Pour restaurer la liturgie : la méthode N'Koué (04/11/2016)

Du site de l'association "Pro Liturgia" :

Extraits de la Lettre pastorale de Mgr Pascal N’Koué, aux fidèles de son diocèse de Parakou (Bénin) :

« La prière est une expérience d’amour. Elle est un don de Dieu qui s’accueille dans la foi. Quand on prie on se dit : Dieu est présent, de façon invisible. Il est présent hors de moi et au-dedans de moi. Je me rends disponible pour l’écouter, lui parler et agir. Mais d’abord l’écouter. Car c’est lui la Parole qui sauve. Chacun prie comme il vit, avec ses défauts et ses préoccupations, ses misères et ses atouts, selon son âge, ses échecs et ses espérances. Prier, croyez-moi, c’est le travail le plus difficile.

La prière chrétienne présuppose la foi. Sans elle, il est impossible de prier et surtout de persévérer. Car “la prière est un combat. Contre qui ? Contre nous-mêmes et contre les ruses du Tentateur qui fait tout pour détourner l’homme de la prière” (CEC, 2725). On comprend le conseil de saint Paul : “Puisez votre énergie dans le Seigneur… Revêtez l’équipement de combat que Dieu vous donne, afin de tenir bon contre les manœuvres du diable, car nous ne nous battons pas contre les hommes, mais contre les forces invisibles, les puissances de ténèbres qui dominent le monde, les esprits mauvais qui sont au-dessus de nous” (Eph. 6, 14). Cet équipement dont il s’agit c’est la vérité, la justice, la paix, la foi etc. C’est exigeant.

Eh oui, la vie chrétienne n’est pas un fauteuil mousseux bien rembourré, de tout repos, fait pour les invertébrés. C’est réellement un combat. Ne faisons pas les malins. La prière intérieure ne peut pas être un somnifère, un opium, qui nous endort. Un chrétien flagada et flageolant - c’est-à-dire douillet - est un contresens.

Pour bien prier on a besoin de silence extérieur, mais surtout intérieur. Ce silence nous dispose à être attentifs à Dieu de façon amoureuse. La découverte du Dieu intérieur, c’est le trésor des trésors. Dieu n’est pas dans les uniformes des fêtes, dans les décors extérieurs, dans les fleurs artificielles, les guirlandes en tissus, dans les voix fantaisistes, dans les danses frénétiques... mais dans le sanctuaire de l’âme. Là est cachée la croissance de notre vie surnaturelle. Dieu est silence. Satan est bruit, faux bruit, tonneau vide. Le goût de l’oraison et de la prière silencieuse ne s’acquiert pas à coup de raisonnement, mais en apprenant à couler le mouvement intérieur de notre âme dans celui de l’Eglise. “Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais dans le secret : il te le revaudra” (Mt 6, 6).

 

La prière individuelle est complétée par la prière liturgie, ou prière communautaire. Une liturgie bien célébrée nous rapproche de Dieu : “Nos chants n’ajoutent rien à ce que Tu es, mais ils nous rapprochent de Toi” (Préface d’action de grâce). Tout ce lyrisme dans la liturgie, toutes ces prières, toutes ces cérémonies, tous ces chants et cantiques aux mélodies si variées, l’Eglise les a choisis et les a mis en place pour nous hausser au niveau divin, pour nous suggérer la grandeur de Dieu, pour nous donner comme un avant-goût de la joie du ciel.

La joie liturgique n’éclate jamais. Nulle part, la Sainte Bible nous présente un Jésus agité et excité. La passion du Christ n’est ni du théâtre ni de la comédie. Nourrissons-nous des exemples de dignité du Christ quand on célèbre. C’est lui le Médiateur universel entre la divinité et l’humanité. Ne soyons pas victimes des sectes qui évacuent le silence pour baigner dans la mondanité, les spectacles, les superficialités, des improvisations continuelles. Le saint sacrifice du Christ n’est pas un fait divers. Il est unique au monde. Il nous conduit à la Présence réelle qui nous pousse à l’évangélisation.

Selon saint François de Sales, il y en a qui placent la perfection dans les austérités (sacrifices durs), d’autres dans l’oraison, d’autres encore dans la fréquente réception des sacrements, d’autres enfin dans l’aumône… “Ils se trompent. La perfection consiste dans un grand amour pour Dieu”. Mais on n’y parvient pas sans renoncement et sans détachement. Voyez le publicain Matthieu. Il a fait un repas d’adieu en invitant tous ses amis à découvrir le Messie, son nouveau guide. Il abandonnera à jamais ses sécurités financières, son poste juteux et le puissant réseau des collecteurs d’impôts pour suivre un pauvre homme du village de Nazareth qui n’avait même pas d’endroit où reposer sa tête. Jésus était comme un “sans domicile fixe”. L’amour c’est fou.

Qu’est-ce qu’on [peut abandonner] pour le Christ ? Entre autres choses la “messe face à face” pour mieux goûter Dieu dans le silence. Les chorales élimineront progressivement les batteries qui font trop de bruit. On visitera les monastères. On fera revenir certains gestes : au Confiteor, à l’Angélus, au Credo, au Gloria. On fera une révérence quand on passera devant un lieu saint, un calvaire, une statue de la Vierge ou de saint Joseph. On fera une génuflexion avant de communier, sauf ceux qui sont malades. Les prêtres apprendront à célébrer aussi avec le canon romain. On continuera de dire la prière pour les vocations. Mais le grand signe qui nous accompagnera toute l’année sera “la messe orientée”, vraie rupture pour un nouveau départ spirituel, et cela à partir du premier dimanche de l’Avent, dans les communautés prêtes. C’est une belle proposition du Cardinal R. Sarah (Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements). Son appel s’adresse à tous mais spécialement aux prêtres :
“Je veux lancer un appel à tous les prêtres. Peut-être avez-vous lu mon article dans L’Osservatore Romano il y a un an (12 juin 2015), ou mon entretien donné au journal Famille chrétienne au mois de mai de cette année. A chaque fois, j’ai dit qu’il est de première importance de retourner aussi vite que possible à une orientation commune des prêtres et des fidèles, tournés ensemble dans la même direction - vers l’est ou du moins vers l’abside - vers le Seigneur qui vient, dans toutes les parties du rite où l’on s’adresse au Seigneur. Cette pratique est permise par les règles liturgiques actuelles. Cela est parfaitement légitime dans le nouveau rite (de Paul VI). En effet, je pense qu’une étape cruciale est de faire en sorte que le Seigneur soit au centre des célébrations.

Aussi, chers frères dans le sacerdoce, je vous demande humblement et fraternellement de mettre en œuvre cette pratique partout où cela sera possible, avec la prudence et la pédagogie nécessaire, mais aussi avec l’assurance, en tant que prêtres, que c’est une bonne chose pour l’Eglise et pour les fidèles. Votre appréciation pastorale déterminera comment et quand cela sera possible, mais pourquoi éventuellement ne pas commencer le premier dimanche de l’Avent de cette année, quand nous attendons le “Seigneur [qui] va venir sans tarder” ? (Londres, 5 juillet 2016). Voilà le tournant irréversible. Voilà “l’étape cruciale”.

Tournons-nous vers le Christ, soleil levant, et nous serons sauvés. »

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