Communauté Saint-Martin : une réponse à la crise des vocations ? (11/11/2015)

3905715701.gifC’est un heureux hasard du calendrier. L’Année de la miséricorde, qui se déroulera dans tous les diocèses du 8 décembre 2015 au 20 novembre 2016, sera placée à Tours sous le patronage bienfaiteur de saint Martin (fêté le 11 novembre) dont le jubilé démarre mardi 10 novembre et durera jusqu’au 4 juillet 2017. Cette année martinienne veut marquer le 1 700e anniversaire de la naissance de ce grand évangélisateur, ancien légionnaire devenu évêque de Tours, qu’il gagna à pied depuis sa Hongrie natale, Le jubilé martinien est l'occasion pour la Communauté Saint-Martin, née il y a quarante ans, de préciser sa spiritualité. En revenant à sa source: la charité sacerdotale. Entretien d’Aymeric Pourbaix  avec Don Paul Préaux, supérieur de la Communauté.

 

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Lu dans « Famille chrétienne » :

Que dirait saint Martin aux prêtres d’aujourd’hui?

Que le grand danger qui menace leur vie est l’activisme ! Je n’existe qu’à travers ce que je fais, et je m’active – souvent bruyamment – afin de recevoir quelques gouttes de reconnaissance. Saint Martin nous apprend que ce qui est premier, c’est l’enracinement en Dieu. Ce qui est premier, c’est « être avec le Christ » (esse cum Christo). La vie apostolique est un débordement de ce trop-plein d’amour de Dieu en nous.

Rien de nouveau ! Il nous redirait ce que les papes ne cessent de nous répéter : «Ne nous laissons pas prendre par la précipitation, comme si le temps consacré au Christ dans une prière silencieuse était du temps perdu. C’est précisément là, en revanche, que naissent les fruits les plus merveilleux du service pastoral» (Benoît XVI, Rencontre avec le clergé polonais, 2006).

«On ne demande pas au prêtre d’être expert en économie, en construction ou en politique. On attend de lui qu’il soit expert dans la vie spirituelle.» (ibid.).

 

Cela s’apprend-il au séminaire?

Nous le répétons souvent aux séminaristes: ce que l’Église attend de vous, bien sûr, c’est l’acquisition d’un savoir théologique et d’une bonne pratique pastorale, mais avant tout cela, c’est prioritairement l’enracinement dans une vie théologale! Former des hommes capables de vivre une bonne solitude avec Dieu et avec soi-même, afin de vivre une vraie sollicitude avec les autres. Un prêtre qui n’a pas appris à vivre ce face-à-face quotidien avec Dieu et à protéger sa vie personnelle des fuites mondaines et des compensations affectives ne pourra pas vivre une relation adulte et sereine avec les autres: son évêque, ses confrères et les fidèles qui lui seront confiés. Il court le risque d’être en représentation, plutôt que de représenter le Christ Pasteur de son troupeau.

La Communauté Saint-Martin met l‘accent sur l’autorité et l’obéissance. Au risque de fabriquer de bons soldats?

Le séminaire doit être d’abord une école du discernement et de liberté intérieure, en vue du service. Une culture de la liberté pour elle-même serait dangereuse. Tous les jours, dans la prière du Benedictus, nous disons: «Afin que délivrés de la main de nos ennemis – ça, c’est la liberté –, nous Le servions dans la justice et l’amour».

Le pape Jean-Paul II avait cette formule très belle: «Une liberté mature, pleinement épanouie, est une liberté qui vit le don de soi et le service des autres». Or, c’est par l’apprentissage d’une obéissance filiale et humble que l’on grandit dans une vraie liberté et un service désintéressé du prochain. C’est dans la mesure où l’on aura appris l’obéissance chrétienne, que l’on pourra exercer l’autorité selon l’esprit du Christ. Cette autorité ne se recherche pas elle-même, elle sert et édifie le Corps du Christ dans la charité.

Que dites-vous aux évêques qui ont peur que la Communauté Saint-Martin leur prenne des vocations?

Que nous sommes au service des évêques, puisque nous leur envoyons des prêtres, par petite communauté de trois ou quatre, dans les paroisses, en fonction des demandes. Ensuite, que parmi nos séminaristes, très peu viennent des paroisses que nous desservons. Ça veut donc dire que nous ne travaillons pas pour notre propre compte.

Que faire pour résoudre la crise des vocations?

Je n’ai pas de recette! Les vocations que Dieu nous donne sont de purs dons. Il me semble important de continuer à croire que le Seigneur appelle toujours et croire à la nécessité de ce don de Dieu pour la vie du monde.

Ensuite, pour aider et accompagner les jeunes à mûrir l’appel que le Seigneur leur adresse, il faut des prêtres ou des consacrés, religieux, religieuses, qui soient bien dans leur tête et dans leur peau, qui donnent envie d’être prêtre, dans un environnement qui n’est plus porteur. Il faut des prêtres qui soient des témoins cohérents de la miséricorde de Dieu.

Ce que j’aime dans la figure pastorale de saint Martin, c’est sa recherche de Dieu dans la solitude de Marmoutier. Il n’a jamais cherché à être une star. C’est même l’antistar! Il avait trop le sens de Dieu et de sa fragilité. Le succès, nous le savons, n’est pas le nom de Dieu. Il peut être dangereux s’il n’est pas accompagné d’une forte vie spirituelle et d’une grande humilité.

Comment luttez-vous contre la starisation de la Communauté Saint-Martin?

Je ne cesse de me le répéter: humilité, humilité! Ne nous approprions pas les dons de Dieu. Nous avons actuellement des vocations: Dieu bénit. Si un jour il y en avait moins, Dieu continuerait de nous bénir. Beaucoup de personnes prient pour que nous restions humbles et à notre place. J’en suis très reconnaissant. Ne pas s’attacher à l’image qu’on renvoie de nous, mais s’attacher à Dieu seul. C’est une posture spirituelle et une conversion du cœur. C’est facile à dire, j’en conviens, mais il faut déjà en être convaincu intérieurement. Le grand danger serait de croire qu’on est les meilleurs, parce que nous sommes jeunes et nombreux. Ce serait une tentation satanique: s’il doit nous mordre, c’est ainsi qu’il nous mordra…

Ref. Communauté Saint-Martin : une réponse à la crise des vocations ? 

Espérons qu’en cette double année dédiée à la miséricorde et à l’un des saints les plus emblématiques de celle-ci, le cœur des évêques belges s’ouvrira à l’accueil de la communauté martinienne dans leurs diocèses.  

JPSC.

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