Terrorisme : l'amalgame entre islam et christianisme est extrêmement dommageable pour l'Eglise (28/01/2016)

D'Henri de Begard sur "Le Rouge et le Noir" :

Terrorisme : l’amalgame entre religions est profondément dangereux pour le christianisme

Nombreux sont les intervenants médiatiques et politiques qui insistent régulièrement sur la nécessité de ne pas faire d’amalgame entre l’islam et l’islamisme. Mais bien souvent cette distinction est entachée de deux erreurs majeures.

La première, déjà évoquée dans de précédents articles [1], consiste à déclarer que l’islamisme n’a rien à voir avec l’islam. Le refus de cette filiation est non seulement insultante intellectuellement, mais elle est aussi un frein véritable à la résolution du problème djihadiste.

La deuxième erreur consiste à commettre un amalgame plus grand encore que celui entre islam, islamisme et violence, en élargissant la dénonciation de la violence, en affirmant qu’elle est intrinsèque aux religions, que chaque religion possède son extrémisme, et que ces extrémismes sont comparables.

Il s’agit, par exemple, de cette opération [2] relayée par les médias dans laquelle des individus sont allés lire dans la rue des passages de la bible, les faisant passer pour des extraits du Coran, pour observer les réactions des passants et démontrer ainsi que la violence du christianisme est comparable à celle de l’islam (oubliant au passage que le catholicisme a pourtant plusieurs choses que le Coran n’a pas : un nouveau testament, une tradition, et une autorité, le pape).

Les religions, sources des violences terroristes ?

En refusant de voir la spécificité du terrorisme islamique, cette deuxième erreur empêche, comme la première, de poser une analyse correcte de la situation et de se donner les véritables moyens de le combattre. Mais cet amalgame “par le haut” est aussi profondément néfaste pour le christianisme.

 

En affirmant que le problème serait celui de la violence religieuse et en présumant un problème général des rapports entre le monde moderne et les religions, ceux qui s’y livrent jettent le discrédit sur toutes les religions. Cette confusion, tout à fait moderne, n’est pas tenable. De même, il est fort délicat d’affirmer que le Dieu de l’islam est le Dieu du christianisme tant certaines différences théologiques sont fondamentales.

L’autre méprise consiste à vouloir ne traiter le terrorisme que comme un problème religieux, faisant comme si celui-ci était propre aux religions. Il suffit pour se convaincre du contraire de se rappeler les nombreux actes terroristes commis par les mouvements anarchistes du 19e siècle.

La spécificité du terrorisme islamique

Soyons clairs : tout crime commis par un musulman n’est pas un acte terroriste musulman, tout comme les crimes commis par les chrétiens ne sont pas ipso facto des actes terroristes chrétiens [3].

Ce qui permet de qualifier spécifiquement ces actes d’“islamiques” (et c’est bien là un point fondamental du terrorisme islamique de la fin du XXe siècle et du début du XXIe), est la revendication claire et sans ambigüité par les djihadistes de leurs crimes au nom de leur religion. Si n’importe quel croyant peut, en théorie, commettre un acte terroriste en se revendiquant de sa foi, on observe en pratique que les terrorismes qui se revendiquent d’une religion le font généralement au nom de l’islam, et qui plus est d’une idéologie islamique structurée. On comprend donc qu’il est inacceptable de vouloir répondre à un ennemi clairement identifié, le terrorisme islamique, en cherchant à le noyer dans un ennemi imaginaire que serait un extrémisme religieux flou et général.

L’autre spécificité fondamentale du terrorisme islamique est son aspect global, ce terrorisme n’est pas lié à un événement local (historiquement et géographiquement), à un contexte particulier. Le terrorisme islamique actuel est global, mondial, et se revendique explicitement, à travers le monde, de l’islam, dans un but religieux.

Laisser s’installer cette confusion entre religions sera profondément dommageable pour l’Église

Laisser cette confusion s’installer dans l’esprit des Français serait profondément dommageable pour l’Église et les chrétiens. Tout d’abord parce qu’il permet (et c’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles il est fait avec tant d’insistance par certains militants laïcistes) d’exiger que toutes les religions se plient à des contraintes laïques de plus en plus fortes.

Si ces velléités semblent limitées pour le moment à des crispations absurdes autour des crèches depuis désormais plusieurs années, il est à craindre que l’on n’exige dans le futur des chrétiens de nouvelles servitudes dans l’exercice de leur religion, voir dans leur liberté de conscience [4].

On observe aussi un glissement sémantique consistant à qualifier d’extrémistes, ou de fondamentalistes, les catholiques fidèles à la doctrine de l’Église et qui défendent la vie de sa conception jusqu’à sa mort naturelle ainsi que le mariage homme-femme [5]. Cet “extrémisme” chrétien devenant comparable à l’extrémisme islamique.

Cet amalgame ou cette confusion faite entre christianisme et islam est aussi malheureusement parfois entretenue par les fidèles eux-mêmes ou certains membres du clergé (lorsqu’ils décident par exemple d’aller assister ou participer à des prières dans les mosquées). Le risque profond que fait courir au christianisme cet amalgame entre christianisme et islam est celui d’un rejet par les populations européennes de toutes les religions.

Nous savons pourtant que ce n’est pas l’idéologie républicaine et laïque qui nous sauvera. Si l’islamisme doit certes être combattu, les chrétiens doivent prendre conscience que l’on ne combat pas un radicalisme religieux en lui opposant un vide spirituel, celui-ci expliquant justement pourquoi tant de jeunes se radicalisent. On ne peut lutter contre un extrémisme qui a pris la place d’un vide spirituel qu’en comblant ce vide spirituel en lui donnant une réponse authentique. Combattre l’islamisme (ou combattre l’islamisation de l’Europe d’ailleurs) sans proposer d’alternative spirituelle authentique sera un échec et la seule alternative réelle à proposer en Europe ne peut être qu’un retour à la foi chrétienne.

On est alors en droit de s’interroger : ces intellectuels athées qui comprennent cela entretiennent-ils sciemment l’amalgame entre les religions pour empêcher ce retour qui, pour sauver la France et l’Europe, est inévitable ? On n’ose y croire.


[1Voir Dieu des chrétiens, Dieu des musulmans et
« Marche républicaine » : ils ont marché mais n’ont rien compris.

[2L’Express, « Ils lisent la Bible dans la rue en faisant croire que c’est le Coran », 07/12/2015.

[3Ce qu’à tenté par exemple Slate dans quelques articles : « Si l’on parle d’islamisme radical, il faut aussi parler de christianisme radical » et « Anders Behring Breivik et le terrorisme chrétien ».

Le Cas de l’IRA, souvent cité, est particulier : les différents attentats commis par l’IRA ne l’ont pas été « au nom de la religion » catholique, le clivage catholiques/protestants était avant tout un clivage entre indépendantistes ou unionistes, ou entre locaux et « immigrés » anglais.

[4On pourrait se demander par exemple s’il n’est pas à craindre une restriction des libertés des établissements hors contrat, même si pour le moment la seule volonté exprimée a été un renforcement des contrôles des établissements hors contrat, et particulièrement des établissements musulmans.

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