Les évêques et cardinaux de France contre l'euthanasie (27/03/2018)

De Sophie Lebrun et Olivia Elkaim sur le site de l'hebdomadaire "La Vie" :

“L'opposition éthique“ de 118 évêques contre l'euthanasie

Réunis en assemblée plénière à Lourdes jusqu'au 23 mars, les évêques et cardinaux de France publient jeudi 22 mars une déclaration sur la fin de vie appelant à « l'urgence de la fraternité »

Dans une déclaration commune intitulée Fin de vie : oui à l'urgence de la fraternité, les évêques français s'opposent fermement au suicide médicalement assisté. Sans la nommer, ils visent ainsi clairement la proposition de loi déposée en septembre dernier par Jean-Louis Touraine, député LREM du Rhône. Celui qui vient de créer un groupe d'étude sur la fin de vie, qu'il préside, à l'Assemblée nationale s'est lancé ces derniers mois dans un intense lobbyingsur le sujet.

Déclaration des évêques de France sur la fin de vie : Oui à l'urgence de la fraternité !

La réaction en ordre groupé des évêques français montre leur inquiétude, non sans raison. Intervenant devant des militants de son parti dans un café parisien mercredi 21 mars, Jean-Louis Touraine a encore rappelé son ambition : s'il a déposé cette proposition de loi pour « lancer le débat », il espère bien légiférer dès cette année en avançant par étape, ouvrant d'abord l'aide médicalisée à mourir aux adultes capables de donner leur consentement, avant de le permettre pour d'autres catégories de Français.

Les 118 évêques lui opposent six raisons « éthiques » contre ce changement législatif envisagé par le gouvernement.

Le député pro-euthanasie Jean-Louis Touraine ne désarme pas

1. La loi de 2016 pas encore mis en œuvre partout

Alors qu'une loi (dite loi Claeys-Léonetti) votée le 2 février 2016 poursuit « l'effort d'une prise en charge responsable et collégiale de la part des soignants pour garantir une fin de vie apaisée », les évêques déplorent « les disparités d'accès aux soins palliatifs ainsi que l'insuffisance de formations proposées au personnel médical et soignant ».

Avant d'envisager un nouveau changement législatif, ils demandent à ce que ce texte de loi soit d'abord largement appliqué : « Changer la loi manifesterait un manque de respect non seulement pour le travail législatif déjà accompli, mais aussi pour la patiente et progressive implication des soignants. Leur urgence, c'est qu'on leur laisse du temps », plaident-ils.

2. Contradictions législatives

« Comment l'État pourrait-ils, sans se contredire, faire la promotion – même encadrée – de l'aide au suicide ou de l'euthanasie tout en développant des plans de lutte contre le suicide ? » s'interrogent les évêques. Ils pointent ainsi la « transgression de l'impératif civilisateur "Tu ne tueras point" » qui serait alors remis en cause, entraînant ainsi les « personnes en grande difficulté » à être confrontées violemment à l'impression d'être « un poids pour [ses] proches et la société ». 

3. Remise en cause de la vocation de la médecine 

Dans ses aspects pratiques, la mise en place d'une assistance médicale au suicide serait « contraire au Code de déontologie médicale ». Celui-ci postule que « le médecin, au service de l'individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité ». Or, expliquent les évêques, « tuer, même en prétendant invoquer la compassion, n'est en aucun cas un soin » avant de souligner l'urgence « de sauvegarder la vocation de la médecine ».

Continuant à explorer les implications pour le personnel médical, les évêques craignent la perte de « cohérence de l'engagement médical si, dans certains lieux, des soignants étaient prompts à accéder [aux] désirs de mort chimiquement provoquée [des personnes vulnérables], tandis que dans d'autres lieux lieux, ils les accompagnaient, grâce à l'écoute patiente et au soulagement des différentes souffrances, vers une mort naturelle paisible ».

4. Liberté...

Sans nier que des demandes d'assistance médicalisée au suicide puissent exister aujourd'hui dans la société française, les signataires de la déclaration invitent à leur faire une autre réponse que l'euthanasie : « La détresse [des personnes] qui demandent parfois que l'on mette fin à leur vie, si elle n'a pu être prévenue, doit être entendue. Elle oblige à un accompagnement plus attentif, non à un abandon prématuré au silence de la mort. »

5. ... et fraternité

Cette « authentique fraternité » est non seulement à « renforcer », mais elle est aussi le fondement de l'exercice de la liberté dans la société. Quand les partisans d'un changement de la loi insistent sur la liberté personnelle de ceux qui souhaitent avoir accès une assistance médicalisée au suicide, les évêques rappellent que « nos choix personnels, qu'on le veuille ou non, ont une dimension collective » car « la liberté est toujours une liberté en relation ».

6. « Quelles institutions et quel financement ? »

Inquiets de la mise en œuvre pratique de l'assistance médicale au suicide, les évêques de France estiment qu'elle peut « conduire notre système de santé à imposer à nos soignants et à nos concitoyens une culpabilité angoissante ». Celle-ci remettrait alors en cause « gravement » « la relation de soin ».

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