Les étranges priorités du Centre interfédéral pour l'égalité des chances réagissant au refus d'un échevin de célébrer des mariages (17/12/2016)

Affaire Courtois : Les étranges priorités d’Unia (OPINION)

De Joseph Junker, en opinion, sur le site de LaLibre.be :

Une opinion de Joseph Junker, ingénieur, qui a choisi de répondre à la réaction d'Unia (LES DETAILS). Le centre interfédéral de l’égalité des chances avait réagi à une information selon laquelle Alain Courtois avait refusé 8 mariages car la future épouse refusait de lui serrer la main (A LIRE ICI).

Vous en avez certainement entendu parler, l’affaire fait grand bruit : l’élu bruxellois Alain Courtois déclarait il y a quelques jours avoir refusé de célébrer plusieurs mariages en raison du refus de la future épouse de lui serrer la main.

Acte second, le centre interfédéral de l’égalité des chances UNIA, très en pointe sur ce genre de sujets, se fend d’une réaction au vitriol envers l’édile, l’accusant ni plus ni moins de « mettre à mal les fondements de l’état ».

Le problème ? Et bien le problème c’est qu’outre plusieurs approximations dans sa réaction, le centre met en exergue un agenda et des priorités plus qu’étonnantes, et qui me laissent pantois.

Le respect, cette bonne vieille « coutume »

La première chose qui m’interpelle, c’est qu’Unia compare le fait de refuser la main de quelqu'un à une simple coutume, quelque usage variant d’une personne à l’autre. Argument très relativiste et contestable, car refuser la main de quelqu'un n'est en rien comparable à se faire la bise plutôt que de lever son chapeau. Il s'agit d'un geste que quiconque a subi pourra qualifier de violent, un geste de refus par rapport à l'autre. On ne peut assimiler cela à un choix trivial que vous affirmeriez simplement en disant "Salut" plutôt que "Bonjour", la force et la portée de ces gestes ne sont en rien comparables.

Deuxièmement, et c’est plus grave, Unia considère que d'exiger des fiancés un « shake-hand » serait « ethno-centriste », et que l'employé d'état civil n'est donc pas légitime à exiger une salutation conforme à la culture du pays dans laquelle il se trouve. C’est donc à lui de s'adapter à tout geste qui lui serait étranger, y compris donc un geste qui a été jusqu’à présent assez universellement considéré à travers le monde et les époques comme très insultant. En poussant le raisonnement à l'absurde, on se demanderait presque si l'officier d'état civil serait forcé d'accepter un mariage d'une culture qui a coutume de cracher au visage pour se dire bonjour !

Le droit des citoyens n'est pourtant en rien bafoué : L'officier d'état civil est légitime à exiger que la cérémonie se passe dans l'ordre et le respect de sa personne. Les citoyens sont quant à eux libres de repasser le lendemain et de se comporter civilement d'après la norme du lieu qui les accueille. Ou encore, pour le dire d'une manière volontairement provocatrice, ils sont libres demander un mariage civil dans un pays où la "coutume" considère normal qu'une jeune femme apprenne dès son plus jeune âge à ne toucher un autre homme qu'avec l'accord de son père ou de son mari

Unia combat un droit reconnu par la CEDH

On relèvera ensuite un point hallucinant quoique non essentiel à l’argumentation : Unia fait dans son argumentaire une comparaison avec un employé qui commettrait le geste honni entre tous de refuser de célébrer un mariage homosexuel. On répliquera aisément que cela n'a pas grand-chose avec la question de base, qui est une question de respect de principes fondamentaux et des personnes, et non de la conviction personnelle de l’employé de l’état civil. Mais là où cette comparaison est particulièrement aberrante, c’est que l'objection de conscience en la matière est précisément un droit reconnu par la Cour européenne des droits de l’homme ! La cour a en effet estimé en diverses occasions que de forcer un employé d’état civil à célébrer un mariage entre deux personnes du même sexe n’était pas conforme à la liberté de conscience, et que l’état était tenu d’organiser dans ce cas une solution raisonnable qui respecte les fiancés comme l’objecteur*. Je puis naturellement concevoir que cela ne fasse pas plaisir aux associations LGBT. Néanmoins, il s’agit ici précisément du genre de droits de l’homme peu populaires qu’Unia a pour vocation de défendre, plutôt que de les exhiber comme des épouvantails à abattre ! En l’occurrence, la suggestion d’UNIA pourrait sans doute même être dénoncée à ses propres services ! Avouez-le, ça la fout mal quand-même.

Des chances plus égales que d’autres

Cela étant dit, ce qui m’attriste le plus dans cette affaire, c’est d'entendre Unia reléguer au rang de simple "coutume" le fait qu'une femme ait été conditionnée à ne pas toucher d'autre homme que son mari ou son père n'ait approuvé. Ce geste est une affirmation grave d'une conception du monde qui va à l'encontre de principes fondamentaux comme le respect et l'égalité homme-femmes. Ce simple fait pourrait d’ailleurs même constituer à lui seul une ligne de défense juridiquement valable pour refuser de célébrer un mariage. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est expliqué par le professeur de droit Franck Fleerackers (KUL) dans le Standaard. Ne parlons même pas ici de l’affirmation communautariste forte envers un représentant de l’état !

Le centre pour l'égalité des chances a décidément des priorités bien étonnantes : plutôt que de chercher par tous les moyens à appuyer les valeurs qu’il devrait chérir, le voilà à jouer le jeu des communautaristes… avec l’argent public et contre sa propre vocation ! J’avoue que cela me chagrine, mais en matière d’égalité des chances, il semblerait que certaines chances soient désormais plus égales que d'autres…

*à noter d’ailleurs que l’état français a de très bonnes chances de se faire condamner prochainement par la CEDH pour cette raison.

 

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