay progressait de 8 points. «Ce qui revient à transformer un habitant du Midwest [conservateur] en électeur du Massachusetts [progressiste]», écrivait les auteurs. La conclusion allait à l'encontre de précédentes études qui montrait que les convictions des individus, largement ancrées dans leurs cultures respectives étaient difficilement perméables à la persuasion rationnelle.

Une conclusion étonnante. Trop. En réalité, l'enquête était truquée. Lacour avait falsifié les données. Mardi, son collègue Green, visiblement dupé, s'est rétracté publiquement, et a demandé au journal Science de retirer l'étude.

20 minutes pour changer les mentalités

Tout a commencé lorsque deux universitaires de Berkeley ont voulu reproduire l'étude. Ils n'ont pas abouti aux mêmes résultats et ont trouvé des anomalies dans les données initiales. Le taux qu'ils avaient trouvé était beaucoup plus bas que celui trouvé par Lacour et Green. Décidant de contacter l'entreprise présentée comme sous-traitant les données du porte-à-porte, ils se sont aperçus que celle-ci n'avait en réalité jamais mené une telle enquête. Au site Politico, le chercheur a confié avoir contacté son collègue, qui lui aurait affirmé qu'il «maintenait qu'il n'avait pas fabriqué les données, mais qu'il ne pouvait localiser la source des fichiers Qualtrics pour l'enquête». Qualtrics est l'institut de sondages utilisé pour sous-traiter l'enquête.

L'étude avait été commandée pour tester l'effectivité d'une campagne de porte-à-porte lancée par le centre LGBT de Los Angeles, après le passage de la proposition 8, qui interdisait le mariage aux couples de même sexe en Californie. Ce référendum interdisant le mariage entre personnes homosexuelles avait été approuvé par 52,24% des suffrages en novembre 2008, puis déclaré non-conforme à la Constitution des Etats-Unis en août 2010. Le directeur du centre voulait que l'étude prouve l'effectivité d'une conversation de 20 minutes pour changer les mentalités.

Ce qui s'est réellement passé: les militants du centre LGBT de Los Angeles- plus de 1000 volontaires selon This American Life, sont réellement allé faire du porte-à-porte pour convaincre les gens du mariage homosexuel. Mais ces gens n'ont jamais été questionnés sur leurs opinions.

De nombreux chercheurs de la communauté scientifique se sont dit «choqués» après avoir appris la falsification des données d'une enquête qui avait été tant célébrée et médiatisée. Les militants LGBT se sont dit eux blessés d'un mensonge qui nuit à leur cause. «Cela fait vraiment mal, quand on fait confiance à quelqu'un pour évoluer sérieusement votre travail et qu'il s'avère qu'il ne le fait pas» a déclaré Dave Fleischer, responsable du centre LGBT de Los Angeles, au New-York Times.

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