François : un pur produit de Vatican II ? (22/03/2018)

De Marina Droujnina sur zenit.org :

L’Osservatore Romano: le pape François, «un fils» du concile Vatican II

« Gaudium et spes » au « pré-conclave »

Le pape François « est un pape essentiellement missionnaire, cohérent avec sa vie de jésuite, formé pendant la période du concile Vatican II » dont il est « totalement un fils » : L’Osservatore Romano, dans son édition quotidienne en italien du 18 mars 2018, brosse le portait d’un « évêque de Rome » pris, selon les paroles du pape François même, « presqu’au bout du monde », cinq ans après son élection, le 13 mars 2013.

« Un demi-siècle après la fin du concile qui a profondément renouvelé le visage du catholicisme, mais qui doit encore être compris, écrit le quotidien du Vatican, les perspectives du pontificat du pape François doivent croiser les mêmes défis, dans un cadre historique qui a néanmoins radicalement changé. »

Le pape est confronté notamment « au nœud des pauvres sur la scène d’une mondialisation de plus en plus dégradée », « à la question des femmes, toujours plus brûlante, et à la nécessité d’une nouvelle culture politique »: « Le dialogue œcuménique aussi est repris avec force » par le pape, « ainsi que le dialogue avec les religions non chrétiennes ».

L’enseignement du pape François, affirme L’Osservatore Romano, se nourrit « avec conviction » de celui du Vatican II. « Ce n’est donc pas fruit du hasard, explique le quotidien, si dans la très brève intervention durant la sede vacante la seule citation littérale » utilisée par le futur pape « soit tirée d’un des principaux documents conciliaires, Gaudium et spes. » Le 9 mars 2013, « lors des congrégations générales, l’archevêque de Buenos Aires avait parlé quelques minutes » en insistant sur la « douce et réconfortante joie d’évangéliser », « une expression du pape Paul VI qui, d’ici quelques mois, inspirerait le titre Evangelii gaudium », celui de la lettre d’exhortation apostolique du pape François.

Réformer la curie et la gouvernance de l’Église 

Dans le gouvernement de l’Église, poursuit L’Osservatore Romano, le pape a « développé les éléments de collégialité introduits au temps du concile, selon un choix visible avant tout dans la convocation des assemblées synodales ». « La perspective, explique le journaliste, est celle qui caractérise le pape, c’est-à-dire la mission. Donc, sortir des fermetures, du cléricalisme, de l’auto-référencement pour favoriser le témoignage et l’annonce de l’Évangile. »

Un mois après l’élection, rappelle le quotidien, le pape François « a institué un conseil de huit cardinaux pour réformer la curie et la gouvernance de l’Église », en choisissant « des conseillers qui représentent les cinq continents ». À noter que dans le choix des cardinaux le pape François « accentue aussi la tendance à consolider et élargir la présence d’ecclésiastiques non européens, qui est désormais majoritaire parmi les électeurs ». « De cette façon, explique L’Osservatore Romano, le pape François porte à son apogée le processus d’internationalisation du collège des cardinaux — et par conséquent des organismes de la curie — lancé pour la première fois avec fermeté par le pape Pie XII en 1946, quelques mois après la fin de la Seconde Guerre mondiale. »

Dans la réforme de la curie, « l’objectif de simplification et de rationalisation reste central, indispensable pour un rôle et une fonction qui doivent être exemplaires, comme avait indiqué le pape Paul VI ».

Dès le début de son pontificat, le pape démontre le comportement « perçu » par plusieurs comme « un signal de simplicité » : « la nouveauté la plus éclatante et expressive du nouveau pape, écrit L’Osservatore Romano, fut la décision, prise les premières semaines de son pontificat, de vivre à Sainte-Marthe, à quelques pas de la basilique Saint-Pierre, c’est-à-dire dans une résidence où sont logées des dizaines d’ecclésiastiques et personnes de passage ; non plus donc dans les appartements du palais apostolique ».

La décision est expliquée par le pape « surtout comme un besoin de ne pas s’isoler ». « Une autre décision » prise en ces jours se trouve dans la même lignée : « l’invitation certains jours de la semaine à des dizaines de fidèles de participer à la messe du matin célébrée par le pape dans la chapelle de Sainte-Marthe ».

Pour faire passer son message central de « sortir des fermetures » et d’« aller vers les périphéries », le pape utilise « un mode de communication vraiment efficace qui unit la tradition et une intelligence capable de comprendre les phénomènes et les contradictions de la modernité ». « Dans cette communication, souligne le quotidien, les prédications de Sainte-Marthe sont cruciales, très suivies. Mais les interviews aussi, qui n’ont jamais été si nombreuses, et les conférences de presse durant les voyages internationaux. »

La continuité

Malgré toutes ces signes de nouveautés, le pape François « présente des éléments de continuité avec les papes qui se sont succédés depuis le concile Vatican II, et tient à les souligner » : « il a plusieurs fois évoqué le pape Paul VI qu’il a proclamé bienheureux et qu’il s’apprêter à proclamer saint. Et au cours de la même année, il a canonisé ensemble Jean XXIII et Jean-Paul II, des papes très différents entre eux, créant une sorte de balancement hagiographique ».

Ce pape a aussi « exprimé d’emblée les relations très étroites qui l’unissaient à son prédécesseur », le pape Benoit XVI, « comme pour montrer la condition normale de cette nouveauté, le renoncement, perçue plutôt comme un acte révolutionnaire par tant de parties ». « Dans un geste sans précédents », le pape « a voulu reprendre » la dernière encyclique du pape Benoit XVI « et l’a fait sienne en la signant » : « Lumen fidei est donc devenu le premier document du pape François ». « C’est le premier élément du triptyque qui a rythmé les trois premières années du pontificat, estime L’Osservatore Romano, avant l’encyclique sociale Laudato si’, consacrée aux soins de la création, et une autre exhortation, Amoris laetitia, fruit des deux synodes sur la famille. »

Une surprise créée pour certains par « le choix rapide des cardinaux » lors de l’élection de 2013, a des explications claires : en 2001, « l’archevêque argentin est créé cardinal et en automne il remplace au synode le relateur désigné, retenu dans son diocèse de New York frappé par l’attaque du 11 septembre ». « Cette entrée sur la scène catholique internationale, écrit le quotidien du Vatican, sera suivie en 2005 par la sede vacante et le conclave où, selon une reconstruction des faits non contrôlable, l’archevêque de Buenos Aires reçut un nombre non négligeable de votes ». Et à la conférence générale de l’épiscopat latino-américain d’Aparecida, organisée en 2007, « le rôle et l’efficacité du cardinal à diriger furent une évidence ».

« L’histoire et les événements tragiques de l’Argentine » « illustrent le contexte dans lequel s’inscrivent la trajectoire personnelle et le rôle public » du futur pape « d’abord parmi les jésuites et puis comme évêque de la capitale », Buenos Aires, « mégapole marquée par de criants contrastes ». « Une situation à la lumière de laquelle on comprend parfaitement parmi les préoccupations du pape, la centralité des périphéries, réelles et métaphoriques, comme « celles du mystère du péché, de la douleur, de l’injustice, celles de l’ignorance et de l’absence de foi, celle de la pensée, celles de toute forme de misère ».

Un acteur américain prédit l’élection d’un pape argentin

Singulièrement, l’élection d’un pape argentin a été prédite par l’acteur américain d’origine mexicaine Anthony Quinn, au temps de Jean-Paul II.

L’acteur avait interprété en 1968 un pape ukrainien imaginaire, Kirill, dans le film The Shoes of the Fisherman, tiré du roman de Morris West. Au cours de la rencontre à Rome avec le journaliste et écrivain espagnol Arturo San Agustín, la conversation est tombée sur la possibilité d’un pape latino-américain. « Pourquoi pas un mexicain, dit alors le journaliste, mais sans hésiter l’acteur répliqua, sûr de lui, qu’il pensait plutôt à un Argentin, en éclatant de rire. Aucun des deux interlocuteurs ne connaissait le jésuite Bergoglio, d’ailleurs pas encore cardinal, mais après son élection Arturo San Agustín se rappela parfaitement de cette prédiction singulière. »

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