Quand le pape François déclare qu’il ne veut pas entendre parler d’une réforme de la réforme liturgique (23/11/2016)

C’est en effet ce qu’il a fait savoir au Cardinal Sarah par le truchement du Père Spadaro, directeur de la revue jésuite « Civilta Cattolica ».Commentaire du P. Scalese sur le site « Benoît et moi » (extrait) :

«  […] Au mois d'octobre a été publié le livre du cardinal Sarah "La force du silence". Avec des tons plus nuancés, cessant de mettre le Pape en cause, le cardinal y réaffirme sa conviction:

Voici mon espoir: si Dieu le veut, quand il le voudra et comme il le voudra, dans la liturgie, la réforme de la réforme se fera. Malgré les grincements de dents, elle viendra parce qu'il en va de l'avenir de l'Eglise.

Ces derniers jours, un recueil d'homélies et de discours du cardinal Bergoglio quand il était archevêque de Buenos Aires (1999-2013) est sorti sous le titre Nei tuoi occhi è la mia parola. Le livre est introduit par une conversation du Pape avec le Père Spadaro. En réponse à une question de l'intervieweur, François affirme: «Parler de "réforme de la réforme" est une erreur».

Eh bien, disons qu'il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Il est vrai que, dans sa dernière intervention, le cardinal Sarah ne confirme pas que le pape lui avait dit de s'occuper de la "réforme de la réforme", mais dans la précédente, il l'avait clairement affirmé. Aujourd'hui, le Pape dit: «Parler de "réforme de la réforme" est une erreur».

Lequel des deux a raison?

Mais, en dehors de cette contradiction, qui pourrait être due à un malentendu, ce qui frappe le plus, c'est l'aversion, répandue dans de nombreux secteurs de l'Eglise, envers la simple hypothèse d'une "réforme de la réforme" liturgique. Cela fait longtemps qu'on l'avait compris. Le concepteur d'une "réforme de la réforme" avait été le Cardinal Ratzinger (voir à ce sujet le billet du 27 juin 2010)[Traduction ici: benoit-et-moi.fr/ete2010]) devenu pape, on s'attendait à la réalisation immédiate de son projet. Et au contraire, rien. Et même, dès que commencèrent à circuler des hypothèses de changement, on se hâta de tout nier (comme cela est arrivé après l'intervention du cardinal Sarah à Londres).

Je commence à penser que le motu proprio Summorum Pontificum de 2007 avait été émis non pas tant, ou pas seulement, pour aller à la rencontre des lefebvristes, mais comme une sorte de "pis-aller", compte tenu de l'impossibilité de parvenir à une "réforme de la réforme". Le cardinal Ratzinger a toujours été convaincu que la co-existence des deux rites est difficile à gérer (voir à cet égard la lettre qu'il a écrite au Dr Heinz-Lothar Barth le 23 Juin 2003 [cf. benoit-et-moi.fr/2014-II]); [ c'est pourquoi il était en faveur d'une "réforme de la réforme", pour que le novus ordo puisse récupérer certains éléments de l'antiquior usus et qu'il puisse ainsi y avoir "un rite romain unique". Compte tenu de l'impossibilité de réaliser la "réforme de la réforme", voilà la libéralisation du vetus ordo, de telle sorte qu'avec le temps , les deux formes du rite romain puissent s'enrichir mutuellement, et qu'on puisse ensuite arriver plus lentement à un nouveau unique rite romain renouvelé.

 

Une hypothèse qui devrait être approfondie.

Ce qui est frappant, c'est cette "inviolabilité" du rite né de la réforme liturgique post-conciliaire. Dès que quelqu'un, fût-ce le pape s'en approche, ne serait-ce que pour formuler la simple hypothèse d'une retouche, immédiatement (la rapidité des démentis, qui ne se vérifie dans aucun autre cas, est significative), il y a un soulèvement contre ceux qui tenteraient de réformer Vatican II.

On se demande: quel puissant lobby a a-t-il derrière cette défense à outrance de la réforme liturgique?

En réalité, "réforme de la réforme" ne signifie en aucune façon abolition de la réforme liturgique et retour à la liturgie pré-conciliaire. Sur ce point, le cardinal Sarah est très clair: il ne s'agit pas de renier le Concile, mais tout au plus de le mettre pleinement en oeuvre (il faut admettre que la réforme liturgique post-conciliaire s'est dissociée en plusieurs points des dispositions de Sacrosanctum Concilium).

"Réforme de la réforme" signifie exactement ce que les mots expriment, à savoir une nouvelle révision de la réforme liturgique.

Je ne vois pas quel mal il y a à proposer une réforme de la réforme liturgique. C'est quelqu'un qui est un partisan convaincu de la liturgie post-conciliaire et n'a aucune nostalgie du vetus ordo (que, contrairement à beaucoup, il a connu dans son enfance comme enfant de chœur) qui vous le dit: la liturgie actuelle me plaît (si elle est célébrée comme il se doit ) et je la considère comme un progrès par rapport à l'ancienne; mais pourquoi exclure a priori son éventuelle amélioration?

On nous répète constamment: 'Ecclésia semper reformanda' (voir le discours du pape à la Curie romaine le 21 Décembre 2015); pourquoi la liturgie ne devrait-elle pas être, elle aussi, 'semper reformanda' ?

Ref. La réforme de la réforme, une erreur

Joignant le geste à la parole, le pape a entièrement renouvelé, voici peu, la composition du conseil de la congrégation du culte divin, largement héritée du pontificat de Benoît XVI.

JPSC

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