Turbulences et silences vaticans (20/11/2018)

D'Edward Pentin sur le National Catholic Register en traduction sur le site "Benoît et moi" :

Un Vatican silencieux dans un temps de crise

Edward Pentin récapitule tous les récents silences du Pape, et de son entourage, à propos des crises qui secouent l'Eglise et des inquiètudes légitimes des fidèles. (19/11/2018) 

UN VATICAN SILENCIEUX DANS UN TEMPS DE CRISE

Le Saint-Siège est devenu de plus en plus muet face aux critiques fréquentes - une approche qui a un effet néfaste sur le Vatican, le pontificat et l'Église.

Qu'il s'agisse de la crise des abus sexuels, du récent accord historique du Saint-Siège avec la Chine ou des accusations soulevées dans les témoignages de l'Archevêque Carlo Maria Viganò, le Vatican est souvent soumis à un tir de barrage de questions importantes de la part des fidèles désireux d'obtenir des explications et réponses officielles convaincantes.

Mais en ce moment, la réponse du Vatican à ces demandes est en général obscure ou, plus communément, le silence.

Quand la Congrégation pour les évêques a émis sa directive non publiée à l'intention des évêques américains réunis à Baltimore cette semaine, leur demandant de ne pas voter sur deux propositions concernant le traitement des abus sexuels du clergé, le Register a contacté six dicastères du Vatican, dont le Bureau de presse du Saint-Siège, pour connaître les motifs de leur décision.

Aucun n'a répondu, à l'exception du cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, qui a fait une brève déclaration d'une phrase, que la plupart des gens ont estimé ne pas éclaircir de façon satisfaisante les raisons de cette décision.

Cette tendance à ignorer les questions des médias s'est accrue ces dernières années. Les questions ne sont pas non plus triviales, concernant souvent la survie même d'un groupe particulier de fidèles, ou plus important encore, le bien-être de leur âme éternelle.

Lorsqu'une controverse éclate sur une question doctrinale, par exemple, le Vatican omet souvent de réaffirmer l'enseignement de l'Église ou de réfuter la substance des revendications. Un exemple a eu lieu en mars de cette année, lorsque des rapports ont fait état d'une interview donnée par le Pape à l'athée Eugenio Scalfari. François aurait nié l'existence de l'enfer et l'histoire s'est répandue rapidement dans le monde entier, mais le Vatican a répondu tardivement, et par une déclaration vague qui n'a pas réussi à réaffirmer l'enseignement de l'Église face à cette affirmation.

Malgré le - ou certains disent à cause du - récent accord entre le Saint-Siège et la Chine, les autorités chinoises auraient fait subir un lavage de cerveau à quatre prêtres pour qu'ils rejoignent l'église officielle, et pour la cinquième fois en deux ans, l'évêque Shao Zhuyin de Wenzhou a été arrêté. Mais cette semaine, les demandes de commentaires ou de réactions du Vatican sont restées sans réponse jusqu'à présent.

Le silence n'est pas toujours d'or

Quelques exemples d'autres requêtes qui sont restées sans réponse incluent une demande de clarification officielle des objectifs du Pape pour le synode panamazonien de l'année prochaine, en particulier en ce qui concerne le célibat clérical; pourquoi le Pape a continué à accorder des interviews à Scalfari, malgré les récits peu fiables de ces interviews par l'homme de 94 ans; pourquoi le document final du récent synode des jeunes contenait très peu de choses sur la morale de l'Eglise; et s'il y a des développements concernant l'enquête du Vatican sur l'Archevêque Theodore McCarrick.

Ce silence s'étend également au-delà des questions concernant les fidèles et concerne le bien-être du Pape lui-même. Quand l'Archevêque Viganò, lors de son premier témoignage, a demandé à François de démissionner le Vatican est resté silencieux, ne défendant pas le Pape face à une charge aussi forte et n'offrant aucune réaction (la réponse du cardinal Ouellet n'est parue que deux mois plus tard, et c'était en réponse au défi de l'Archevêque Viganò, lors de son deuxième témoignage).

Le Pape a lui-même répondu aux affirmations de l'archevêque Viganò lorsqu'il a demandé aux journalistes d'enquêter sur la véracité des accusations de l'ex-nonce apostolique - efforts qui naturellement impliquaient la coopération du Vatican - mais le Saint-Siège n'a ni fait de commentaires ni coopéré.

Au moins cinq raisons possibles expliquent les silences du Vatican et les réponses inadéquates aux médias: il souhaite ignorer les questions controversées sachant que, dans le cycle rapide des nouvelles d'aujourd'hui, elles sont rapidement oubliées; il est incapable de fournir une réponse parce que les fonctionnaires vaticans ne sont pas au courant des raisons qui ont motivé les mesures prises; il ne veut pas être transparent car cela exposerait un programme caché; le Vatican n'est pas en mesure ou ne veut défendre l'injustifiable; ou simplement il ne peut fournir de réponses opportunes et concrètes aux nouvelles controversées provenant du Vatican. (Un truisme romain est de ne jamais sous-estimer au Vatican tout ce qu'on peut mettre sur le compte de l'incompétence).

Quelle qu'en soit la véritable raison, et c'est peut-être un mélange de tout ce qui précède, le silence et le manque de réponses adéquates aux médias sur de nombreuses questions cruciales ne peuvent qu'avoir un effet néfaste sur le Vatican, le pontificat et l'Église dans son ensemble.

C'est une vérité des communications sociales que si une institution n'intervient pas pour apporter une réponse officielle véridique et convaincante à une question pertinente, en particulier pendant une crise, alors d'autres viendront combler le vide - et ce sont généralement ceux qui crient le plus fort, et ne sont pas toujours suffisamment informés, qui seront entendus.

Il n'est donc pas surprenant que certains au Vatican se perçoivent comme fréquemment attaqués et souvent critiqués. En l'absence d'un récit officiel et digne de confiance, les fidèles ne peuvent être blâmés s'ils commencent à croire qu'il n'y en a pas, et que la situation est peut-être aussi mauvaise qu'elle le paraît.

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