En exclusivité sur belgicatho, un entretien passionnant avec le Professeur René Lebrun (24/07/2018)

Ce jeudi 19 juillet 2018, le professeur René Lebrun, docteur Honoris Causa de l’université de Limoges, docteur en Philologie et Histoire orientales, licencié-agrégé en philologie classique et entre autres, professeur émérite à l’université catholique de Louvain-La-Neuve et à l’Institut catholique de Paris, nous a accordé un entretien pour Belgicatho. 

Professeur, pourriez-vous brièvement nous retracer votre parcours académique et aborder les questions qui vous ont intéressé au long de cette vie professionnelle ? 

Le début de ma carrière en tant que chercheur et enseignant à l’université, c’est en 1980 à Genève ; j’ai enseigné à Genève l’histoire de l’Anatolie et la langue hittite. L’année suivante en 81, j’ai été engagé à la KUL et j’y ai presté le hittite pendant dix ans, en néerlandais. En 86, je vais être engagé à Paris, en parallèle de la KUL, à l’Institut catholique de Paris, où je vais enseigner l’akkadien, le hittite et l’histoire de l’Anatolie et cela jusqu’en 2005. Au début des années 90, j’ai renoncé à Leuven et j’ai été engagé ici à l’UCL où j’ai été responsable des cours d’akkadien, ou de babylonien si vous voulez (c’est équivalent), de hittite, d’histoire de l’Anatolie et je suis devenu le président de l’Institut orientaliste. Maintenant, je reste actif : on est quelques professeurs émérites à avoir bénéficié tout récemment, il y a deux mois, d’un titre « émérite actif » ce qui me permet de conserver mon bureau et de garder les mêmes budgets pour les recherches ; on a droit à une secrétaire etc. Les voyages scientifiques à l’étranger sont payés par l’université. À côté de cela, je dirige plusieurs publications et collections dont la collection Homo religiosus fondée par le cardinal Ries. Quand il a fondé cette collection et le centre d’histoire des religions, j’ai immédiatement été son bras droit. Et c’est comme cela que je lui ai succédé tout naturellement car c’était son souhait. Cette collection est publiée chez Brepols.

Aujourd’hui, quelles sont les grandes questions qui sont encore discutées dans l’histoire de l’Anatolie ?

Ce qui reste passionnant c’est bien sûr le hittite avec ces textes en hittite, à peu près 76 000 textes, dont une grande partie n’est toujours pas publiée ! J’ai lancé, il y a quelques mois, une recherche ici, en vue d’une publication par l’Institut orientaliste ou dans la collection Homo religiosus concernant une édition scientifique des rituels hittites. Il y a plus de mille textes, donc on peut s’amuser ! Il y a aussi les nombreuses inscriptions en caractères glyphiques puisque les Hittites utilisaient deux systèmes d’écriture : une cunéiforme, surtout pour les tablettes d’argile, et d’autre part, pour tout ce qui était monuments ou les sceaux, c’était en écriture glyphique – avant on disait hiéroglyphique, par comparaison avec l’Égypte, même s’il n’y a aucun lien entre les deux - 

Quand j’ai commencé mes études d’orientalisme, c’était encore une écriture très mystérieuse.

 

Bedřich Hrozný a déchiffré le hittite en 1915. Comment s’y est-il pris ? A-t-il eu recours à l’équivalent d’une « pierre de rosette » pour le hittite ?

Non, la lecture en tant que telle n’est pas un problème car ce sont les cunéiformes babyloniens ou akkadiens. Les lettres ont la même forme. C’est la même écriture. L’akkadien était la langue diplomatique. Si le roi hittite correspond avec le pharaon, il correspond en akkadien et le pharaon lui répond en akkadien ! C’est cette même écriture cunéiforme qui sert à noter le hittite. Alors, Hrozný, en 1915, a une tablette, qu’il peut lire. La phrase était nu puis un sumerogramme pour le pain, la finale en an puis e – za –at – te – ni, puis wa- da-ar-ma, puis e –ku – ut –te –ni.

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Wadaar c’est l’eau,  e – ku – ut – te –ni c’est « buvez » ; nu c’est maintenant, comme nunc en latin et e  –za – te –ni c’est « mangez.»

Et Hrozný voit, en regardant un peu sur la gauche, qu’un personnage s’adresse au dieu en lui disant « et maintenant mangez le pain et buvez l’eau ». Et, à partir de là, il a montré que le hittite est une langue indo-européenne, la plus anciennement attestée, même plus anciennement que le sanskrit.

Les documents les plus anciens pour le monde hittite remonte au XVIIIème siècle avant notre ère.

Avant le hittite, il y avait le hatti qui a continué à être utilisé par les Hittites comme langue liturgique jusqu’en -1250. Dans les textes on peut trouver « maintenant la chorale chante en hatti ».  Parce que le dieu qui est honoré est un dieu d’origine hatti « récupéré » par les Hittites.

Alors l’autre langue cousine du hittite, c’est le louvite, langue indo-européenne aussi. Là, on a fait des progrès incroyables ; mais il y a des différences très importantes entre ces deux langues. Les termes fondateurs de société – dieu, homme, femme – sont tout à fait différents. Avec le louvite, on est dans le sud de l’Anatolie et l’ouest. Une ville comme Ephèse, appelée Apasa à l’époque, était plutôt de culture louvite. Et c’est le louvite qui va donner, dans ces mêmes régions, naissance à une langue comme le lycien, mais beaucoup plus tard, au VIème siècle avant notre ère, avec une écriture dérivant du phénicien, écriture purement alphabétique. Mais le vocabulaire louvite se retrouve pleinement en lycien. Notez que l’on n’a pas de trace de hatti dans le monde louvite.

Revenons sur les Hattis, c’est un peuple ?

C’est plutôt le pays originaire, la région à l’est d’Ankara au centre de l’Anatolie dont Hattusa était la capitale.  Et les Hattis, eux, ne sont pas indo-européens.  

Les commentateurs de la bataille de Qadesh, au XIIIème siècle avant notre ère, distinguent les Hattis des Hittites parmi les ennemis des Égyptiens …

Il y avait peut-être dans la région à l’est d’Ankara des zones où survivaient des tribus plus conservatrices tant sur le plan ethnique que sur le plan linguistique…

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Bataille de Qadesh (sous Ramsès II)

 

Parlez-nous du hourrite maintenant …

Concernant le hourrite, on a fait des progrès énormes. C’est une toute grande civilisation avec une langue qui n’a rien à voir avec les langues indo-européennes ni avec les langues sémitiques ni avec le hatti. Le monde hourrite, c’est vers le nord de la Mésopotamie, une partie de l’Assyrie et ces gens vont se retrouver un peu partout : de nombreuse reines de l’Empire hittite sont d’origine hourrite. Les Hourrites commencent à faire parler d’eux vers 2200 avant notre ère. Les textes retrouvés sont des textes en hourrite retrouvés en Mésopotamie, en Syrie et en Anatolie… c’est un peu comme les Romains qui étaient fascinés à partir de Cicéron par le grec. Les Hourrites c’est la même chose : c’est la science, les grands traités de théologie…

Professeur, pourquoi vous êtes-vous intéressé spécifiquement à l’Anatolie et pas à l’Egypte ou à Babylone ?

Là, il faut faire des choix. J’ai fait l’égyptologie ici avec Vergote (Joseph Vergote, belge, 1910-1992), l’akkadien avec Naster (Paul Naster, belge, 1913, 1998) et c’était le début où on allait commencer à enseigner peut-être le hittite. Et c’est le professeur que j’avais en philologie classique, Albert Maniet (né en 1918), qui était un homme très dynamique, qui m’avait dit « Lebrun, il faut surveiller tout ce qui va se faire en fonction des découvertes en Anatolie. »  Le hittite a beaucoup bougé au XXème siècle.

Au XIXème siècle, on pensait encore que c’était en Syrie ! Même l’antiquité classique parle très peu des Hittites. Hérodote ne parle pas des Hittites … par contre, il y a quelques traces des Hittites dans la bible …

Oui, les Hethéens ; Heth est l’arrière-petit-fils de Noé !

L’Anatolie est-elle un carrefour entre l’Europe et l’Asie ou reste-t-on quand même centré sur l’Asie ?

Cette question reste un sujet d’étude actuellement. L’Anatolie est tournée vers la Méditerranée, vers la Syrie et puis elle va s’élargir à l’ouest vers les îles de la mer Égée et donc les Hittites et les Louvites aussi vont être présents dans des îles comme l’île de Lesbos, qui est mentionnée dans les textes. L’intérêt pour l’ouest est dynamisé à partir d’une ville comme Éphèse. Maintenant, on a trouvé des tablettes hittites, il y a deux ans, dans l’ile de Rhodes ; on a retrouvé des sceaux hittites à Mycènes et à surtout Thèbes en Béotie.

Quels sont les rapports avec la ville de Troie ?

Il y a une chose que j’ai étudiée de manière plus directe et il y aura des publications prochainement sous forme d’articles à propos de Troie. Si vous prenez le texte d’Homère, vous constatez que les noms des dynastes troyens sont tous des noms louvites ou louvites-hittites. C’est un fait éminemment significatif. Vous avez le nom de Priam qui dérive d’un terme hittite signifiant « celui qui a la super force ». On a des textes où l’on nous parle de la ville de Tarawiya qui pourrait donner Troia ou bien la ville de Wilusa, là on sait qu’il y avait le royaume de Wilusa et qui était en « relation commerciale » avec le royaume hittite, qu’on pourrait identifier à la Troie homérique. Par la nature des divinités vénérées à Troie, on peut dire que la population troyenne est une population parente des Hittites ou des Louvites, plutôt des Louvites. J’ai été un des premiers à ouvrir cette porte. C’est une conséquence des progrès dans la connaissance du louvite. Il y a, à côté du royaume de Troie, un petit royaume qui est le royaume d’AϦϦiyawa c’est-à-dire les Achéens ! Et eux sont des Grecs mycéniens. Et il y a eu rivalité entre ce royaume d’AϦϦiyawa et le royaume de Troie, tout simplement parce qu’ils sont voisins et sans doute que l’on en trouve un souvenir dans l’Iliade.

Reculons très loin au VIIIème millénaire, il y a un site fameux, Çatal Höyük, on est proche des origines du néolithique … Il y a eu une théorie anatolienne de l’origine du néolithique dans les années ’70… mais on est revenu sur une origine dans le croissant fertile …

Oui, on a trouvé des déesses mères anciennes à Çatal Höyük

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Déesse mère, Çatal Höyük 

 

Peut-on dire que l’Anatolie entre dans l’histoire avec ses premiers contacts avec l’empire akkadien vers le XXIVème siècle ?

Oui, tout à fait. Les plus vieux textes en akkadien ou paléo-babylonien ou paléo-assyrien –c’est la même chose – datent de 2700 avant notre ère. Les traces les plus anciennes d’une écriture c’est dans le pays de Sumer. Ce sont les Sumériens qui ne sont ni des sémites ni des indo-européens qui inventent l’écriture. En sumérien, vous avez beaucoup de mots qui sont constitués par une ou deux syllabes. Par exemple, a en sumérien c’est l’eau. Les plus anciens témoignages écrits sont des dessins, les ancêtres du cunéiforme. On dessine un arbre, une tête, une main. Progressivement les dessins deviennent des traits arrondis, à cause du support ! Par exemple, la main en sumérien se dit su. Au départ, ils gravent dans la pierre le schéma d’une main mais, quand grâce à un génie, ils vont passer aux tablettes d’argile pour envoyer les messages, on arrive vraiment à l’écriture symbolique. Les premières tablettes d’argile à Sumer datent de 3000 avant notre ère.

Parlez-nous un peu de l’Assyrie …

Il y a des colonies marchandes d’Assyriens qui sillonnent ces pays avec leurs caravanes et ces marchands ont certainement eu une importance dans l’adoption de l’assyrien ou akkadien ou babylonien, c’est la même chose, comme langue internationale. C’était la langue des affaires … il y a l’invention de l’Etat par l’Assyrie aussi …

Quelle est l’organisation politique des Hittites ?

Ce sont plusieurs petits royaumes. On est focalisé sur la capitale Hattusa mais il y a d’autres villes importantes comme Tarse, TarϦuntašša, Arinna, par exemple.

Et le royaume de Mitanni ?

C’est un royaume hourrite. Il est important vers le XIVème siècle avant notre ère. À la tête de l’état, il y a une présence indo-européenne certaine mais il y a un manque de documentation sur la langue indo-européenne y parlée. Il y a encore certainement des fouilles à faire là-bas, comme dans toute l’Anatolie. Ici je dirige pour l’Université de Louvain la recherche de la ville de TarϦuntašša - ce qui veut dire les terrains du dieu TarϦunt - qui était la capitale du royaume louvite du même nom. Ce royaume a été tout à fait intégré au monde de l’Empire hittite. On connait cette ville par plusieurs textes. Il y a une chose très claire : un roi hittite, Muwatalli II, abandonne la capitale Hattusa et il se retire à TarϦuntašša et y établit la cour hittite. On sait que c’est au bord de la mer méditerranée, que c’est dans le sud et que c’est une ville importante. On ne l’a toujours pas retrouvée cette ville de TarϦuntašša !

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Le roi Muwatalli II

 

Qui fait de la recherche sur l’Anatolie antique en Belgique ?

Il y a mon successeur Jan Tavernier qui a été mon étudiant et qui a fait ses études essentiellement à Leuven et qui donne cours ici à Louvain la Neuve en français ; un de mes assistants, Etienne Van Quickelberghe qui termine sa thèse de doctorat et une de mes filles, Charlotte qui a fait l’archéologie de l’antiquité et ensuite qui a fait l’orientalisme et elle est docteur en orientalisme spécialisée sur les textes hittites. C’est important aussi pour faire évoluer la question de la civilisation étrusque ! Qui sont les étrusques ? On ne sait toujours pas. On a ici un des grands patrons de l’étruscologie, Marco Cavalieri.

L’étrusque ce n’est pas une langue sémitique, ce n’est pas dérivé de l’hourrite. Les Étrusques arrivent en « Italie »   vers le IXème siècle avant notre ère. 

Pour revenir sur TarϦuntašša, théoriquement, on devrait y retourner très prochainement…

Y-a-t-il une bonne collaboration avec les autorités turques ?

Non, Erdogan est tout à fait imprévisible. On est une équipe franco-belge d’une dizaine de chercheurs et on ne sait pas ce qui peut nous arriver !

Vous avez écrit sur le cycle de Kumarbi ; pouvez-vous expliquer de quoi il s’agit ?

Kumarbi c’est en fait une divinité hourrite. Elle est liée à l’origine du monde et le rôle qu’y joue cette divinité n’est pas clair et les textes ne sont pas encore suffisamment maitrisés que pour pouvoir définir sa personnalité. Ces récits ont pour protagoniste principal le dieu de l’Orage Teshub. Quelle que soit la région dans laquelle on se trouve, le dieu de l’orage a la première place dans les textes religieux, place partagée parfois avec la déesse mère … qui elle est là depuis le néolithique. Ce dieu de l’orage a presque la première place chez les Étrusques, chez les Romains, chez les Scandinaves, chez les Celtes … voyez la place de Zeus dans le monde grec … YHWH c’est quelque part aussi un dieu de l’orage qui se manifeste avec le tonnerre.

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Teshub, dieu de l’orage

 

Que peut-on dire de la religion des Hittites ?

C’est une religion assez pratique, tolérante mais beaucoup de choses restent encore à être illuminées par la publication des textes des rituels. Comme je vous disais, il reste un millier de textes à publier dont certains avec 500 ou 600 lignes donc il y a encore de la matière ! (Le professeur Lebrun sort alors de sa mallette des fac-simile de tablettes d’argile en hittite découvertes en 1927 mais pas encore publiées…). On peut voir que les origines du christianisme ont hérité d’éléments provenant d’Asie mineure dans leurs rites ! On peut dire que le rite de la consécration existait déjà en Anatolie antique. On trouve des descriptions de processions également. La religion est très présente chez les hittites mais elle a, comme chez les Romains, un côté pratique. Nous travaillons aussi, à la demande de la faculté de droit (de l’UCL), sur les origines de la laïcité et d’un « droit laïc. » Chez les Hittites, le droit est évolutif donc nous avons plusieurs couches de textes juridiques dont, par exemple, dans la version du XIIIème siècle avant notre ère, la suppression de la peine de mort ! Certaines sanctions ne sont pas transformées en peine de prison mais monnayées. C’est un droit pratique, évolutif car le droit hittite n’est pas dicté par une divinité contrairement, par exemple, au droit babylonien ou à ce que l’on rencontre chez les Sémites. Le droit hittite a le souci principal que le coupable assume la réparation de son acte et s’investisse dans cela ; c’est très moderne ! Autre chose, l’égalité hommes/femmes est une réalité. Là aussi on est loin des sémites. Cette égalité par contre, dans un autre contexte, pouvait se retrouver en Égypte. Et ceci est très documenté chez les Hittites. La reine hittite partage entièrement le pouvoir avec son mari. C’est le couple royal qui préside les cérémonies. Et si le roi doit partir, c’est la reine qui, depuis la capitale, dirige. Et beaucoup de reines sont d’origine hourrite. Une des plus célèbres, Puduhepa, épouse de Hattusili III, est une femme à propos de laquelle on a une documentation fantastique ; on est au milieu du XIIIème.

Et la fin de l’empire hittite ?

C’est vers 1190 av. notre ère. Peut-être sous l’influence de révolutions internes ? Le hittite disparait alors et le louvite se maintient et sera fécond …

Certains chercheurs aujourd’hui remettent en cause l’existence d’une langue et d’un peuple originels indo-européens. Qu’en pensez-vous ?

On a bien reconstitué une langue indo-européenne initiale mais il y a des incertitudes. Ces populations indo-européennes viennent probablement du côté du nord de l’Inde. Ce n’est pas la théorie principale et je n’en suis pas convaincu. Ces gens dans leurs migrations rencontrent des populations locales et cela va donner quelques bouleversements…

Peut-on dire que l’UCL est toujours une université catholique ?

Oui, grosso modo, oui. Mais cela a quand même beaucoup changé. Je dirais, quand j’étais étudiant dans l’université catholique de Louvain, toujours à Leuven à l’époque, même si c’était un laïc qui donnait cours, il y avait « spiritus sancti gratia illuminet sensus et corda nostra » ou parfois le prêtre récitait un Ave Maria et toujours en latin d’ailleurs et aujourd’hui tout cela a évidemment disparu. En l’espace de dix ans, il y a eu une laïcisation de l’université. Regardez les recteurs. Après Mgr Massaux, c’était fini même au niveau des pro-recteurs ou vice-recteurs c’est complètement laïc. Mais officiellement cela reste catholique. Il y a toujours la messe du Saint Esprit à la rentrée académique mais là aussi cela a perdu un peu de sa grandeur. Il y a un recul mais il reste toujours une connotation catholique.

Et que pensez-vous de l’état de l’Église en Belgique ?

C’est dramatique. Écoutez, pour faire simple, je m’occupe un peu de l’une ou l’autre fabrique d’église. La famille Lebrun est originaire de la région de Bierges depuis Bonaparte donc on connaît et mon grand-père était président de la fabrique d’église ; il était parrain de la grande cloche etc. etc.  Donc on est un peu attaché sentimentalement à Bierges ; alors il y a telle autre église à Rosières, où j’habite… Mais que constate-t-on ? Si on passe le dimanche matin à 10h devant l’église de Bierges eh bien elle est fermée ! Pourquoi ? parce qu’il n’y a quasi plus personne. C’est un prêtre africain comme à Rosière, comme partout et parfois ils sont là pour une petite période, le temps de finir une thèse et puis ils retournent. Regardez aussi le nombre d’églises qui sont à vendre. Alors parfois ces braves africains ils font ce qu’ils peuvent mais c’est parfois aussi le mauvais goût. Pour entendre du chant grégorien ou de la belle musique, il faut se déplacer. À Liège, vous avez Jean-Pierre Delville qui est un ami ; c’est un défenseur du grégorien. Avant d’être nommé évêque à Liège, il célébrait deux fois par mois à Bruxelles, dans la chapelle du Sacré Cœur de Lindthout la messe selon le rite ancien en latin et là il y avait quelques étudiants et professeurs de Louvain …

Et les évêques, ils font bien leur boulot ?

Delville certainement. Concernant les autres, je les connais très peu mais je suis tout de même un peu sceptique.  Évidemment la situation n’est pas simple. Et faire revenir les gens dans les églises, ce n’est pas gagné !

Et l’Église universelle et le pape François ?

Peut-être que dans l’avenir la situation va s’améliorer mais au départ de pays qui vont nous surprendre ; ça peut être un pays d’Afrique ou d’Asie ; ça peut être le Nicaragua … où il y aurait un sursaut. Comme historien des religions - et je ne suis pas un lefèbriste ni une grenouille de bénitier – d’un point de vue scientifique, l’utilisation d’une langue liturgique est très importante… le hatti, par exemple. Je ne dis pas qu’il faut que toute la messe soit en latin mais, à force de tout mettre en français, on perd le sens du sacré. Cela est valable pour les ornements aussi. Il y a une « protestantisation » de l’église avec le pape François. Il m’est arrivé quelques fois de rencontrer son prédécesseur, Benoit XVI, un grand défenseur du latin. Moi, je trouve que c’était le pape idéal mais je peux comprendre que certains n’appréciaient pas son côté « prof d’unif ». Pourtant les défis sont tellement énormes que l’on a besoin de gens réfléchis. Souvenons-nous aussi que le christianisme a mis le temps avant de se structurer : il a fallu attendre le 4ème siècle ! Je reviens sur les textes religieux hittites à publier : on y verra des influences sur le christianisme primitif ! Pour moi, le culte de la Vierge Marie commence avec force en Asie mineure dans les grands sanctuaires où il prend la place de la déesse Artémis, notamment à Éphèse …

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Le pape Benoit XVI se recueillant dans la « maison de la Vierge Marie » à Éphèse

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