Apparitions et messages surnaturels : quand l'Eglise discerne (16/03/2017)

De Christophe Herinckx (Fondation Saint-Paul) sur cathobel.be :

Les manifestations surnaturelles dans l’Eglise

Le 26 février dernier, l’actuel évêque de Mostar en Bosnie-Herzégovine, Mgr Ratko Perić, a réfuté le caractère authentique des apparitions de la Vierge Marie à Medjugorje, situé sur le territoire de son diocèse. Cette déclaration ne présage cependant pas de la décision finale de l’Eglise catholique concernant ces apparitions présumées.

La déclaration de Mgr Ratko Perić a suscité un émoi certain parmi les chétiens proches de ce que l’on pourrait appeler la dévotion de Medjugorje. Afin de dissiper certains malentendus, voire certaines rumeurs, il peut être utile de revenir sur les principales étapes du processus de discernement – en cours depuis de nombreuses années – concernant les événements de ce petit village de Bosnie-Herzégovine. Commençons cependant par rappeler quels sont les critères de l’Eglise, et les procédures prévues, pour discerner l’authenticité, ou non, des apparitions mariales, comme des révélations dites « privées ».

Tout d’abord, il est essentiel de comprendre qu’il revient bien aux pasteurs de l’Eglise de discerner, et donc de confirmer ou d’infirmer, la réalité d’événements surnaturels tels que des apparitions mariales. Cela fait partie de leur mission reçue du Christ, sous la conduite de l’Esprit Saint.

Au cours de l’histoire, les papes, mais plus souvent les évêques, ont eu à se prononcer sur une multitude de phénomènes de ce type, en particulier lorsque des abus, malheureusement fréquents, se manifestaient. Pour ce qui concerne les apparitions et les révélations privées, les procédures de discernement ont été codifiées dans un document de 1978, élaboré par la Congrégation pour la doctrine de la foi, et approuvé par le pape Paul VI.

Des critères positifs et négatifs

Ce document (intitulé « Normes procédurales pour le discernement des apparitions et révélations présumées ») désigne l’évêque du diocèse concerné comme étant la première autorité compétente. C’est à lui que revient, en première instance, la « charge d’être vigilant ou d’intervenir« . A ce titre, l’évêque devra mener une enquête approfondie, afin de déterminer, si possible, la nature de la manifestation surnaturelle. C’est une commission qui, en général, sera chargée de cette enquête, avec la participation de théologiens mais aussi, notamment, de médecins et de psychologues.

 

L’enquête devra tenir compte de critères positifs et négatifs. Trois critères positifs sont formulés par le document. Il s’agira d’abord de vérifier les « qualités personnelles » des personnes affirmant, par exemple, voir la Vierge Marie et recevoir d’elle des messages pour l’Eglise. Il faudra, entre autres, vérifier la sincérité des « voyants », leur équilibre psychique, le caractère évangélique de leur vie.

Il faut vérifier, par ailleurs, si le message ou la révélation délivrés par les voyants sont fidèles à la révélation contenue dans les Ecritures et transmise par la tradition de l’Eglise. Ici, il s’agit donc d’interpréter le contenu théologique de la révélation privée à partir de la révélation chrétienne, et non pas l’inverse… Enfin, il convient de discerner les fruits de la manifestation en question: engendre-t-elle des conversions, une « saine dévotion », une plus grande charité évangélique?

Quant aux critères négatifs, ils correspondent, en creux, à ceux que l’on vient d’évoquer. S’il s’avère que les personnes concernées ont menti, ou souffrent de maladie psychique ou de troubles psychopathiques; si on constate des « erreurs doctrinales attribuées à Dieu lui-même, à la Bienheureuse Vierge Marie ou à un saint dans leurs manifestations« , l’enquête aboutira à un « constat de non supernaturalité ». En d’autres termes, l’Eglise se prononcera alors sur le caractère inauthentique des manifestations ou des révélations en question.

Deux autres positions peuvent être adoptées par l’Eglise en la matière: un « constat de supernaturalité » – les événements sont reconnus comme authentiques –, ou un « non constat de supernaturalité ». Ce dernier cas de figure signifie que l’Eglise ne peut conclure positivement au caractère surnaturel des manifestations examinées, sans pour autant affirmer qu’elles soient inauthentiques.

Vigilance et tolérance

Concernant la dévotion ou le culte qui accompagnent souvent, spontanément et rapidement, des phénomènes réputés surnaturels, l’Eglise recommande la vigilance et la prudence, mais également une certaine tolérance: à moins de constater des abus ou des erreurs doctrinales manifestes, l’autorité ecclésiastique ne devra pas intervenir de manière trop radicale dans la gestion des rassemblements ou des lieux de dévotion.

Notons deux derniers aspects, importants, de la procédure. A la demande de l’évêque du diocèse concerné, ou de fidèles, ou si les phénomènes touchent une région ou un pays dans son ensemble, le « dossier » pourra être transmis par l’évêque, ou avec son autorisation, à la Conférence épiscopale du pays concerné. Le Saint-Siège, soit le pape soit la Congrégation pour la doctrine de la foi, peut également prendre le relais, à la demande de l’évêque, de fidèles ou de sa propre initiative s’il le juge nécessaire.

Ces quelques éléments nous permettent de comprendre où l’Eglise en est actuellement dans son discernement au sujet des apparitions et des messages supposés de Medjugorje. Soulignons que seules dix-huit apparitions mariales ont été officiellement reconnues comme authentiques par l’Eglise, en deux mille ans d’histoire, sur une quantité presque innombrable de cas… Actuellement, on estime qu’une centaine de dossiers sont à l’étude, dont celui de Medjugorje.

08:51 | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer |