La popularité du pape François en recul chez les catholiques (13/03/2018)

De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro.fr :

La popularité du pape François faiblit chez les catholiques

Cinq ans après son élection, 78 % des Français ont une bonne opinion du Saint-Père, contre 87 % en 2015.

SONDAGE - Cinq ans après son élection, 78 % des Français ont une bonne opinion du Saint-Père, contre 87 % en 2015. Une baisse plus notable encore chez les pratiquants, où une chute de 12 points est relevée selon notre sondage BVA.

Même si sa popularité est très élevée, avec 78 % de bonnes opinions - très au-dessus de tous les leaders politiques - le pape François connaît une érosion significative d'image depuis son élection en 2015, avec neuf points en moins dans l'opinion des Français. Et, surtout, 12 points perdus chez les catholiques pratiquants réguliers, et même 17 points chez les sympathisants du parti politique Les Républicains. Ce désenchantement, quoique très relatif, est le principal enseignement du sondage BVA-Le Figaro, lancé à l'occasion du cinquième anniversaire, ce mardi, de l'élection du pape François.

Une tendance qui n'est pas seulement française. Un sondage américain, publié le 6 mars 2018 à Washington par le Pew Research Center, confirme la même déception chez les catholiques d'outre-Atlantique: 24 % des catholiques pratiquants (contre seulement 15 % en 2015) le trouvent «trop naïf» quand 34 % le jugent «trop libéral», contre 19 % il y a cinq ans.

«Dans certains milieux, on comprend mal l'ouverture pastorale aux situations d'homosexualité ou au remariage»

Philippe Portier, directeur d'études à l'École pratique des hautes études

Philippe Portier, directeur d'études à l'École pratique des hautes études et titulaire de la chaire «Histoire et sociologie des laïcités» - l'une des principales références sociologiques du fait religieux en France (1) - explique: «La baisse est significative dans des catégories très intégrées au catholicisme et ordinairement les plus légitimistes (pratiquants réguliers, ruraux, les catégories supérieures, les plus âgés, Les Républicains). Tout en étant encore très favorables au Pape argentin, ces catégories témoignent là d'une certaine inquiétude, que révèlent aussi les enquêtes par entretiens».

Ce sociologue met en évidence deux motifs d'interrogation: «le discours du Pape semble en opposition avec la compréhension souvent traditionnelle de la morale familiale. Dans ces milieux, on comprend mal l'ouverture pastorale aux situations d'homosexualité ou au remariage». Philippe Portier relève un second lieu de questionnement: «On trouve dans ces catégories une vision volontiers identitaire de la nation, que le discours papal sur les migrants, et souvent sur les musulmans, vient troubler». Il pense aussi que «la dénonciation du libéralisme économique par le pape François peut susciter la critique dans toute une fraction du catholicisme français, qui n'a jamais accepté totalement la doctrine sociale de l'Église.»

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Erwan Lestrohan, de l'institut BVA qui a piloté ce sondage, analyse pour sa part que «ce qui surprend, c'est que cette baisse affecte les populations les plus marquées par le catholicisme. On peut donc formuler l'hypothèse que le discours du Pape sur les migrants et sur l'homosexualité a joué. Mais l'importance de cette érosion a aussi du sens: avec 12 points de baisse chez les pratiquants, elle n'est pas due au hasard. Elle est significative parce qu'elle touche précisément des catégories de gens qui sont des “experts”, et donc des connaisseurs du pape François et de l'Église catholique. Le Pape est clivant dans son camp.»

Une amélioration de l'image de l'Église

Autre enseignement de ce sondage, 31 % des Français estiment que le Pape a fait évoluer, «en bien», l'image de l'Église catholique dans la société française. Pour Erwan Lestrohan ce «regain de bienveillance ne va pas jusqu'au ré-enchantement», mais mérite l'attention «sans marquer pour autant un basculement». Car «dans ce domaine des convictions, politiques ou religieuses, les avis personnels sont très ancrés, très structurés, profondément cristallisés. Il faudrait un événement d'importance pour constater une évolution forte de ces convictions».

Philippe Portier estime quant à lui que «le Pape a réconcilié une partie de la société, souvent éloignée du christianisme, avec l'Église, sans doute en raison de son ouverture à ce qu'il appelle les “situations complexes” au plan moral. Et en raison de ses déclarations contre la pédophilie, où il apparaît en phase avec les attentes de la société actuelle. Sans oublier l'option écologique et son encouragement pour l'apostolat social en faveur du peuple des pauvres.»

Mais, conclut-il, «pour le moment, son action n'a pas inversé la tendance au déclin des indicateurs d'implantation du catholicisme français: vocations, pratiques, militances, croyances». De fait, tandis que 130 jeunes en moyenne entraient au séminaire en France chaque année, pendant les 8 ans du pontificat de Benoît XVI, ils sont à peine 100 par an en moyenne, depuis cinq ans, à choisir cette voie. Une tendance qui, aujourd'hui, s'annonce encore à la baisse.

(1) Religion et Politique. L'enjeu mondial, aux Presses de Sciences Po, 2017

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