Quand le non-art contemporain s'apprête à trôner à Bruxelles, place de Brouckère (24/11/2015)

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Il n’y a pas que le terrorisme. Bruxelles-Ville a approuvé ce lundi soir une convention avec l’artiste britannique d’origine indienne Anish Kapoor, pour l’étude d’une sculpture monumentale à placer sur la place De Brouckère, en plein piétonnier. Cette œuvre devrait être la première d’un vrai parcours d’art contemporain en ville que Bruxelles veut créer. L’œuvre de Kapoor sera financée par des mécènes privés (le financement est organisé par la Fondation Roi Baudouin). 

Rappelons que Kapoor est une des plus grandes stars de l’art mondial. Il a récemment défrayé la chronique à Versailles, enthousiasmé au Couvent de La Tourette près de Lyon, et deux de ses oeuvres monumentales entreront dans le Rijksmuseum d’Amsterdam à la fin du mois. 

C'est le moment de rappeller que la présence d'une "oeuvre" de Kapoor dans le parc de Versailles a suscité la controverse. Baptisée "le vagin de la reine", elle avait même été vandalisée. Ces faits ont inspiré à Jean-Louis Harouel les commentaires suivants (FigaroVox du 18 juin) :

Anish Kapoor vandalisé : le scandale fait-il l'œuvre d'art ?

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Le spécialiste de l'art contemporain, Jean-Louis Harouel, réagit au vandalisme de l'œuvre d'Anish Kapoor. Pour lui, ce genre d'acte contribue à faire de la publicité à des «œuvres» assimilables à des produits financiers.


Jean-Louis Harouel est professeur de droit à Paris II et auteur notamment de «La grande falsification. L'art contemporain», «Le vrai génie du christianisme» et «Revenir à la nation» (Editions Jean-Cyrille Godefroy).


L'œuvre du britannique Anish Kapoor, «Dirty Corner» installée dans les jardins du château de Versailles, a été vandalisée. Que cela vous inspire-t-il?

Jean-Louis Harouel: Pour salubre qu'il soit, cet acte fait aussi le jeu du pseudo-artiste qui a décidé d'insulter aujourd'hui Versailles, les reines de France, l'histoire de France et toute la France. Grâce à l'outrage qu'il fait délibérément à Versailles, il compte faire beaucoup parler de lui, faire connaître mondialement son nom fort ignoré du grand public, faire beaucoup monter sa cote, gagner énormément d'argent. Et le fait qu'on s'en soit pris à sa prétendue œuvre lui apporte un surcroît de publicité qui doit le ravir.

Cela dit, je crois qu'il est préférable de ne pas prononcer son nom, ni même de savoir son nom. Ce serait lui faire trop d'honneur. Je l'appellerai simplement «l'individu qui insulte aujourd'hui Versailles». Mais en vérité, c'est encore lui accorder trop d'importance que de voir en lui une véritable individualité. Il est seulement un rouage parmi d'autres de cette immense bouffonnerie que l'on appelle fallacieusement «art contemporain».

 

De manière générale, le scandale suffit-il à faire une œuvre d'art?

Dans le passé, de grands artistes ont suscité le scandale, comme Caravage ou Courbet. Mais cela est toujours passé par la volonté de réaliser une œuvre d'art au sens habituel du terme, de produire quelque chose qui va au-delà d'objets bruts qu'on jette simplement à la figure des gens. Or l'«installation» qui fait scandale à Versailles ne relève pas de l'art mais de l'imposture. Et le scandale n'y change rien.

Finalement, l'art contemporain est-il de l'art?

En règle générale, le prétendu art contemporain n'a rien à voir avec l'art. C'est une grande falsification de l'art. C'est une absence d'art affublée du nom d'art. C'est un système où les mots n'ont plus le même sens que leur sens d'origine. C'est un système dans lequel les notions de beau, de laid, de savoir-faire et de talent artistique n'ont aucune espèce d'importance. Cette imposture repose sur deux dogmes: le remplacement de l'art par le soi-disant artiste dûment sacralisé ; le remplacement de l'œuvre par n'importe quoi. Depuis la cuvette d'urinoir présenté par Duchamp comme sculpture voici un siècle, n'importe quoi peut servir d'œuvre.

Il ne faut plus parler d'art contemporain mais de «non-art contemporain». C'est ce qu'exprime parfaitement le sigle NAC: non-art contemporain, nullité artistique contemporaine, néant artistique contemporain. Le NAC est une immense construction financière spéculative qui se soutient elle-même et peut assurer le succès de n'importe qui. Les faux artistes qu'elle utilise sont de simples marionnettes au service de cette gigantesque construction financière. Individuellement, ils n'ont aucune existence véritable et ne présentent aucun intérêt du point de vue de l'art. Les prétendus artistes contemporains sont des bouffons interchangeables, auteurs de bouffonneries interchangeables.

C'est la troisième polémique de ce genre en moins d'un an après celles liées aux sculptures de Jeff Koons et Paul McCarthy. Que révèlent-elles?

Les faux artistes du NAC sont assimilables à des produits financiers de mauvais aloi auxquels seules des manœuvres habiles peuvent apporter artificiellement une valeur marchande. L'un des procédés les plus efficaces consiste à procurer à un soi-disant artiste une grande exposition dans un lieu artistique et historique mondialement célèbre: par exemple le Louvre, la place Vendôme, la Monnaie de Paris, ou mieux encore Versailles!

Simplement, pour que la spéculation financière soit fructueuse, il faut que le bouffon adapte sa bouffonnerie en vue de l'objectif de publicité de scandale à atteindre. Cela fait bientôt dix ans que Versailles est pollué par le non-art contemporain - par le NAC -, si bien que cette habitude de transgression lassante commençait à ronronner, à entrer dans la banalité. D'où l'utilité, pour réactiver le scandale, de pimenter la bouffonnerie en lui donnant une dimension sexuelle. Rien de mieux que la pornographie ou l'analité pour obtenir un bon scandale bien rentable pour les pseudo-artistes et les milliardaires qui s'enrichissent grâce à eux. Cela donne un étron gonflable à la Monnaie, un sapin obscène sur la place Vendôme et, si on en croit le responsable de la chose, un sexe féminin dans le parc de Versailles. Si le détournement de Versailles se poursuit dans les années à venir, il faut être bien conscient que l'on verra des choses encore bien pires de la part des bouffons du moment.

Le public a longtemps été indifférent à ce genre de provocations. Pourquoi se révolte-t-il aujourd'hui?

C'est une des conséquences de la réaction salutaire de la société civile face à la subversion de nos sociétés et de notre civilisation par des réformes sociétales irresponsables. Les manifestations contre le «mariage pour tous» et la protestation courageuse et digne des Veilleurs - ils ont d'ailleurs passé la nuit dernière devant le château pour protester contre l'insulte faite à Versailles - ont suscité une prise de conscience du public.

De plus en plus de gens savent que la pollution des hauts lieux classiques par le non-art contemporain profite exclusivement à l'étroite classe mondiale des milliardaires incultes qui investissent des sommes immenses dans les bouffonneries du NAC. Ils ont tout intérêt à ce que les prix s'envolent pour pouvoir effectuer des reventes fructueuses. Pour ces hommes d'affaires et ces financiers, le NAC représente un moyen de placement à court terme de leurs liquidités, comme naguère les bons du Trésor américain.

L'État trahit gravement sa mission en opérant un cynique détournement des fleurons du patrimoine et des musées classiques pour en faire le support publicitaire des pires impostures du non-art contemporain. Le ministère de la Culture est le ministère du culte de cette ahurissante religion d'État qui rend obligatoire la pollution du patrimoine historique et artistique par des bouffonneries prétentieuses et parfois abjectes.

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