"La renonciation du pape est possible, mais il faut espérer qu’il n’y en ait plus jamais d’autre" (18/07/2016)

De Sandro Magister sur son blog Chiesa.espresso :

Brandmüller: "La renonciation du pape est possible, mais il faut espérer qu’il n’y en ait plus jamais d’autre"

Le cardinal allemand, qui fait autorité en matière d’histoire du christianisme, intervient à propos de la question, de plus en plus brûlante, de la démission de Benoît XVI. Celle-ci, d’après lui, n’a pas fait de bien à l’Église

ROME, le 18 juillet 2016 – La discussion, de plus en plus vive, à propos de la nouveauté absolue que constitue l’existence simultanée de "deux papes", l’un régnant et l’autre "émérite", le premier "actif" et le second "contemplatif", compte depuis aujourd’hui un nouveau participant de très haut niveau, le cardinal Walter Brandmüller, qui s’est joint au débat sous la forme d’un article publié dans la très sérieuse revue juridique en ligne "Statoechiese.it" :

> "Renuntiatio Papae". Alcune riflessioni storico-canonistiche

Brandmüller, 87 ans, allemand, est une autorité en la matière. Il a été, pendant de nombreuses années, professeur titulaire d’Histoire de l’Église à l'université d’Augsbourg. Au Vatican, il a présidé, entre 1998 et 2009, le comité pontifical des sciences historiques. Et il a été fait cardinal par Benoît XVI en 2010.

Il a été l’un des soutiens les plus résolus du pontificat de Joseph Ratzinger. Cependant il n’a pas accueilli sans broncher la renonciation de ce dernier au souverain pontificat. Il est en effet convaincu que de telles renonciations sont possibles, mais qu’elles ne sont pas toutes aussi licites au point de vue moral, c’est-à-dire orientées vers le "bonum commune" de l’Église.

Par ailleurs Brandmüller accepte encore moins que la période ouverte par la renonciation existe sous sa forme actuelle, incluant le personnage totalement inédit d’un "pape émérite", avec les risques très graves, pouvant aller jusqu’à un schisme, que cela comporte, d’après lui.

Dans son article, Brandmüller n’utilise même pas l’expression "pape émérite". En revanche, il considère comme "nécessaire et urgente une législation qui définirait et règlerait" le statut des ex-papes.

On trouvera ci-dessous la reproduction presque intégrale de la cinquième et dernière partie de l’article rédigé par le cardinal, contenant cinq propositions de réglementation concernant le profil des ex-papes.

Un profil radicalement différent – comme on va le voir – de celui qui est en train de se dessiner actuellement, en particulier depuis que l’archevêque Georg Gänswein, secrétaire de Ratzinger, a tenu des propos explosifs à l’Université Pontificale Grégorienne, le 21 mai dernier :

> Il n’y a pas un pape, mais deux : un "actif" et un "contemplatif"

Et, à plus forte raison, Brandmüller est également bien loin de faire sienne l'énigmatique expression "pontificat d'exception" (Ausnahmepontifikat), appliquée par Gänswein au pontificat de Benoît XVI, précisément en raison de la renonciation de celui-ci. Cette formule qui renvoie aux idées de Carl Schmitt à propos de l’"état d'exception" en tant que suspension des règles de gouvernement ordinaires et innovation concernant celles-ci réalisée exclusivement par le souverain, celui-ci étant, dans le cas présent, le successeur de Pierre.

À ce sujet, il est bon de relire ces deux commentaires, dus respectivement au canoniste Guido Ferro Canale et au vaticaniste Aldo Maria Valli :

> La rinuncia di Benedetto XVI e l'ombra di Carl Schmitt

> Ratzinger, Schmitt e lo "stato d'eccezione"

Le pape François a également montré - dans une réponse donnée à une journaliste au cours du voyage aérien qui le ramenait d'Arménie à Rome, le 26 juin - qu’il rejetait l'idée de "presque un ministère en commun" entre les deux papes. Au contraire, il a revendiqué pour lui seul l'exercice de la primauté ; il a souligné "l'obéissance" promise par le pape émérite à son successeur ; et il ne s’est pas privé de recueillir et de répandre, lui aussi, le "bavardage" selon lequel "certaines personnes ont été de plaindre [auprès de Ratzinger] parce que 'ce nouveau pape…', et Ratzinger les a chassés" :

> Conférence de presse du Saint-Père…

À cela on peut encore ajouter le fait que, dans une interview au quotidien argentin "La Nacion" publiée le 3 juillet, il a déclaré que l'abdication de Benoît XVI "n’a rien eu à voir avec quoi que ce soit de personnel", donnant ainsi l’impression de contredire ce qu’avait affirmé Benoît lui-même au moment de sa démission, qu’il avait motivée par la défaillance de ses forces :

> Cariño y respeto notable a Benedicto

En somme la question est plus brûlante que jamais.

Ce qui est sûr, c’est que le cardinal Brandmüller achève son article par cette conclusion péremptoire : "La renonciation du pape est possible et elle est accomplie. Mais il faut espérer qu’il n’y en aura plus jamais d’autre".

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