L'élimination de la Fraternité des Saints Apôtres : retour sur un scandale ecclésiastique (12/10/2016)

Lu sur "Riposte catholique", ce texte dont le caractère polémique suscitera sans doute le débat : 

Eglise de Belgique : le scandale continue

[La promotion au cardinalat de l’archevêque de Bruxelles, alors que Mgr Léonard fut privé du « chapeau », ajoute au passif du nouveau « porporato » belge… et invite à revenir sur le dernier scandale ecclésiastique d’outre-Quiévrain]

Une fois n’est pas coutume, la palme du grotesque et du scandaleux n’est pas remise aujourd’hui à des évêques français, mais à leurs confrères d’outre-Quiévrain.

Une communauté nouvelle, récemment implantée en Belgique, et connue en France par la personnalité charismatique de son fondateur, vient d’être purement et simplement chassée, comme un domestique indélicat, du diocèse de Malines-Bruxelles. D’habitude, ces évènements intéressent peu hors de cercles restreints. Les intéressés, plus préoccupés du Bon Dieu que de ses saints, ne se plaignent guère, et vont planter leur tente ailleurs, pour le bénéfice d’autres diocèses. Et les chrétiens dépouillés se contentent de pleurer en silence.

Il semble que cette fois-ci, les choses prennent une autre tournure. Fidèles et clercs n’ont visiblement pas l’intention de se laisser éjecter sans protester. Internet, entre autres, est passé par là. Bruxelles n’est pas la capitale mondiale du lobbying pour rien.

On peut s’interroger sur le fondateur de cette communauté, et ne pas apprécier son style. Et alors ? On est « libéral » ou on ne l’est pas. « Le Roi, la Loi… la Liberté », nom d’un moule à gaufre, dirait le capitaine Haddock. Mais il n’y a pas plus totalitaire qu’un libéral, disait les Anciens.

Les évêques belges peuvent-ils se permettre le luxe de licencier une telle communauté ? Rien n’est moins certain. La Belgique catholique ressemble à peu de choses près aujourd’hui aux zones industrielles des bassins du Nord ou de Lorraine. De grandes coquilles vidées de leur substance. Un glorieux passé disparu, monde englouti où des syndics de faillite à la foi brumeuse pratiquent tranquillement des soins palliatifs pour les derniers Mohicans, au milieu d’églises et de couvents vides. Une seule chose demeure, des moyens matériels et financiers considérables qui permettent (encore ?) d’acheter la « paix religieuse ». Mais jusqu’à quand ?

Certes le droit canonique est derrière les évêques. Depuis Vatican II, il n’existe plus aucun contre-pouvoir sérieux à leur toute-puissance. Et Rome ne manque pas une occasion de défendre leurs excellences contre toute prétention à vouloir observer les quelques brides de protection du droit des fidèles et des prêtres qui subsistent encore dans le Code. Le tout, bien sûr, au nom de la miséricorde et de l’accueil des différences, à usage exclusivement extérieur.

Voilà donc les bons confrères de la Fraternité des Saints-Apôtres licenciés. L’annonce en est faite dans un communiqué de la plus belle langue de buis qui se puisse imaginer, à rendre honteux leurs confrères français. À part la luxure, et peut-être l’avarice, et encore, en cherchant bien, on finirait par trouver, on ne voit pas quel péché capital manque dans ce texte. Mensonge, gourmandise, jalousie, orgueil, tout y est.

Le plus drôle. Énorme, dirait Baudelaire, est l’argument employé. Au mépris de la liberté de choix des candidats clairement indiquée dans le droit canon. Accueillir une communauté prospère aux nombreuses vocations constituerait une injustice entre diocèses. On rêve ! « Qui veut tuer son chien… » Quiconque a fréquenté cinq minutes, un séminaire ici ou ailleurs, arpenté les diocèses français ou belges, sait que la péréquation des prêtres se pratique, bon an mal an, facilement depuis longtemps. Et si la situation est catastrophique en France, que dire de la Belgique. Pas un seul évêque français avec un peu de cœur (si, si, je vous promets, il y en a), n’irait se plaindre de partager la maigre ressource avec ses confrères belges. La question n’est pas là. Le vrai, le seul, l’unique reproche fait (implicitement) à cette communauté, c’est de refuser de s’aligner sur la politique de faillite de l’épiscopat belge, de refuser de se laisser mourir dans le confort matériel et la fumée des cigares, entre Wallonie et Flandres. On ne leur pardonne pas de rejeter cinquante ans de catastrophes liturgiques et de doctrines théologiques libérales. Le reste est de la poudre aux yeux.

« Aie confiance, aie confiance… », chantait le serpent Kaa des contes de Rudyard Kipling. L’étouffement lent conduit au même résultat que la mort subite. Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent, La Fontaine l’a dit. En Belgique, on prend vraiment les catholiques de base pour des moules-frites. Des solutions sont proposées aux membres de cette communauté après l’expulsion. Quelle est, franchement, la marge de manœuvre d’un séminariste par rapport à des supérieurs ? Lorsque le tumulte sera retombé, ils le nommeront en stage dans une paroisse bien « alignée ». Ils brandiront en permanence au-dessus de lui, tout au long de son séminaire, la menace voilée d’un refus d’appel aux ordres. Ils prétexteront d’une « piété rigide », d’une « inadaptation au projet pastoral diocésain », ou toute autre faribole, pour avorter tranquillement une vocation qui ne leur conviendra pas. Même les prêtres, après leur ordination, seront alignés à coup de nominations bien arrangées ou de placardisation. Quant à leurs idéaux de vie fraternelle, d’évangélisation joyeuse ou de foi authentiquement catholique, on remisera tout cela dans le placard de l’immaturité juvénile, pour laisser place au réalisme et à l’« ouverture » des apparatchiks des curies diocésaines. Soyons clairs. Une promesse épiscopale comme celle de l’évêque de Malines ne vaut rien, point barre. Mille exemples concrets pourraient être donnés, en Belgique, en France et ailleurs, sauf à compromettre les victimes. Le terrorisme mou est bien vivant. Les bonnes vieilles méthodes qui prévalent dans les diocèses depuis 60 ans règnent toujours pour formater les esprits. Il faut arrêter de se cacher derrière son petit doigt bagué.

Souhaitons que cette communauté trouve un pasteur à la hauteur de son enthousiasme et à l’ombre bienfaisante duquel naissent et germent de nombreuses vocations, d’un côté ou l’autre du Quiévrain.

Gaston Champenier

[MAJ: selon nos informations romaines, le Vatican a fait passer le message: interdiction de reconstituer la Fraternité où que ce soit… La Curie a décidément été bien réformée: lorsqu’il s’agit de sanctionner les prêtres, c’est célérité absolue et tolérance zéro!]

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