La crise identitaire des catholiques français (14/01/2017)

Lu sur le site de RTL.be :

Les catholiques français en pleine crise d'identité

Les catholiques français vivent-ils une crise identitaire, face à l'islam et à la question migratoire? Le débat fait rage au sein de la première religion de France, alors qu'une enquête dresse jeudi un portrait complexe de l'opinion "catho".

"Au secours, Jésus revient" (Libération), "le réveil des catholiques" (L'Express), "le pouvoir des catholiques" (L'Obs)... Ces dernières semaines, la presse généraliste s'est penchée de manière inattendue sur la place du catholicisme dans un pays largement sécularisé.

Ces marques d'intérêt ne sont pas sans rapport avec la nette victoire à la primaire de la droite de François Fillon, catholique déclaré qui n'hésite plus à invoquer sa foi chrétienne pour défendre son projet présidentiel.

Mais peut-on assimiler l'opinion catholique à la droite? Une étude sociologique relayée jeudi dans deux titres du groupe de presse Bayard - le quotidien La Croix et l'hebdomadaire Pèlerin - tente d'y voir plus clair.

Cette étude Ipsos présente des chiffres qui étayent un ancrage à droite et "confirment que même si les catholiques sont plus réticents au vote FN que le reste des Français, ce parti tend quand même à se banaliser parmi eux", relèvent ses auteurs.

Cependant, l'enquête identifie six familles de "catholiques engagés" - estimés à près de 12 millions en France parmi les 18 ans et plus, bien au-delà des seuls pratiquants - qui esquissent un portrait relativement divers.

La première sous-catégorie (45%) est celle des "festifs identitaires", voyant l'Eglise comme une partie de l'identité française, défiants à l'égard du pape François et hostiles aux migrants.

Derrière arrivent les "saisonniers fraternels" (26%), qui mettent en avant des valeurs d'hospitalité à l'égard des exilés.

On trouve aussi des "conciliaires" (14%), attachés à une Eglise ouverte après Vatican II, et des "observants" (7%), très sensibles aux combats de la Manif pour tous sur le mariage et la filiation.

Mais, étonnamment, même les "émancipés" (4%), les plus à gauche, sont décrits comme perplexes voire frileux à l'égard de l'accueil des migrants.

- "Racines" chrétiennes -

"La question migratoire est extrêmement clivante, à droite mais aussi à gauche", explique à l'AFP le sociologue du catholicisme Yann Raison du Cleuziou, l'un des auteurs de l'enquête, tout en invitant à la prudence sur l'interprétation de cette étude portant sur 1.007 "catholiques engagés".

"A gauche, la défiance me semble s'exercer non à l'égard du migrant en soi, mais du musulman: mon hypothèse est que ces catholiques voient dans l'islam un facteur de régression et de conservatisme, notamment par rapport à la condition de la femme ou la laïcité", poursuit-il.

La question identitaire agite en tout cas les commentateurs catholiques. Journaliste à l'hebdomadaire de droite "décomplexée" Valeurs actuelles, Laurent Dandrieu publie jeudi un épais pamphlet intitulé "Eglise et immigration: le grand malaise" (Presses de la Renaissance). Sa thèse: le pape François a grand tort de marteler "l'unique impératif de l'accueil" de l'étranger, alors que "beaucoup de catholiques ressentent un malaise croissant sur ce sujet".

"Cette inquiétude dont je me fais le porte-parole, on essaye de la minimiser en disant qu'elle est très droitière. L'étude menée par Bayard me donne raison, on s'aperçoit que cette inquiétude dépasse les clivages politiques", explique à l'AFP Laurent Dandrieu.

Erwan Le Morhedec, blogueur très actif sous le nom de "Koz", n'est pas de cet avis. Dans un livre à paraître vendredi, "Identitaire - le mauvais génie du christianisme" (Editions du Cerf), ce catholique évoluant dans une droite plus modérée s'inquiète d'une peur "mortifère" exploitée selon lui par une extrême droite aux connexions néo-païennes. Une manipulation qui, juge-t-il, "agresse l'Eglise et subvertit" le message de fraternité évangélique.

"Si l'identité est une revendication légitime, elle n'est pas la seule qui nous permettra de fonder quelque chose pour plus tard", dit-il à l'AFP. "Notre attention doit être orientée sur notre capacité à produire des fruits plutôt que de revendiquer des racines" chrétiennes, fait-il valoir.

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