Présidentielles françaises : « Sens Commun » devient incontournable à droite (06/03/2017)

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Le rassemblement pro-Fillon, organisé le 5 mars au Trocadéro, a dépassé les espoirs des organisateurs. Le peuple de droite est chauffé à blanc derrière son candidat. Mais cette mobilisation saura-t-elle redynamiser une campagne plombée par les affaires ? De Pierre Jova et Hugues Lefèvre sur le site de « Famille Chrétienne »:

« C’est un signe !  L’exclamation jaillit spontanément de dizaines de bouches. Le soleil se lève sur la Place du Trocadéro, où se masse déjà une foule nombreuse. La pluie annoncée semble éloignée. En ce dimanche 5 mars, le peuple de droite a répondu présent au « rassemblement populaire » soutenant la candidature de François Fillon, et organisé en quatre jours. Une foule plutôt âgée, avec des grappes de jeunes enthousiastes, occupe la Place et déborde vite sur les artères voisines. « C’est la Manif Pour Tous ! », s’écrie un participant. Il devient difficile de se déplacer dans cette masse humaine. « Vous êtes journaliste ? Chez qui ? Famille Chrétienne ? Alors c’est bon ! », interrogent les manifestants suspicieux, mais néanmoins volubiles sur leur adhésion au candidat de droite : « nous sommes très nombreux pour dire à François Fillon qu’il n’y a pas de raison de lâcher au dernier moment », affirme Bertrand, 83 ans, qui dit être présent « pour la France ».

Lui ne veut pas entendre parler d’un « plan B » avec Alain Juppé. « Ce serait catastrophique ! Ce serait propice à une grande dispersion des votes de droite », rugit-il, en brandissant son drapeau tricolore offert par les organisateurs. En entendant le nom d’Alain Juppé, une jeune femme, Isabelle, se retourne et prend part à la conversation. Pour elle,  l’acharnement contre le vainqueur de la primaire de la droite a été trop loin. « Le coiffeur de François Hollande touchait 10 000 € par mois pour donner un coup de peigne ! Qu’est-ce qu’on va nous [embêter] pour des affaires qui remontent à des années et qui ressortent comme par hasard à trois mois de la présidentielle » fustige cette habitante de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Elle et Bertrand en sont certains : si François Fillon maintient sa candidature, les électeurs de droite n’hésiteront pas un seul instant à voter pour lui.

« C’est une situation capétienne ! »

Derrière le podium, se tient à l’abri des médias une petite ruche de parlementaires, attachées de presse et gardes du corps. Des poids lourds du parti Les Républicains (LR) ont fait le déplacement : le patron des députés de droite Christian Jacob, le secrétaire général du parti Bernard Accoyer, le député des Alpes-Maritimes Eric Ciotti, et même le député de l’Aube François Baroin, que l’on soupçonnait pourtant de soutenir un éventuel « plan B ». Baskets aux pieds et imperméable gris, Pénélope Fillon est en retrait, indifférente à l’agitation environnante. Elle sourit et reste silencieuse.

 

Alors que la foule gronde, Paul-Marie Coûteaux jette un regard optimiste sur la situation de François Fillon : « la droite se libère enfin des cléricatures de son propre camp, qui l’empêchent d’être de droite », sourit-il. Ce gaulliste fervent, proche de Philippe Séguin, fut député européen avec Philippe de Villiers, puis porte-parole de Marine Le Pen pendant la présidentielle de 2012 : revenu dans le sillage de François Fillon, il personnifie le dessein d’une union des droites conservatrices. « Le candidat renoue, certes à son corps défendant, avec le lien entre le roi et son peuple », analyse-t-il. « S’il tient, nous aurons fait la preuve d’une ligne rétablissant l’autonomie du politique, et la légitimité populaire, qui est la base de la souveraineté nationale. C’est le retour au vieux schéma capétien si cher aux Français ! », veut croire l’ancien député européen. Paul-Marie Coûteaux prédit un rapprochement inéluctable avec le Front national : « Il y a une porosité grandissante entre la droite et le FN, et il est devenu difficile à Marine Le Pen d’aller chercher d’autres électeurs à gauche. La réconciliation des droites est inscrite dans les étoiles ! », imagine-t-il.

Acclamé par les manifestants, François Fillon monte sur scène pour délivrer un discours aux accents gaulliens. Il salue la « France des cathédrales » et celle des « sans-culottes ». Il rend hommage au « peuple qui se redresse », qui « croit en la famille et au drapeau tricolore ». Le candidat entend enrayer le « long hiver historique » et le « déclin » de la France, aggravés par « le premier secrétaire du Parti socialiste ». La foule hue chaque évocation de François Hollande, d’Emmanuel Macron et des dirigeants de droite qui ont quitté François Fillon.

"On n’est pas là contre les juges"

Le ciel pourtant clément s’assombrit. Les gouttes commencent à se faire plus lourdes. Matthieu et Emmanuelle, avec leurs trois enfants, se protègent de la giboulée sous des parapluies. « Nous sommes heureux de voir ce monde et plutôt agréablement surpris », juge Matthieu, 40 ans, qui voit en François Fillon, « la bonne personne pour la France ». A ceux qui disent que les manifestants de ce jour protestent contre les juges, lui n’est absolument pas de cet avis. « On n’est pas là contre les juges. On est ici parce qu’on veut juste pouvoir mettre le bulletin de vote que l’on veut le jour de l’élection » assure-t-il, comme l’immense majorité des sympathisants interrogées place du Trocadéro.

« Le soleil revient ! » sourit Alain, 70 ans, qui referme son parapluie alors que François Fillon s’apprête à terminer son discours. « Je suis plutôt confiant. Il devrait se maintenir avec cette mobilisation » espère-t-il, ajoutant que les juges ont, selon lui, voulu « boycotter l’élection présidentielle ». La fureur des éléments passée, François Fillon quitte le podium et salue une foule baignée par le soleil se levant sur le Trocadéro.

Pari gagné pour Sens Commun 

Derrière le podium, adossé à un camion, un homme n’a pas perdu une miette du discours de François Fillon. Il s’agit de Patrick Stefanini. Le haut-fonctionnaire, architecte de la victoire des primaires, a pourtant rendu sa démission comme directeur de campagne, qui sera effective ce soir. « Tu nous manqueras, Patrick ! », lui lance une organisatrice, qui le reconnaît. L’ancien préfet d’Aquitaine fait la moue, sans se départir de sa réserve. « C’est un beau rassemblement », articule-t-il pourtant. « L’idée avait germé il y a un mois. J’ai scrupuleusement veillé à ce que cela ne soit dirigé contre aucune institution, mais les médias ont prétendu le contraire. Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de France, au niveau de la presse… », confie-t-il. La mobilisation de dimanche peut-elle relancer la campagne ? Patrick Stefanini soupire : « le dernier sondage n’est pas bon. Vous l’avez vu comme moi… Alors… ». En effet, une enquête Kantar Sofres-One Point, publiée le même jour par LCI, crédite François Fillon de seulement 17 % des voix.

Mais pour Valérie Boyer, députée des Bouches-du-Rhône et soutien historique de François Fillon, l’évènement redonne espoir : « C’est une formidable réussite ! On ne nous volera pas cette élection, François Fillon ira jusqu’au bout ! », jure-t-elle. Chevelure brune au vent, la parlementaire se hisse sur une barrière qui la sépare de la foule, qui l’acclame. Quelqu’un lui offre une icône orthodoxe. « On vous aime ! Tenez bon ! Continuez de porter votre croix ! », hurlent les manifestants, en référence à une émission où elle portait une croix arménienne au cou, ce qui avait suscité la fureur de certains commentateurs laïcistes. Un peu plus loin, le président de la région Pays de Loire Bruno Retailleau serre des dizaines de mains. Des rangs entiers de manifestants, chauffés à blanc, le somment de résister : « ne lâchez rien ! » Il cite un autre Vendéen, Georges Clemenceau : « nous continuerons jusqu'au dernier quart d'heure ! »

"On veut dire aux élus : ne vous déconnectez pas du peuple de droite !"

« On sent une tension, une attente populaire énorme. Ça rappelle la Manif Pour Tous ! », lâche Xavier Breton, député de l’Ain. Ce fidèle de François Fillon dénonce une « coupure horizontale » entre les élites de la droite et la base militante. « Ceux qui ont lâché étaient issus du milieu politico-médiatique parisien », accuse-t-il. Un diagnostic partagé par Bernadette Malgorn. L’ancienne préfète de Bretagne, intime de Philippe Séguin, a fait le déplacement depuis Brest : « il faut que les élus soient à l’écoute de la base ! Il y a une attente très forte envers le projet de François Fillon. Les Français ne veulent plus d’accommodements déraisonnables envers l’islamisme. Ils ne veulent plus de facteurs de discorde comme le mariage homosexuel. Il y a une volonté de réappropriation nationale », assène-t-elle.

Alors que la foule quitte progressivement les lieux, Christophe Billan, président de Sens Commun, peut souffler. Son mouvement a pesé de tout son poids dans l’organisation du rassemblement. « Sens Commun a démontré que ses connexions sur le terrain lui ont permis de rassembler 200 000 personnes. Encore une semaine, et nous remplissions le champ de Mars ! », déclare-t-il « Plus que des places, on veut dire aux élus : ne vous déconnectez pas du peuple de droite ! », ajoute-t-il, déterminé. Que François Fillon l’emporte ou non, Sens Commun semble avoir gagné son pari : celui de devenir incontournable à droite. »

Ref. Le peuple de droite uni derrière François Fillon

JPSC

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