Dieu n'est pas une “fake news“
Une chronique d'Erwan le Morhedec, avocat et essayiste, sur le site de l'hebdomadaire La Vie :
Au Parlement français se discute une loi qui imagine encore poursuivre la mauvaise foi. La loi, à ce jour, prévoit d’incriminer ceux qui iraient avancer « un fait dépourvu d’éléments vérifiables le rendant vraisemblable ». L’esprit est facétieux. Aussi, pour la contrer, certains ont évoqué l’existence de Dieu. L’affirmer tomberait sous le coup de la loi ? Le texte permet de l’exclure, mais que la controverse dure ! Quand la loi passera, j’écrirai « Dieu existe ! », le clamerai avec joie. Je le ferai cent fois et serais bien déçu si je ne me trouvais poursuivi, prévenu.
J’entends être le premier à subir le procès. J’appellerai les sommets et la brise légère, le vol d’une mésange et les sourires aux anges, la joie d’un passant et la main d’un enfant, ces moments fugaces de parfaite harmonie, d’amitié pour les hommes, pour la pierre, pour la vie. Puis ces versets reçus, de grâce bienvenue. Je convierai Hillesum, Kolbe, invoquerai Chergé, qui à l’homme et pour Dieu se sont tous consacrés. Au Palais, j’inviterai tous ces saints anonymes qui donnent leur vie aux malades, aux exclus, aux victimes, pour qu’un peu de la leur, elle aussi, s’illumine.
J’ai invoqué l’Amour ? Je citerai la Raison ! Celle qui, de toutes choses, entend trouver la cause. Elle viendra, c’est certain, oui, elle comparaîtra : elle ne peut dédaigner l’affaire la plus belle, et laisser dire aux hommes qu’ils seraient là sans elle. Tout aurait une raison, la vie n’en aurait pas ? Le monde aurait surgi : par un « pop » soudain, il y aurait quelque chose plutôt que de n’y avoir rien. Newman sera mon témoin, j’exposerai Thomas, et encore Voltaire, même si c’est pas casher ! Je citerai aussi ces esprits scientifiques qui, bien considéré et très bien étudié, ne conçoivent l’Univers autrement que créé : voyez Lemaître, Pasteur, Newton ou bien Kepler.
Je n’aurai pas prouvé l’existence de Dieu ? C’est vrai, certes, je le sais. Et cela vaut bien mieux. C’est affaire de foi, et non celle d’une loi. Mes faits sont vérifiables, l’hypothèse vraisemblable. Je rêve d’un tel tour, je rêve de ce procès : je me vois dans le vent, sur les marches du Palais. à mon poing bien dressé, cette décision unique : « au nom du peuple français », au sceau de la République, l’assurance ineffable que Dieu est vraisemblable.