Une note historique et biblique sur la Sainte Tunique d'Argenteuil (24/03/2016)

affiche_sainte_tunique.jpgDu Père Noël TANAZACQ, Recteur de la Paroisse Ste Geneviève-St Martin (Paris) (Métropole Orthodoxe Roumaine d’Europe occidentale et Méridionale), cette note éclairante publiée en marge de l'ostension exceptionnelle de la Sainte Tunique du Christ à Argenteuil :

La Sainte Tunique du Christ conservée à Argenteuil

Note historique et biblique

La sainte et précieuse tunique de Notre Seigneur Dieu et Sauveur Jésus-Christ, imprégnée de Son propre Sang, est conservée en France, à Argenteuil, en région parisienne (dans le Val-d’Oise), depuis 1 200 ans.

1- Historique

Les documents les plus anciens qui en parlent sont du 6 ème siècle (St Grégoire de Tours). St Jean Damascène la mentionne (en 726). Le pape de Rome Léon III, après avoir sacré Charlemagne (en 800), voulait le marier avec l’impératrice Irène (1) de Constantinople (ils étaient veufs tous les deux). En 801, il y eut un échange d’ambassades et de cadeaux : Irène offrit la sainte Tunique à Charlemagne. Celui-ci en fit don à sa fille, Théodrade, abbesse d’Argenteuil.

Lors des invasions normandes du 9ème siècle, la Tunique fut cachée dans un mur (en 855). Mais on ne la retrouva, providentiellement, que trois siècles plus tard, en 1156. Pendant les guerres de religion, elle échappa miraculeusement à la destruction, lorsque les Protestants pillèrent la ville, en 1567. De nombreux rois vinrent la vénérer, notamment Saint Louis, Charles V et Louis XIII, ainsi que Richelieu.

Pendant la Révolution française, le monastère fut fermé et les moines (2) dispersés. A partir de novembre 1793, sous la Terreur, le culte chrétien fut de facto aboli et le reliquaire précieux envoyé à la fonte. L’abbé Ozet (ancien supérieur de l’abbaye, devenu curé) enleva en secret la Tunique et la découpa en morceaux, en en distribuant quelques-uns à des fidèles sûrs et en enfouissant les autres dans le jardin du presbytère. Il sauva ainsi la précieuse relique de la destruction, mais cela lui causa de grands dommages.

 

Lors de la restauration de la liberté de culte, il put sortir de sa prison, en février 1795, et la déterra. En 1804, la vénération publique fut rétablie. En 1844, les morceaux rassemblés de la Sainte Tunique furent mis dans un nouveau reliquaire, qui existe toujours. En 1864, la nouvelle basilique d’Argenteuil, qui remplaçait la vielle église, accueillit définitivement la Sainte Tunique (elle se trouve, en temps ordinaire, dans la chapelle du transept Sud, roulée dans son reliquaire de 1844, mais qui ne permet pas de la voir). En 1882, l’évêque de Versailles, Mgr Goux, fit un examen approfondi de la Tunique, et rédigea un procès-verbal précis de son état. En 1892, la Tunique fut reconstituée sur un tissu, qui servait de support.

Les ostensions (3) ont lieu normalement tous les 50 ans. Il y en a eu une en 1934 et une autre en 1984. La prochaine devait avoir lieu en 2034, mais l’évêque de Pontoise a décidé d’en faire une en 2016, à l’occasion de l’Année de la Miséricorde, proclamée par le pape de Rome François. Lors des ostensions, elle est présentée sur un mannequin, placé dans un très grand reliquaire vitré (offert par une famille en 1894). Elle est actuellement très incomplète, parce que de nombreux prélèvements avaient été faits avant la Révolution et qu’une partie des morceaux découpés n’ont pas été retrouvés (ou qu’on n’ait pas su les raccorder aux autres) (4) . On possède une grande partie du dos, l’encolure et une petite partie du devant.

2- Quel type de vêtement était-elle et quel est son rapport avec le Christ ?

Elle était un vêtement de dessous, un linge de corps (ressemblant aux tee-shirts actuels, mais plus long), descendant jusqu’à mi-cuisses, et à manches courtes (allant jusqu’aux coudes), vêtement habituel des Galiléens du peuple. St Jean l’appelle chitôn (vêtement de dessous, tunique) et précise qu’elle était araphos, sans couture (« inconsutile » en vieux français) (Jn 19/23). Or, les études scientifiques récentes ont prouvé qu’elle est bien sans couture. Elle a été certainement tissée par Marie, à Nazareth, pour Son fils Jésus, car c’était un des rôles importants des mères juives de tisser les vêtements de la famille.

Elle est en laine de mouton, au tissage souple et léger, teintée à l’origine en brun-rouge avec de la garance (ce qui était courant en Galilée, à l’époque du Christ). Elle est mentionnée deux fois dans les Evangiles, une fois indirectement par St Matthieu, qui précise qu’après la flagellation, les soldats remirent Ses vêtements à Jésus -ce qui explique qu’elle soit tachée de sang- (Mt 27/31) et une fois directement par St Jean, lorsqu’il mentionne que les soldats se sont partagés les vêtements du Christ, mais qu’ils ont tiré au sort Sa tunique, parce qu’elle était sans couture (Jn 19/23). Il est possible qu’elle ait été récupérée par St Jean (rachetée au soldat qui l’avait gagnée5 ) et rendue à Marie, la Mère de Dieu.

3- Les études scientifiques (du 19ème au 21ème siècles)

En 1882, Mgr Goux avait fait faire une expertise par des spécialistes des tissus anciens de la Manufacture des Gobelins (Paris 13e ) et de celle de Beauvais. En 1892, il fit examiner et analyser deux parcelles par des pharmaciens-chimistes, qui attestèrent qu’il y avait bien des taches de sang.

En 1934, les premières photos scientifiques furent faites par l’Ingénieur-général Gérard Cordonnier. En 1995, a été créé le C.O.S.T.A. (Cercle Œcuménique et Scientifique de la Sainte Tunique d’Argenteuil).

La Tunique étant propriété de l’Etat depuis 1905 et classée « Monument Historique », le sous-préfet d’Argenteuil a mis en place, en 2003, un comité de datation et il a fait faire des travaux scientifiques approfondis par des spécialistes du C.N.R.S. et du Commissariat à l’Energie Atomique (C.E.A.), et des spécialistes des tissus anciens.

Il faut rappeler qu’il a trois reliques majeures du Christ dans le monde (indépendamment de la Vraie Croix) : le Linceul de Turin (appelé improprement le « Saint Suaire »), le Suaire d’Oviedo (Espagne) et la Tunique d’Argenteuil. Le Linceul de Turin et le Suaire d’Oviedo sont en lin (comme l’imposait la Loi de Moïse pour les vêtements des grands-prêtres). Les résultats des études sur la Tunique d’Argenteuil ont été soigneusement comparés à ceux de Turin et d’Oviedo. Les poussières siliceuses trouvées, indiquent qu’elle a séjourné dans un pays dont le sol était de nature désertique (ce qui correspond à une grande partie de la Palestine). Les pollens trouvés sont les mêmes que ceux du Linceul de Turin et du Suaire d’Oviedo (pollens de cèdres du Liban et d’un pistachier qu’on ne trouve qu’en Palestine). On y a trouvé aussi une diatomée (algue monocellulaire) indiquant qu’elle avait été en contact avec une eau de rivière non polluée et coulant sur un sol de sable aride (ce qui correspond au Jourdain). On y a trouvé aussi des poils de barbe et des cheveux qui ont permis de déterminer que la personne était de race blanche.

Mais le plus important est qu’on y a trouvé de nombreuses taches de sang (6). Le professeur André Marion (C.N.R.S.) a comparé les taches de sang de la Tunique avec celles du Linceul de Turin, et a constaté qu’il y avait une correspondance rigoureuse entre elles : il a mis en évidence que les principales taches provenaient du port de la Croix (principalement sur l’épaule gauche) qui avait taché la Tunique en raison des plaies faites par la flagellation. Enfin, le professeur Gérard Lucotte, spécialiste de génétique, a fait des découvertes capitales en utilisant un microscope électronique à balayage. Il a découvert que la Tunique était en fait couverte de sang (ce qui ne se voit pas à l’œil nu). Il s’agit d’un sang du groupe AB (comme à Turin et Oviedo), qui est le plus fréquent au Moyen-Orient (avec un record mondial en Judée) et dont on a pu établir l’ADN. Il s’agit d’un ADN humain, ancien, concernant une personne de sexe masculin, certainement un homme d’origine « juive orientale ».

En conclusion, on peut dire ceci : l’homme qui a porté la sainte Tunique est le même que celui dont le visage fut recouvert du Suaire d’Oviedo et dont le corps fut enveloppé dans le Linceul de Turin. Il mesurait environ 1m78 (d’après le Linceul de Turin). C’était un homme blanc du Moyen-Orient, d’origine juive. Tous ces résultats scientifiques, qui concordent, confirment ce que la Tradition chrétienne avait cru depuis toujours : cet homme est le crucifié du Golgotha, Jésus-Christ, notre Dieu et Seigneur.

Terminons par deux remarques d’ordre spirituel.

- La sainte Tunique est rouge foncé et constellée de taches de sang, ce qui est conforme à la prophétie d’Isaïe (8ème s. av.J-C) : « Pourquoi ton vêtement est-il rouge, tes habits comme ceux d’un fouleur au pressoir ?...Leur sang a giclé sur mes vêtements et a taché tous mes habits…» (Is 63/2-3).

- La Tunique sans couture du Christ a toujours été considérée par la Tradition chrétienne comme le symbole de l’unité de l’Eglise. Sa présence en Occident, en tant que don de l’Orient (7), bien avant le schisme de 1054, témoignait de l’unité de l’Eglise indivise, celle du premier millénaire. Cette tunique fut déchirée en de nombreux morceaux, en France, après le schisme de 1054, dans lequel l’Occident a eu une très lourde responsabilité, et pendant la persécution anti-chrétienne la plus violente depuis l’Empire romain, celle de la Révolution française, prémices et annonce de la révolution bolchévique, qui fera pire. Au fond, elle est le signe de l’état actuel de l’Eglise. Mais, heureusement, en ce début du troisième millénaire chrétien, elle rassemble tous les Chrétiens. Mieux, en cette année 2016, aura lieu pour la première fois depuis 1793, une tentative de reconstitution rigoureuse (8) de la Tunique, sur un tissu neutre qui ne dégrade pas la relique. Prenons-la comme une prophétie du retour de l’Eglise à son unité première.

Père Noël TANAZACQ, Recteur de la Paroisse Ste Geneviève-St Martin (Paris)

Notes

1- Irène régna de 780 à 802. C’est grâce à elle que le 7ème et dernier concile œcuménique put se réunir en 787 à Nicée (condamnant l’hérésie iconoclaste).

2- Depuis 1129, c’était un monastère d’hommes, dépendant de la célèbre abbaye de Saint-Denis.

3- Une ostension (du latin ostendere, montrer) est une présentation publique d’une relique, qui normalement se trouve conservée dans un reliquaire, et n’est donc pas visible (pour la préserver des dommages du temps et des vols).

4- Il y a 20 morceaux, dont 2 très grands. Certains morceaux ont été mal raccordés aux autres et d’autres, qu’on n’a pas su raccorder, ont été donnés à de pieuses personnes ou institutions.

5- Comme c’était la coutume : les soldats se partageaient les vêtements des crucifiés, puis les revendaient à la famille, pour se faire un peu d’argent.

6- Les taches de sang furent découvertes en 1882, à l’œil nu. Une analyse en sera faite par les deux pharmaciens en 1892, mais les techniques de l’époque ne pouvaient apporter que des informations partielles (du sang de qui ou de quoi ? On ne savait pas s’il s’agissait de sang humain).

7- Don de l’Empire byzantin au jeune Empire franc, l’Empire carolingien. Le Suaire d’Oviedo avait été transporté en Egypte, à cause de l’invasion des Perses de 614 [ils avaient dérobé la vraie Croix], puis en Espagne, à Tolède, et enfin à Oviedo (dans les Asturies) à cause de l’invasion arabo-islamique. Le Linceul de Turin, lui, a été dérobé à Constantinople par les Croisés.

8- La reconstitution de 1892 était artisanale et hasardeuse, et faite sur un tissu qui endommageait la relique. (12 mars 2016 : St Grégoire-le-grand, pape de Rome, et St Siméon le Nouveau-Théologien, abbé à Constantinople)

Bibliographie sommaire :

- Gérard LUCOTTE et Philippe BORNET : Sanguis Chisti, le sang du Christ, Guy Trédaniel Ed., 2007, 198 p., ill. Très bonne synthèse, à jour.

- André MARION et Gérard LUCOTTE : Le Linceul de Turin et la Tunique d’Argenteuil, Presses de la Renaissance, 2006, 330 p., ill.

- Pierluigi BAIMA BOLLONE : 101 questions sur le Saint Suaire, Ed. Saint-Augustin 2001, 316 p. La meilleure synthèse en langue française sur le Linceul de Turin, et la plus à jour.

- Jean-Maurice CLERCQ : Les grandes reliques du Christ : la sainte Tunique d’Argenteuil, le Suaire d’Oviedo, le Linceul de Turin, F-X de Guibert, 2007, 160 p., ill.

- Pierre BARBET : Le Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ selon le chirurgien, Ed. Paulines, 1982. Réimpression d’un ouvrage célèbre, de 1950, qui demeure irremplaçable.

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