Quand se joue une véritable guerre de succession dans les médias du Vatican (02/01/2019)

téléchargement.jpgUn article de Giuseppe Nardi en traduction française sur le site "Benoît et moi" :

GUERRE DE SUCCESSION DANS LES MÉDIAS DU VATICAN

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Le surprenant changement à la tête de l'Osservatore Romano se confirme comme le premier "acte officiel" du vaticaniste de la maison papale, Andrea Tornielli dans son nouveau poste au Dicastère des Communications. Mais le Cardinal Secrétaire d'Etat n'aurait pas été mis au courant et en serait "très irrité".

LES GAGNANTS

Selon le quotidien La Verità, l'ancien rédacteur en chef du quotidien du Pape, Giovanni Maria Vian, a été licencié par l'intervention conjointe du P. Antonio Spadaro SJ, rédacteur en chef de la revue jésuite romaine La Civiltà Cattolica, et Andrea Tornielli, le vaticaniste 'maison' du Pape François. Tous deux font partie du cercle le plus proche de l'entourage du Pape.

Tornielli avait été appelé au Saint-Siège par François le 18 décembre. Depuis lors, il dirige l'ensemble des médias du Vatican en tant qu'éditeur doté de pouvoirs centraux d'alignement et de coordination.

D'une part, la nomination de Tornielli représente une étape cruciale dans la réforme des médias du pape François. Le journaliste italien avait un accès privilégié à François. Désormais, il exerce directement sa fonction d'alignement et de contrôle. Les médias du Vatican sont ainsi à la disposition de François directement, et en étroite collaboration avec Sainte Marthe.

Toutefois, l'intervention déclenchée au sein de la cour papale suscite aussi "quelques grincements de dents". La Secrétairerie d'Etat et le Secrétaire d'Etat lui-même n'ont manifestement pas été informés du licenciement. Le cardinal Pietro Parolin en a été "très irrité".

La nomination de Tornielli est considérée par les médias comme un "réglement de compte" au sein du cercle intime très proche mais hétérogène du pape François. Les vainqueurs de la lutte pour le pouvoir sont Tornielli et Spadaro. Le jésuite est considéré comme le conseiller le plus influent du Pape dans ce domaine. En 2017, un accord a été signé avec l'Ordre des Jésuites pour sécuriser son influence sur les médias du Vatican.

LES PERDANTS

Le perdant est avant tout Giovanni Maria Vian. Il a depuis été remplacé par Andrea Monda. Monda est proche de Spadaro. Il est le président, Spadaro le fondateur du projet culturel romain au titre énigmatique de Bomba carta (bombe de papier).

Mais parmi les perdants, il y a aussi la Secrétairerie d'État du Vatican, qui a été dépassé par les événements. La veille de l'éviction de Vian, le Cardinal Secrétaire Parolin n'en savait "absolument rien". Le pape François ne l'avait ni impliqué dans le processus de décision, ni informé à l'avance, bien que la Secrétairerie d'État ait eu par le passé une influence non négligeable sur le journal du Vatican et sur le Bureau de presse du Vatican.

Selon des sources vaticanes, le travail de Vian en tant que directeur de l'OR sous François n'avait jamais été contesté. L'historien et philologue était déjà en fonction sous le pape Benoît XVI. Sous François, il a même ouvert les pages de l'OR à des voix et des positions hétérodoxes, féministes et hérétiques.

Le quotidien La Verità voit à l'œuvre des "méthodes peu orthodoxes" qui s'inscrivent dans une "lutte de pouvoir interne entre plusieurs coqs dans un même poulailler".

Pour autant que l'on puisse reconstruire les faits, le Pape François voulait certainement remplacer Vian, afin de renforcer l'Osservatore Romano, vieux de plus de 170 ans, en tant que média interne chargé du soutien direct de la ligne papale. Toutefois, l'impulsion décisive est venue de Spadaro et de Tornielli.

S'il n'avait tenu qu'à François, c'est Spadaro qui aurait dû prendre le poste de directeur [de l'OR], mais cela a été refusé. Toutefois sur sa recommandation, c'est un proche de lui, Andrea Monda, qui a été choisi.

LA LUTTE DE POUVOIR INTERNE POUR L'INFLUENCE ET LA PROXIMITÉ AVEC LE PAPE

Plus de quatre ans après le début de la réforme des médias en 2014, l'opération semble terminée. Le pape François n'a pas non plus été découragé par des revers inattendus et indésirables, comme le renversement tragicomique de son premier responsable des communications, Dario Edoardo Viganò. Au début de l'année, il avait manipulé une lettre du Pape Benoît XVI pour offrir au Pape François un cadeau particulièrement flatteur pour les 5 ans de son pontificat. D'où la chute de Viganò - à ne pas confondre avec l'ancien nonce aux États-Unis. Le pape François l'a immédiatement repris et créé pour lui une nouvelle charge ad personam dans le même dicastère de communication.

Il n'y a pas seulement une lutte acharnée dans l'Église catholique entre les milieux fidèles et ceux modernistes, mais aussi une lutte massive au sein de l'entourage très hétérogène du pape François. Tornielli et Spadaro semblent avoir pris le contrôle de l'ensemble des médias du Vatican. La méthode utilisée pour pousser le dernier rival hors du terrain n'est pas approuvée par tous les hommes de confiance du pape. Du moins pas par ceux dont l'influence a été réduite. Le Cardinal Secrétaire d'Etat Parolin appartient aux médias. Le nouveau pouvoir que Tornielli a entre ses mains a également affaibli la position du service de presse du Vatican et du porte-parole du Vatican, Greg Burke.

Tornielli n'était jusqu'à présent qu'un porte-parole informel du pape. Aujourd'hui, il assume officiellement cette fonction. Ce ne sera pas sans conséquences dans l'activisme de Tornielli. Francis a pris Paolo Ruffini comme successeur de Viganò après avoir dû accepter la démission de Viganò avec plus de réticence que de volonté. Ruffini, cependant, est davantage un bouche-trou. L'influence réelle ne lui est pas attribuée. Reste à voir le rôle que Dario Edoardo Viganò jouera à l'avenir dans les médias. Au moins, il ne pourra pas tenir tête à Tornielli.

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