La lutte nécessaire contre tous ceux qui menacent les fondements de la liberté et de la dignité humaines (11/01/2017)

De Robert Royal (The Catholic Thing) traduit sur le site de France Catholique :

Un passé sans avenir

Quelques journaux européens ont dernièrement mentionné (très discrètement) que, selon la police du land de Rhénanie du Nord-Westphalie, il y avait eu entre 2011 et 2016 3500 cas de vandalisme et profanation d’églises chrétiennes. Environ deux par jour (et chaque jour) dans un seul land allemand.

Vous n’en avez probablement jamais entendu parler. Tout comme la plupart des Européens pourquoi… eh bien, parce que. Il est difficile d’obtenir même ces données approximatives. La police (dans plusieurs pays) ne veut pas affoler la population en avouant qu’elle est incapable d’assurer sa sécurité. (Souvenez-vous des femmes molestées la nuit de la Saint-Sylvestre ?) Et le politiquement correct entre aussi en jeu, bien sûr.

Les autorités allemandes disent que les profanations des églises du land de Rhénanie du Nord-Westphalie ont surtout été commises par des djihadistes salafistes qui pillent les troncs pour financer leurs activités. Les salafistes interdisent tous le recours à la raison (kalam) dans les affaires religieuses, mais sont divisés en ce qui concerne la violence. Il y a environ 7500 salafistes en Allemagne, 17000 en France, de plus petits groupes en Suède et jusqu’en Chine, mais ils se comptent par milliers en Egypte et en Inde. Ils doivent être assez nombreux en Amérique, mais les statistiques manquent.

Si vous voulez savoir de quoi l’année 2017 sera faite, eh bien, tout dépendra de la manière dont l’Occident relèvera ou non (sans parler des attentats comme le massacre perpétré par Daech sur le marché de Noël de Berlin) les défis que présentent le salafisme et d’autres mouvement du même type. La Chine et la Russie vont réclamer des politiques étrangères et économiques créatives et sévères. La politique intérieure y sera appliquée comme dans une zone de guerre. Mais l’islamisme impose des remises en cause fondamentales de la pensée et des croyances.

En fait, plus qu’une menace extérieure, il suscite une crise au sein de l’Occident lui-même. La chancelière Angela Merkel a déclaré que le problème en Europe n’était pas le nombre trop important de musulmans, mais l’affaiblissement du christianisme : une rationalisation qui vient un peu tard après qu’elle a autorisé l’afflux en Allemagne – et, en vertu des accords de Schengen, dans l’ensemble de l’Europe, voire au-delà - de plus d’un million de musulmans, sans aucun contrôle.

 

Pourtant elle a mis en lumière une vérité qui n’était peut-être pas celle qu’elle avait en vue. Ce n’est pas seulement l’Orient qui connaît un bouleversement, mais aussi l’Occident, comme nous le voyons dans les signes annonciateurs de l’éclatement de l’Union européenne et dans la révolte populiste qui a conduit à l’élection de Donald Trump.

L’ancien ordre libéral fondé sur le pluralisme et une tolérance généralisée a bien fonctionné – tant que l’Occident était encore sous la bannière sacrée de la tradition judéo-chrétienne. Quand vous croyez (comme il est écrit dans la Genèse) que les êtres humains ont été créés à l’image et à la semblance de Dieu, il est facile d’expliquer pourquoi nous nous respectons les uns les autres en tant qu’êtres doués de raison et de libre arbitre.

Quand les gens, à l’instar de nombreux représentants des élites occidentales, ne croient plus que la dignité humaine est présente à tous les stades de la vie, il est difficile de dire pourquoi une personne devrait en respecter d’autres encore à l’état de fœtus ou professant des convictions politiques ou religieuses différentes.

Nos partis politiques se sont de plus en plus définis en fonction d’idées radicalement opposées, les Républicains soutenant la religion, la famille, la nation, et les Démocrates, la race, le genre et la classe. C’est, bien sûr, une simplification, mais qui indique en gros dans quelle direction évoluera le pays selon le parti au pouvoir. Sous la présidence de Trump, les Petites Sœurs des Pauvres ne seront pas inquiétées, à la différence du Planning familial. Si Hillary Clinton avait gagné, l’inverse se serait produit.

Cette dualité se retrouve en ce qui concerne la défense de l’Occident, Trump recommandant des mesures plus sévères et les Démocrates estimant que nous pouvons continuer à traiter les musulmans comme n’importe quel groupement religieux dans une Amérique où le pluralisme religieux est de mise.

Voilà qui pose des questions délicates – et d’autres qui le sont moins. Un gouvernement démocrate qui a violé brutalement les droits des chrétiens et des autres groupes opposés à la nouvelle morale de l’Etat moderne et qui a sous-estimé la menace islamiste n’a pas été capable de faire la part des choses.

A l’évidence, nous pouvons coexister avec les musulmans qui veulent bien coexister avec nous. Mais la présence des djihadistes – qui constituent pour l’essentiel une force armée non structurée dans notre société – risque fort de nous amener à procéder à un contrôle des convictions religieuses préalable à l’entrée dans le pays et peut-être davantage.

Le philosophe catholique Pierre Manent a soutenu que le France se heurte à une crise semblable parce que ses élites croient dans leur ensemble que, grâce aux acquis « des Lumières et aux droits de l’homme issus de la Révolution », ce problème ne peut pas se poser, que si tous sont accueillis par l’Etat laïc, ils verront qu’il est dans leur intérêt de s’assimiler et de faire son chemin. Les conflits qui se produiront ne pourront donc résulter que de la pauvreté ou de l’exclusion sociale. Comme s’il n’existait pas d’autres conceptions de la politique, de la société – ou de la religion.

Cette idée s’est avérée fausse à plusieurs reprises : le 11 septembre à New York et à Washington, et ensuite en d’autres occasions, à Madrid, Copenhague, Boston, Paris, Bruxelles, Saint-Etienne-du-Rouvray, Nice, San Bernardino, Columbus, Orlando, Le Caire, et hier Istanbul.

Nos dirigeants tant laïcs que – malheureusement – religieux se sont démenés comme de beaux diables en affirmant qu’il n’y avait aucun élément « authentiquement » religieux dans ces attentats. Même le Vatican, dont on pourrait attendre qu’il soit sensible au rôle central de la religion dans la vie humaine, a fait chorus, en affirmant que l’argent, le pouvoir, le pétrole ou le commerce des armes – tout sauf la religion – était le mobile réel.

Tous ces débats sont semblables à celui qu’a suscité l’Union soviétique pendant la guerre froide, époque à laquelle une grande partie de l’opinion occidentale souhaitait minimiser les différences qui les séparaient d’un régime athée et agressif détenant des milliers d’armes nucléaires, surtout – il faut bien le dire – par peur des conséquences d’un face à face avec la vérité. L’Occident est à présent presque aussi divisé que l’Orient dans le domaine de la religion et quant au fait religieux lui-même. Nous ne surmonterons pas cette division en 2017 : en fait, elle risque de s’aggraver à mesure que la résistance à la présidence de Trump déjà considérable gagne de l’ampleur. Mais une société sensée devrait considérer 3500 profanations d’églises chrétiennes en Allemagne – plus Dieu sait combien ailleurs – comme un signal d’alarme.

Le sens de tout ceci n’est pas une « guerre contre l’islam » (un slogan trompeur), mais une lutte perpétuelle contre tous ceux (y compris dans notre propre société) qui menacent les fondements de la liberté et de la dignité humaines.

Bonne Année.

2 janvier 2017

Source : https://www.thecatholicthing.org/20...

Robert Royal est rédacteur en chef de The Catholic Thing et président du Faith&Reason Institute de Washington. Son dernier ouvrage est Deeper Vision : the Catholic Intellectual Tradition in the Twentieth Century, publié par Ignatius Press. The God that did not Fail : How Religion Built and Sustains the West est désormais disponible en livre de poche (Encounter Books).

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