Véganisme, antispécisme... Quelle est la place de l'animal dans la Création ? (04/01/2019)

Du site "Le Rouge & le Noir" :

[Véganisme] La place de l’animal dans la Création : l’« antispécisme » en question

Giotto, Saint François d’Assise prêchant aux oiseaux

La place que nous donnons aux animaux dans nos sociétés dépend directement de la vision que nous avons de nous-mêmes en tant qu’hommes, ainsi que de notre rôle dans la Création. Pour cette raison, notre réflexion se divisera en deux temps : nous aurons d’abord à cœur de réfuter l’idéologie « antispéciste » sur son propre terrain, sans référence religieuse, avant de proposer une réponse qui soit à la fois philosophique et authentiquement chrétienne.

Avant toute chose, une précision nous paraît nécessaire : personne ne nie plus que l’élevage intensif, c’est-à-dire la plupart des élevages industriels qui se sont développés depuis les Trente glorieuses, et qui concernent principalement les volailles, les porcs et les bovins, soient un désastre sur plusieurs plans. La mécanisation et l’automatisation à outrance ont détruit le lien entre animal et éleveur. Pour des raisons de rentabilité, le traitement de l’animal, ainsi que son mode d’abattage, sont souvent indignes. Sur le plan écologique, ce type d’élevage engendre des déforestations, une forte émission de gaz à effet de serre, la pollution de l’eau et des nappes phréatiques, et une consommation d’eau excessive. Cependant, l’on peut militer pour la dignité de ces animaux, défendre une vision plus respectueuse (et plus traditionnelle) de l’élevage, sans pour autant prôner l’idéologie nouvelle de « l’antispécisme », que nous allons nous attacher à réfuter. Autre précision préalable : nous distinguons clairement l’antispécisme du végétarisme ou du véganisme, qui sont des choix personnels de vie et dont les régimes alimentaires peuvent être profitables. Certains modes d’alimentation religieux, issus notamment de la discipline monastique, s’en rapprochent beaucoup, et il est demandé à tout chrétien de s’abstenir de viande au moment du Carême et autres jours de jeûne [1]. Mais défendre, comme un corollaire, l’antispécisme comme la solution unique à la maltraitance des animaux est aussi faux qu’excessif.

Les paradoxes (et les erreurs) de l’antispécisme

Qu’est-ce que le spécisme ?

Par analogie avec le racisme, le sexisme, et tous les « -ismes » discriminatoires, le spécisme (du latin species, « espèce ») est la pensée selon laquelle la vie, les intérêts ou la souffrance des animaux comptent moins que ceux des hommes simplement parce qu’ils sont d’une autre espèce. C’est une discrimination arbitraire liée, non pas à l’ethnie, la religion ou le sexe, mais à l’espèce. Le « spécisme » est une notion forgée par l’Anglais Richard Ryder en 1970, popularisée par le philosophe australien Peter Singer dans son livre La Libération animale (1975), mais qui n’a connu une large diffusion qu’à partir des années 2010. Comme l’antiracisme entend lutter contre la haine des hommes entre eux en raison de la couleur de peau ou de l’appartenance ethnique, l’antispécisme veut lutter contre la différence posée comme évidente entre les hommes et les autres animaux et, corollaire, arrêter l’exploitation de la souffrance animale au profit des hommes (pour leur consommation notamment). À une époque d’inflation des droits et de dénonciation systématique des inégalités, l’antispécisme veut porter le combat de la justice sociale jusqu’au bout de sa logique : abolition des différences de « race », de sexe, puis d’espèce. Il faudrait ainsi faire reconnaître les intérêts, besoins et aspirations de chaque espèce, et cesser de considérer les animaux comme des « êtres sensibles » relevant du régime des biens, selon ce que prévoit le Code civil.

L’homme : seul animal moral, seule espèce antispéciste

L’écosystème animal est régi par la loi du plus fort (prédateur / proie), et seuls les animaux domestiques et fermiers peuvent survivre sans défense, « protégés » qu’ils sont par l’homme qui les élève. S’ils ne sont plus élevés par les hommes, ils retournent à l’état sauvage et, rentrant à nouveau dans ce système de loi du plus fort, ils sont, pour la plupart, condamnés à une disparition rapide. Là réside tout le paradoxe antispéciste : l’homme est la seule espèce capable de fonder une morale. Les autres animaux ne pensent pas en termes de bien ou de mal, parce que l’idée même de libre-arbitre leur est étrangère [2]. La question du comportement éthique ne se pose que pour les hommes [3]. Un animal prédateur ne prend jamais en pitié la proie qu’il dévore (y compris lorsqu’il s’agit d’un homme), et ne se demande pas davantage si sa chasse est une action bonne ou mauvaise : elle relève de l’instinct le plus naturel, comme la proie fuit instinctivement devant le danger qui la guette. Il n’y a que l’homme pour raisonner et s’interroger sur le bien-fondé moral de son action. Dès lors, il faut se rendre à l’évidence : l’idée d’antispécisme est spécifiquement humaine et, en conséquence, profondément anthropo-centrée. Tous les autres animaux, sans exception, se pensent comme espèces et sont donc spécistes par nature [4]. Une espèce ne se mange pas entre elle et ne se reproduit qu’entre elle (c’est d’ailleurs le cœur de la définition d’espèce), preuve assez évidente d’une conscience universellement répandue de l’espèce, mais que les antispécistes refusent pour eux-mêmes [5].

L’antispécisme est donc en réalité le comble du spécisme. L’homme projette sur les animaux ses propres représentations, et anthropomorphise le règne animal. Les animaux ne sont, par définition, pas dans le même système de droits et de devoirs définis par les sociétés humaines pour la pérennité de leur espèce : il sera toujours interdit juridiquement pour un homme d’en tuer un autre, quand un animal aura toujours le droit d’en manger un autre. En refusant la différence de droit et de nature entre animaux et humains, l’antispécisme refuse aux animaux leur spécificité et même leur mystère. Né et répandu dans des milieux citadins, fort éloignés des campagnes et de la réalité de la nature, l’antispécisme veut imposer aux animaux une vision du monde qui ne peut pas être la leur.

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