Les pro-life américains ont le vent en poupe (08/02/2017)

D'Antoine Pasquier sur le site de l'hebdomadaire Famille Chrétienne :

Aux États-Unis, les « prolife » lancent l'offensive politique

«Personne ne s’attendait à ce que ce soit si rapide. » Comme la grande majorité des militants prolife, Guilherm a été agréablement surpris par les premières décisions prises par Donald Trump au sujet de l’avortement. En moins de dix jours, le nouveau président a signé un décret interdisant le versement de fonds fédéraux aux organisations internationales pratiquant ou faisant la promotion de l’avortement à l’étranger ; puis il a nommé à la Cour suprême, le 31 janvier, le juge Neil Gorsuch, proche des milieux prolife, en remplacement d’Antonin Scalia, décédé le 13 février 2016. « Il a rempli ses promesses très tôt », salue le jeune homme, responsable de la plate-forme de pétition en ligne CitizenGo, au Brésil. « S’il continue dans ce sens-là, nous pouvons considérer que son élection est une bonne chose pour le mouvement prolife. »

Mais personne n’est dupe du personnage. Le magnat de l’immobilier n’est pas connu pour ses prises de position en faveur de la vie, mais plutôt pour sa versatilité en la matière. Tantôt partisan de l’avortement, tantôt se revêtant du blanc manteau du chevalier prolife. Si les opposants à l’IVG se sont tournés vers Trump, c’est en raison de son vice-président Mike Pence. « Il allait mettre un de nos leaders dans une position d’autorité, c’est pour cela que nous l’avons suivi », reconnaît Jim Sedlak, directeur exécutif de l’American Life League.

Rediriger les fonds publics vers les centres d’aide aux femmes

Pragmatiques jusqu’au bout des ongles, même les pires ennemis de Donald Trump fondent beaucoup d’espoir en lui pour restreindre l’avortement. « Au regard de ses premières décisions, on peut penser qu’il est redevenu prolife, mais c’est encore un peu tôt pour en être sûr à 100 %. Les actes comptent plus que les mots. Nous verrons », lance à la volée Matthew Truman, 27 ans, militant chez les Democrats for Life. « Je n’apprécie pas que notre mouvement soit représenté par Donald Trump, en raison de sa misogynie, de son racisme, de sa xénophobie et de son mépris pour la dignité humaine », confesse Aimee, directrice du magazine féministe et provie Life Matters Journal. « Mais je suis optimiste et j’espère qu’une loi sera adoptée sous sa présidence pour protéger l’enfant à naître. »

 

Ces deux premières victoires en appellent d’autres. Prochain objectif : le defunding du Planned Parenthood (le Planning familial américain). Difficilement traduisible en français, cette initiative parlementaire vise à priver le planning familial de fonds publics. « Le speaker de la chambre des représentants, Brian Baird, l’a bien expliqué en décembre dernier : il s’agit de prendre les financements octroyés au Planning familial pour les rediriger vers des organisations qui fournissent de véritables soins pour les femmes, et pas des avortements », précise Nicole Stacy, 31 ans, membre de l’association Susan B. Anthony List, dont l’objectif est de faire élire des candidats prolife dans les différentes élections américaines.

Interdire les avortements tardifs

« Le Planning familial offre des services divers, mais il travaille principalement sur l’avortement et la contraception. Or, il existe beaucoup d’autres structures qui offrent des services qui sont peu soutenus, comme les services prénataux, les services post-nataux, les tests de maternité, les tests de diabète », ajoute Jeanne Mancini, présidente de la March for Life. « Nous pensons que les dollars des contribuables devraient payer ces cliniques au lieu de se limiter à celles qui prospèrent avec l’avortement et la contraception. » Ce defunding est majoritairement soutenu par les Américains : 61 % d’entre eux s’opposent au financement public du Planning familial, selon un sondage du Marist Poll pour les Chevaliers de Colomb. Y compris chez les démocrates. « C’est une évidence pour moi que l’argent du contribuable doit d’abord financer des centres médicaux qui fournissent des soins de première importance pour les femmes enceintes », insiste le jeune militant du parti symbolisé par un âne. Pour Tim Atkins, membre de CareNet Pregnancy Centers, une structure administrant des centres de maternité en Virginie, cette sanction contre le Planning familial est justifiée. « Lorsque vous vous plongez avec précision dans ce qu’ils font, vous vous rendez compte qu’ils n’offrent pas tous les services dont ils font pourtant la promotion. » La Chambre des Représentants et le Sénat ont commencé à étudier la possibilité de ce defunding du Planning familial, « mais nous devons encore obtenir l’accord de ces deux organes, notamment du Sénat où les règles sont compliquées », estime Jim Sedlak, de l’American Life League.

Pour ne pas perdre la main, et avancer sur plusieurs fronts en même temps, les militants prolife tentent de faire passer en parallèle, au Congrès, un projet de loi capable d’interdire les avortements tardifs. « Cette initiative est très soutenue aux États-Unis », explique Jeanne Mancini. « 80 % des Américains ne sont pas d’accord avec les avortements entrepris après les trois premiers mois de la grossesse », affirme-t-elle. Ils souhaitent également faire prendre conscience aux parlementaires américains de la nécessité de lancer et de soutenir une véritable politique publique en faveur de l’adoption. « Dans notre pays, chaque année, près d’un million d’avortements sont pratiqués contre seulement 22 000 adoptions d’enfants », déplore la présidente de la March for Life.

Un combat à long terme

Pour les militants de la vie, l’objectif final reste la mise à mort de l’arrêt « Roe vs Wade » de la Cour suprême. Si la nomination du juge Neil Gorsuch est une bonne nouvelle, elle n’est pas suffisante pour casser la décision garantissant le droit à l’avortement sur le territoire américain. Un revirement est-il possible ? « Un jour, oui », assure Amy McInerny, de Human Life Action, « mais pas à court terme. Il faut deux, voire trois nouveaux juges prolife pour cela. Revenir sur quarante ans de législation mettra plus de temps que quelques mois », estime-t-elle. « Les choses ne vont pas changer du jour au lendemain », acquiesce Jim Sedlak, « mais notre situation est déjà meilleure que les huit années passées sous la présidence de Barack Obama, ou si Hillary Clinton avait été élue ! » Si « Roe vs Wade » est un jour annulé, la question de la légalité de l’avortement reviendra aux États.

Le combat pour abolir l’avortement n’est donc pas prêt d’être terminé. Mais les militants prolife gardent la foi. « Je suis persuadé que la jeune génération réussira à abolir l’avortement », confie Bryan Kemper, un survivant de l’avortement. « Je milite depuis vingt-cinq ans, et je crois que je verrai un jour la fin de l’avortement. »

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