Alors que la sécularisation se poursuit, l'identité catholique se renforce (06/01/2019)

De William Bourton sur le site du journal Le Soir :

La sécularisation se poursuit, l’identité catholique augmente

Selon le rapport annuel de l’Église, la pratique religieuse continue à chuter. Mais une majorité de la population (ré)affirme son « identité catholique », note la chercheuse Caroline Sägesser.

Les chiffres montrent que la baisse se poursuit tant dans la pratique régulière – la pratique dominicale – que dans la pratique des sacrements.

la fin de l’année dernière, l’Église catholique belge a, pour la première fois, publié un rapport annuel. Élaboré à la demande de la Conférence épiscopale, ce document offre une foule de données chiffrées (arrêtées à 2016) sur la pratique du rite romain dans notre pays – des renseignements devenus largement inaccessibles depuis la fin de la publication de l’Annuaire catholique de Belgique, en 2006.

Quelles sont les grandes tendances ? Nous avons posé la question à l’historienne et spécialiste des cultes Caroline Sägesser, qui a analysé et commenté le document pour le compte du Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques), où elle est chercheuse.

Le processus de sécularisation se poursuit-il en Belgique ?

Oui. Les chiffres montrent que la baisse se poursuit tant dans la pratique régulière – la pratique dominicale – que dans la pratique des sacrements. Au niveau des baptêmes, on voit ainsi que la proportion de nouveaux-nés baptisés en Belgique a diminué de moitié ces quarante dernières années. Sur la même période, au niveau des mariages, on est passé de trois quarts des couples qui se mariaient à l’église à un peu plus de 17 %, soit moins d’un sur cinq. Ce sont des chiffres très parlants, même si on peut noter un ralentissement du rythme de la baisse de la pratique religieuse. On tend donc peut-être vers l’atteinte d’une sorte de pallier. 

Les églises sont vides…

L’Église catholique a trop de pierres et pas assez de bras. Il y a toujours encore énormément d’églises, notamment parce que notre principe de financement public des cultes, inchangé depuis l’origine du pays, impose aux communes de les financer. Il n’y a donc pas de pression financière pour désacraliser les églises, pour renoncer à un certain nombre d’édifices, alors qu’il n’y a plus assez de prêtres pour les animer et plus assez de fidèles pour les remplir. À mon avis, il n’y a pas nécessairement de mauvaise volonté de la part de l’Église : la réaffectation des édifices du culte est compliquée. Une commune n’a pas besoin de plusieurs salles de concerts ou de plusieurs bibliothèques ; quant à l’aménagement de logements, il s’avère extrêmement coûteux. Et puis on voit aussi que parfois, les gens se montrent très attachés à une église au moment où on souhaite la désacraliser et la réaffecter.

Qu’en est-il de l’évolution des funérailles religieuses ?

De façon très surprenante, c’est le chiffre qui manque dans ce rapport annuel ! J’avais des chiffres qui dataient de 2007 et qui montraient que c’est le pourcentage des funérailles religieuses qui tend à baisser le plus lentement. Cela peut tenir du pari de Pascal : on prend une « assurance de dernière minute ». Mais il y a aussi le facteur démographique : on sait que les croyants pratiquants sont aujourd’hui plus nombreux dans la couche la plus âgée de la population, qui est forcément celle qui a le plus de risques de mourir.

Malgré les chiffres en berne de la pratique religieuse, l’affirmation identitaire demeure forte…

On ne constate effectivement pas de baisse concomitante de l’identité catholique. Le nombre de gens qui se déclarent « catholiques » (52,8 %) est relativement stable ; il y aurait même une hausse de cette affirmation identitaire si on prend en compte les chiffres du sondage Orela/Ipsos/Le Soir/RTBF de 2016. On suppose, même si des investigations complémentaires sont nécessaires, que c’est à mettre en lien avec la visibilité assez forte, notamment médiatique, de l’islam. Il y aurait une partie significative de la population qui n’est plus catholique pratiquante, qui n’est même sans doute plus croyante, mais qui désire réaffirmer une identité catholique, ou chrétienne, face à l’affirmation d’autres identités dans l’espace public.

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Se dire de culture « judéo-chrétienne » n’implique plus nécessairement de croire en Dieu et à la vie éternelle ?

Absolument. Pendant longtemps, on a cru qu’il y avait en quelque sorte une gradation dans la foi : on était croyant et pratiquant, puis on arrêtait de pratiquer mais bien souvent on se disait encore croyant ou du moins on se disait que le message de l’Évangile était encore pertinent. On se rend compte maintenant que c’est beaucoup plus complexe. Ainsi, il y a des gens qui sont pratiquants tout en se disant non croyants, parce qu’ils sont attachés à une communauté de fidèles, à la fréquentation d’un lieu, d’une liturgie, que sais-je ?… La façon de croire s’est beaucoup complexifiée ces dernières années.

On constate aussi que les « piliers » catholiques restent bien implantés.

La survivance du « pilier catholique », en dépit de la sécularisation, est un des éléments qui m’avait frappé à la découverte de rapport. On nous parle ainsi des mouvements de jeunesse, mais aussi du nombre d’étudiants inscrits à la KULeuven ou à l’UCL… L’Église semble continuer à considérer toute une série d’institutions comme étant proches d’elle – même si personne n’affirmerait que tous ceux qui fréquentent ces mouvements de jeunesse ou ces universités sont catholiques.

Les autres cultes sont-ils également en perte de vitesse en Belgique ?

Je pense que la modernité entraîne une forme de sécularisation dans toutes les confessions, mais à des rythmes très différents. Sont principalement touchés, les cultes qui sont installés de longue date : l’Église catholique, le protestantisme dans sa branche luthérienne et le judaïsme, du moins à Bruxelles. Mais en revanche, l’islam et le protestantisme évangélique sont des cultes beaucoup plus dynamiques – bien qu’il y ait quand même une forme de sécularisation, même si le rythme est beaucoup plus lent et si elle est mal documentée.

Caroline Sägesser

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