La chrétienté peut renaître ! (04/10/2017)

De Philippe Maxence, en éditorial, sur le site de l'Homme Nouveau; des réflexions qui valent tout autant pour notre pays :

Feu l’enfouissement ?

La fin d’une époque ?

Le catholicisme français va-t-il sortir, enfin, de l’enfouissement que d’augustes penseurs avaient théorisé afin que les chrétiens soient un très discret levain dans la pâte sociale ? Dans une tribune récente, publiée dans le quotidien La Croix, Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, sous le titre « Feu la chrétienté ? », s’interroge sur les conséquences de la disparition des cadres sociaux offerts naguère par « la chrétienté ».

Avec réalisme, Mgr Wintzer pose la question :

« ne retenir que la dimension personnelle de l’expérience chrétienne, ou même simplement en faire le point d’insistance privilégié, ne conduit-il pas à faire son deuil d’une présence sociale des chrétiens et même d’une “société chrétienne” (expression bien sûr à préciser) ? Ne seraient alors chrétiennes que les personnes en capacité de faire des choix (dont celui de la foi), de se démarquer de la culture mainstream, et des diktats médiatiques ; qu’en est-il du “petit peuple” ? ».

Et l’archevêque de Poitiers de conclure :

« Je comprends ma mission comme devant encourager non seulement la communion mais l’unité. Oui, je suis catholique : l’unité de l’Église, telle que je la comprends et entends la servir ne sera jamais sur le modèle de celle des Églises issues de la Réforme. Ce n’est pas un modèle fédératif qui est mon idéal ou mon projet. »

Trois constats

D’où vient ce changement de ton ? Je ne connais pas personnellement Mgr Wintzer et je ne peux donc pas juger s’il s’agit ici d’un discours nouveau ou du développement d’une idée ancienne chez lui. Mais, en toute hypothèse, ce discours peut découler de deux ou trois constats.

D’abord, celui de l’effacement pro­gressif du christianisme en France, aussi bien comme réalité ecclésiale (baisse du nombre de catholiques, de prêtres, de vocations, etc.) que comme réalité sociale (la sécularisation).

Ensuite, celui du triomphe de la société libérale-libertaire. Philosophiquement ancrée dans les Lumières, économiquement ultra-libérale, moralement dégagée de toute idée de limites, à commencer par celles de la nature humaine, cette société repose sur des fondements clairement anti-chrétiens.

À cette double réalité s’ajoute, enfin, la montée de l’islam qui ne se révèle pas seulement comme une religion conquérante (et concurrente) en soi, mais qui fleurit aussi sur notre absence, notre désertion, notre… « enfouissement ».

Qui en pâtit ? Pas d’abord les familles bourgeoises, installées en ville et au sein desquelles la foi se transmet encore, vaille que vaille. Il a souvent été de bon ton de juger la réalité de la foi de ces familles sociologiquement typées. On peut continuer à le faire, en se gaussant de cette transmission essentiellement par héritage (et non d’abord par choix). N’empêche que les prêtres, les religieux et les évêques se recrutent beaucoup parmi elles. Sans parler du produit de la quête… qui permet de financer bien des projets ecclésiaux (pas toujours de bon goût, au demeurant).

Non, ceux qui pâtissent directement de la désertion sociale du christianisme aujourd’hui sont ceux que le géographe Christophe Guilluy regroupe sous le terme de France périphérique. Ils habitent en banlieues ou dans les petites villes de province, survivent à la campagne ou dans les cités. Même culturellement, le christianisme a disparu de leur horizon.

Une parenthèse à refermer

Les Mounier, Maritain, Congar et consorts, qui ont théorisé, parfois sous des appellations différentes, la fin de la civilisation chrétienne, se sont en fait conduits comme des enfants gâtés. Après les chocs de la Révolution française et de la révolution industrielle, ils avaient encore sous leurs yeux les restes de la civilisation chrétienne. Mais ils se trouvaient trop au chaud au sein de ce tissu social qui soutenait encore la foi. Celle-ci était jugée impure, hypocrite, sans consistance. Ils ont donc balayé, non pas la foi, mais ses soutiens.

Pour quel résultat ? Nous le voyons sous nos yeux ! Nos pères ont mangé le raisin vert, mais c’est nous qui avons les dents agacées. En fait, nous avons perdu et la foi et ses soutiens sociaux. Face à la révolution libérale numérique, nous sommes comme désarmés.

Pourtant, la chrétienté peut renaître. Elle demandera du temps, de la patience, de l’intelligence et, surtout, la grâce de Dieu. Nous ne la verrons pas ! C’est pour les petits-enfants de nos petits-enfants que nous devons inscrire dans la réalité la puissance de l’espérance chrétienne.

La nature humaine, objet aujourd’hui de toutes les attaques (cf. la « PMA pour toutes » du gouvernement actuel), implique un ensemble de médiations sociales. L’être humain n’est pas, pour reprendre la formule de Renan un « homme abstrait, né orphelin, resté célibataire et mort sans enfants ». Au contraire, il naît au sein d’une famille, grandit dans un entrelacement de petites sociétés, reçoit en héritage une langue, une culture, une histoire, un pays. C’est en cela que l’homme est un animal social.

Nous chrétiens, nous avons trop longtemps nié la nécessité de ces médiations. Nous avons trop souvent fait obstacle aux réalités naturelles voulues par Dieu, jusque et y compris dans leur concrétisation politique. Il est temps de renfermer cette douloureuse parenthèse afin de pouvoir dire définitivement : feu l’enfouissement !

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