Congo : une indépendance pour quoi faire ? (30/06/2018)

Souvenir : il y a 58 ans, jour pour jour, c’était le jeudi 30 juin 1960: sur le coup des 11 heures, au fond de la brousse de l’Uélé, par petits groupes, des villageois se rassemblent  sur la  barza et dans le lupango de la maison familiale: « Radio Congo Belge » relaie la cérémonie de la déclaration de l’indépendance qui se déroule très loin de là (1.500 km à vol d’oiseau) à Léopoldville, dans la grande salle des congrès de la résidence du gouverneur général (rebaptisée Palais de la Nation).

Babuas ou Bakérés, les paysans des bords de la Bima ou de l’Andu, ne comprennent pas le français. Au fur et à mesure, Maman traduit en lingala les discours bien lissés du Roi Baudouin et du futur président de la République, Joseph Kasavubu. Une harangue impromptue de Lumumba alourdit soudain l’atmosphère: la traductrice improvisée, imperturbable, prend alors des libertés avec les propos désobligeants du leader nationaliste: tout va bien, chacun veut la paix.

Le peuple approuve. Simon Mpango, le capita-chef,  invite toute la famille  à participer à la grande fête organisée au village. Papa esquisse quelques pas de danse entre deux haies de travailleurs indigènes. Je filme la scène avec ma petite caméra 8mm. La bière et le vin de palme coulent au milieu des épilis, des coiffes à plumes et des pagnes en écorce. Non, la nuit dernière, les morts ne sont pas ressuscités, aucun enfant n’a disparu dans la forêt et ce soir la voie lactée baignera encore le ciel de sa douce lumière. Mais cinq jours plus tard la Force Publique se rebelle à Thysville, l’incendie se propage et tout s’effondre comme un château de cartes. Le Congo ne s’en est jamais remis.  

Eternel retour d’une histoire sans fin : 58 ans plus tard, un an et demi après avoir arraché in extremis l’Accord de la Saint-Sylvestre, les évêques catholiques congolais continuent à exiger la tenue des élections libres, démocratiques et inclusives en République démocratique du Congo. Lu sur le site de "La Libre Afrique":

Cenco ob_6630c9_carton-rouge-des-eveques-a-kabila.JPG« Dans un long courrier diffusé ce jeudi 29 juin, à la veille de la fête nationale et au terme de leur assemblée plénière, les évêques congolais dressent une série de constats et adressent une série de recommandations à l’ensemble de la population congolaise, mais aussi à la communauté internationale, appelée à continuer à soutenir le processus démocratique en RDC. Les évêques se disent préoccupés par les incertitudes qui planent sur le procesus électoral à six mois du passage par les urnes.

 

Néanmoins, dans leurs constats et avec la diplomatie qui peut être la leur, les évêques congolais commencent par féliciter la CENI pour le travail accompli. Ils mettent en exergue l’élaboration d’un fichier électoral et la mise en oeuvre partielle des mesures de décrispation contenues dans l’Accord de la Saint-Sylvestre.

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Ensuite, viennent les constatations très amères. Les évêques expliquent ne pas comprendre pourquoi la décrispation n’est toujours pas pleinement réalisée. Pourquoi certains opposants emblématiques sont toujours emprisonnés ou tenus à l’exil.

Vient ensuite l’analyse du fichier électoral… peu rassurant, sachant que, et les évêques reprennent les chiffres des experts de l’OIF, 16,6% des inscrits sur ce fichier électoral sont démunis d’empreintes digitales. Une lacune qui jette le doute sur 6,7 millions de voix !

Vient enfin le « dossier » de la machine à voter. Ici, les évêques constatent l’absence totale de consensus sur cet élément pourtant central du processus électoral.

Les évêques regrettent encore l’insécurité qui règne dans de trop nombreuses régions du pays.

« M. Kabila, vous ne pouvez vous représenter »

Avant de s’adresser aux élus, au peuple ou à la communauté internationale pour leur demander à tous de s’impliquer loyalement, pacifiquement et totalement pour la tenue des élections « que veut le peuple »,  les évêques adressent un message fort à l’attention du président Kabila. Ils rappellent que pour être crédibles les élections doivent s’inscrire dans le respect de la Constitution et de l’Accord de la Saint-Sylvestre. Et de citer entièrement l’article 70 de la Constitution qui limite de manière claire et explicite le nombre  de mandat consécutif du président.

Les évêques rejoignent donc cette lame de fond portée désormais notamment par la plupart des mouvements citoyens qui demandent impérativement la tenue des élections ce 23 décembre 2018. Mais des élections sans Kabila.

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Le message est sans ambiguïté. Les évêques s’adressent ensuite à toutes les franges de la population pour leur demander de soutenir le processus électoral, ils avaient rappelé, en début de leur lettre, que des Congolais ont payé de leur vie cette volonté d’aller aux élections libres et démocratiques. Personne n’a oublié en effet les trois marches pacifiques violemment réprimées par le pouvoir fin 2017 et début de cette année.

Ref. RDC : Les évêques gardent la pression sur la CENI et sur Kabila pour qu’il ne se représente pas

JPSC

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