À l’école de la prière : être là comme Dieu est là (12/10/2015)

Le curé d’Ars s’exclamait souvent au cours de sa prière : « Il est là ! Il est là ! ». De Jacques Gauthier sur le site « aleteia » :

org_4427865-3286555.jpg« Il y a une grâce à être là. Chaque instant qui passe peut être l’occasion de nous abandonner en toute confiance à la présence amoureuse de Dieu au-dedans de nous. Dieu nous aime au présent. Le passé ne nous trouble plus, on remet à Dieu notre avenir, ainsi nous ne désespérons pas. « Je marcherai en présence du Seigneur sur la terre des vivants » (Ps 114, 9).

Comment vivre de cette présence divine en nous. En y croyant, en la désirant, dans le bruit ou en silence, en marchant ou en travaillant. Nous nous arrêtons quelques secondes, nous faisons un acte de foi : « Seigneur, je crois que tu es présent au plus profond de mon être ». Ce peut être le Père, Jésus ou l’Esprit Saint. On lui parle comme à un ami, mieux, on cause avec lui, on pense à lui en l’aimant, même si nous ne ressentons pas sa présence. C’est cela prier : un acte de foi et d’amour.

La mise en présence

Toute oraison, qu’on appelle aussi prière contemplative, commence normalement par une mise en présence de Dieu qui est une sorte de mise en forme spirituelle. Cette mise en présence peut se faire par le signe de la croix, un geste du corps, un chant qui détend, une courte évocation qui aide à plonger en Dieu. Thérèse d’Avila conseillait de commencer l’oraison par le « Je confesse à Dieu ». Récitons-le lentement, comme toute formule, car la lenteur au début de la prière favorise le recueillement. Rien ne cesse d’accélérer le débit des formules ou de précipiter les actions au début de l’oraison, cela distrait.

On peut aussi commencer en demandant pardon pour nos fautes, reconnaître devant Dieu notre pauvreté radicale, invoquer l’Esprit Saint pour qu’il nous comble de son amour. Plus nous serons au creux de l’indigence, plus l’Esprit de notre baptême nous remplira. Il est le maître de la prière, ne l’oublions jamais. Il nous recueille en Dieu et répand son amour en nos cœurs. Plus on se dispose ainsi à la prière, plus cela devient tout naturel, si nous savons durer. Il y a des jours où c’est plus facile, d’autres moins. À ce moment-là, abandonnons-nous en toute confiance à la miséricorde divine.

Il suffit d’être

Nous ne pouvons pas faire grand chose dans l’oraison, sinon être là, fidèles à ce rendez-vous d’amour que nous nous sommes fixés chaque jour, à heure fixe si possible. On se contente de rester immobile, en silence, présent dans le « château intérieur », comme dirait Thérèse d’Avila. L’oraison est la porte d’entrée du château de l’âme. On n’a pas à être ailleurs qu’en soi, attentif à Dieu qui nous transforme en lui par le Christ dans l’Esprit. Comme écrivait saint Augustin dans ses Confessions : « Je te cherchais au dehors et tu étais au dedans, Beauté ancienne, toujours neuve ».

Nous sommes là, au dedans de notre corps, comme dans une maison habitée par la beauté de l’Esprit. Tout le travail est de se tenir en silence dans une attitude amoureuse à Dieu. Nous n’avons qu’à être présents à la Présence, de demeurer dans le Christ en répétant une courte formule ou le nom de Jésus. Se livrer à l’oraison, c’est ne rien faire pour laisser le Christ nous façonner en lui. Même si on semble perdre notre temps, Jean de la Croix conseille de rester dans la paix, de garder patience et de persévérer dans l’amour. « Il suffit d’être », écrivait Patrice de La Tour du Pin dans son hymne En toute vie le silence dit Dieu.

L’attente de Dieu

Un chrétien qui prie dans le silence de son cœur porte le monde dans une tendresse compatissante. Toute l’Église est présente dans cette prière d’un cœur accordé à la miséricorde divine, qu’elle soit vécue à la maison ou dans un monastère, sur la rue ou dans un cloître. « Dieu ne fera-t-il pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit » (Luc 18, 7)?

Nous portons le monde sécularisé dans nos oraisons de sécheresse. Nous l’offrons avec Jésus au Père qui a tant aimé le monde. Notre manque de Dieu est aussi le leur. Tant de nos contemporains gémissent dans les déserts de la violence et dans les nuits de la douleur. Ils vivent comme si Dieu n’existait pas. Notre aridité devient féconde lorsqu’elle est unie, par Marie, à celle du Christ en croix pour nos frères et sœurs en quête de sens.

Dans la joie comme dans la peine, l’oraison reste une prière de simple présence où l’on se sait aimé de Dieu. Nous sommes là avec le Christ, en attente du silence qui n’est pas toujours comme on voudrait. Nous prolongeons sa prière terrestre, occupant notre cœur du mieux qu’on peut. Nous sommes là, comme des pauvres, pour un temps plus ou moins long, dans le désir de vivre une intimité d’amour. Nous reposons près du cœur de Jésus comme un enfant tout abandonné contre sa mère. Lui seul peut nous combler pour que nous le désirions toujours plus. Il veut nous transformer à son image en nous laissant crier jour et nuit. Même s’il nous semble que nous sommes sans désir dans la prière, nous sommes désirés par ce Dieu d’amour qui s’est fait homme pour nous sauver. La prière est une immense attente, celle que nous avons de Dieu et celle que Dieu a pour nous.

Le silence d’amour

L’important dans l’oraison est que le cœur soit touché par un silence d’amour plus que par une abondance de paroles. Saint Jean Climaque, un Père du désert du Sinaï, né en 575 et mort en 650, écrit avec justesse : « Ne cherche pas à beaucoup parler quand tu pries, de peur que ton esprit ne se distraie à chercher des mots. Un seul mot du publicain apaisa Dieu et un seul cri de foi sauva le larron. La loquacité dans la prière disperse souvent l’esprit et le remplit d’images, alors que la répétition d’une même parole ordinairement le recueille » (Échelle, degré 29, 9-10, Spiritualité Orientale no 24).

Cette méditation dépouillée d’un mot ou d’une courte parole peut éveiller le cœur profond et conduire à cette prière du cœur dont l’objet est l’amour de Dieu. Le langage que Dieu entend le mieux n’est que silence d’amour, affirme saint Jean de la Croix. Ce silence d’amour est un don de Dieu. On l’accueille dans la foi plus qu’on le possède. Nous n’avons qu’à être disponibles à cette prière silencieuse qui est union de l’âme à Dieu. Lui fera le reste.

Pour en savoir plus, rendez-vous sur le blog de Jacques Gauthier.

Pour aller plus loin: Guide pratique de la prière chrétienne (Presses de la Renaissance, 323 pages); Expérience de la prière (Parole et Silence, 140 pages).

Ref. À l’école de la prière : être là comme Dieu est là

JPSC

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