Instituer un célibat optionnel des prêtres ? "Non, je ne le ferai pas" répond le pape (03/02/2019)

D'Aline Lizotte sur Smart Reading Press :

LE «NON» FERME DU PAPE FRANÇOIS AU CÉLIBAT OPTIONNEL DU PRÊTRE

«Est-il possible de penser que, dans l’Église catholique, en suivant le rite oriental, vous permettrez à des hommes mariés de devenir prêtres ?», a demandé une journaliste au pape François dans l’avion de retour des JMJ ? La réponse donnée par le pape ouvre à une réflexion sur le sens profond du célibat sacerdotal et de l’amour auquel le prêtre est appelé.

Dans l’avion de retour des JMJ de Panama, le pape François a prononcé des paroles très claires : «Deuxièmement, je ne suis pas d’accord pour permettre le célibat optionnel. Non. Seulement, permettre quelques possibilités pour des endroits très éloignés – je pense aux îles du Pacifique. Mais c’est une chose à penser quand il y a une nécessité pastorale. Là, le pasteur doit penser aux fidèles. C’est une chose en discussion entre les théologiens, ce n’est pas ma décision. Ma décision, c’est que le célibat optionnel avant le diaconat : non. C’est mon opinion personnelle. Mais je ne le ferai pas, que cela reste clair. Je peux peut-être sembler fermé là-dessus mais je ne me sens pas paraître devant Dieu avec cette décision».

UN CHOIX FERME DE L’ÉGLISE LATINE

Pour l’Église catholique de rite latin (et non pas pour le rite maronite) et pour toute l’Église orthodoxe, le célibat du prêtre, sans faire l’objet d’un vœu, est la règle imposée. Lorsqu’il entre au séminaire, le jeune séminariste sait qu’on ne lui demandera pas, avant qu’il ne soit ordonné diacre, de choisir une vie de prêtre marié ou une vie de prêtre célibataire. Cela est devenu un choix ferme de l’Église latine, qui ne marie pas ses prêtres, bien qu’elle puisse, dans des cas très particuliers, ordonner des hommes mariés.

Il y a une très grande différence entre introduire une option du célibat et ordonner des hommes mariés.

Il y a une très grande différence entre introduire une option du célibat et ordonner des hommes mariés. L’option du célibat revient à instaurer un clergé de prêtres mariés auquel, selon la tradition de toutes les Églises, on ferme l’accession à l’épiscopat. On constitue ainsi un clergé à deux niveaux.

 

Permettre l’ordination d’hommes mariés afin d’assurer dans des Églises en situation de précarité le minimum d’une vie sacramentelle – le munus sanctificandi, c’est-à-dire la possibilité de donner à la communauté des fidèles l’Eucharistie, la Réconciliation et l’Onction des malades – répond à une situation d’urgence sans instituer un nouvel état de vie pour le prêtre. L’état de vie demeure le célibat, et on n’en institue pas un autre. Dans le choix optionnel, on instaure un nouvel état de vie pour le prêtre, celui du mariage. C’est à ce choix que le pape Francois, fidèle à toute la tradition de l’Église latine, refuse fermement d’ouvrir la porte.

«MARIER LES PRÊTRES» : UNE HISTOIRE ANCIENNE

La pression sociale pour «marier les prêtres» n’est pas une nouveauté. Chaque fois que l’Église s’est trouvée en état de crise dans son clergé, des voix se sont élevées pour demander la fin du célibat obligatoire. Aux Xe et au XIe siècles, face au nicolaïsme – l’existence d’un clergé concubinaire – on prônait le mariage des prêtres. Il a fallu l’énergique réforme de l’Église accomplie par Grégoire VII et préparée par ses prédécesseurs Nicolas II et Alexandre II pour sortir l’Église de cet état.

Aujourd’hui, devant les scandales sexuels qui secouent nos sociétés – instabilité du mariage, hypersexualité, homosexualité, pédophilie – on prône le mariage des prêtres. Comme si le mariage était la porte ouverte à toutes les déviations sexuelles et ne comportait pas, dans sa nature, une véritable orientation à la chasteté conjugale. Le prêtre qui serait marié n’en resterait pas moins un être humain à qui serait demandée une vraie maîtrise de lui-même, comme à tout laïc qui emprunte cette voie. Ni l’un ni l’autre ne sont, en raison de leur état de vie, dispensés de la pratique d’une vertu qui s’appelle la chasteté.

LE CÉLIBAT DU PRÊTRE ET LA CHASTETÉ

L’état social déclaré du prêtre est celui de célibataire. Cela n’est qu’une définition négative. Ne pas être marié n’est pas un état de vie, c’est une condition subie ou acceptée. Il y a des célibataires hommes qui ne sont pas des prêtres et qui doivent trouver, comme les célibataires femmes, un sens profond à leur vie, sans lequel ils errent dans un état «psychologiquement et sociologiquement indéfini».

Le célibat du prêtre n’est pas de cette nature. Il est inconcevable et impraticable sans l’entrée dans une vie profondément marquée par la chasteté. Mais la chasteté n’est pas un «ne pas être». Elle est une vertu qui s’acquiert et qui dispose la personne à vivre intensément et plus parfaitement l’état de vie qu’elle choisit ou qu’elle accepte. Elle est la condition intérieure du «vivre avec», du «vivre pour», du «vivre en». Elle marque d’un sceau indissoluble le désir d’un amour de don, le purifiant progressivement d’un amour de possession.

Chaque homme, qui se trouve face aux exigences de la sexualité humaine, se trouve dans son état de vie face aux exigences de la chasteté.

Bien qu’elle soit différente, la chasteté est aussi nécessaire à l’homme marié époux d’une seule femme qu’au prêtre, et aussi indispensable à l’homme non marié qu’au prêtre. Chaque homme, qui se trouve face aux exigences de la sexualité humaine, se trouve dans son état de vie face aux exigences de la chasteté. Aucun «être humain» n’est dispensé d’être un être sexuel propre à son «genre». L’homme, même prêtre, ne peut pas nier la femme, et la femme ne peut pas nier l’homme masculin. Il faut cependant se garder de faire de la sexualité de la personne l’inéluctable joug de la «concupiscence de la chair» à laquelle la pratique contrainte de la «vertu de chasteté» viendra tordre le coup et procurer à son possesseur le «bouclier» protecteur qui l’éloignerait magiquement de toutes déviations.

DIEU NE CRÉE RIEN QUI SOIT STÉRILE

La sexualité humaine est une richesse profonde de la personne ; elle est l’orientation radicale et première de sa participation à la Création. Elle est pénétrée de la puissance la plus inouïe que Dieu ait donné à sa créature humaine : la capacité du don de la vie. «Croissez et multipliez-vous», dit la Genèse (Gn 2, 25). Elle est la force de l’amour humain le plus total et le plus plénier. Donner la vie est ce qu’il y a de plus grand au monde, encore plus grand que «donner sa vie». Donner la vie a quelque chose de «divin», disaient les grands philosophes grecs. En contrepartie, être stérile est probablement la plus grande misère.

Dieu ne crée rien qui soit stérile. Il crée des êtres faits pour être, librement et par amour, des donneurs de vie et, par la complémentarité qu’implique charnellement la sexualité, être des donneurs dans une «unité» d’amour qui dépasse la limite du corps individué de la personne. Cependant, sans la chasteté, cette force de l’amour qu’est la sexualité atteint vite sa limite et s’autodétruit dans la recherche abyssale de la dénaturation du plaisir. La joie de l’amour passe du signe de la perfection du don à celui de la possession de la personne, la tournant vers la satisfaction de son ego solitaire et la conduisant à la stérilité contre nature.

LA CHASTETÉ SACERDOTALE, PARTICIPATION À L’ŒUVRE DE LA RÉDEMPTION

La chasteté du prêtre n’en fait pas un eunuque selon la nature ou selon le vouloir des hommes. Elle ne détruit pas sa masculinité. Bien au contraire, le prêtre reste un homme masculin et doit s’en réjouir et développer les propriétés de son être masculin. La chasteté du prêtre n’en fait pas un impuissant, ni un obsédé des règles de la pureté. Elle ne lui enlève pas la force de l’amour. Elle lui donne un «vivre autrement», dans un «vivre pour» et un «vivre en». Elle le rend plus pleinement homme et plus profondément père. Elle en fait le donneur de la vie, d’une autre vie.

Si la chasteté des époux leur permet, en tant qu’êtres humains, une participation radicale et première à l’œuvre de la Création, la chasteté sacerdotale du prêtre est une participation radicale et première à l’œuvre de la Rédemption. La Rédemption n’est pas uniquement la réparation infinie de l’offense faite à Dieu par la faute de l’homme ; elle est un exhaussement de la participation de l’homme à l’œuvre de sagesse et de gloire de la Trinité. L’être humain n’est plus seulement le dernier degré de perfection dans l’ordre naturel de la création des personnes ; il peut devenir, dans l’ordre de la grâce, bien au-dessus des anges. Car aucun ange n’a sa propre espèce unie à la divinité du Fils. «Ne savez-vous pas que nous jugerons les anges?» (1 Co 6, 3), nous dit saint Paul.

Le prêtre aime par la force de l’amour Rédempteur ; l’époux et l’épouse aiment par la force de l’amour Créateur.

Cette participation à l’humanité du Christ élevée au-dessus même des anges est le fruit de la Rédemption. Elle exige ce que le Christ incarne, un amour de don qui atteint l’universalité de l’Univers. C’est à cette participation qu’est convié le prêtre dans son union au mystère de l’Église, dont il est l’un des ministres et à laquelle il a donné sa vie. Principe de don en tant qu’homme, appelé à un plus grand amour en tant que ministre du Seigneur de vie, convié à «vive autrement», c’est-à-dire à offrir les richesses de sa masculinité pour servir un amour plus universel ; il est appelé à vivre pour l’Église, qu’il doit aimer d’un amour plus fort que l’époux charnel aime sa propre épouse, aimait rappeler saint Jean-Paul II. Il est appelé à vivre en Christ, qui est sa vraie force, son secours, son paradigme. Il doit aimer le Père, duquel il tire sa vraie paternité, et dont il doit dire le Verbe dans l’âme de ceux qui lui sont confiés.

Cet amour auquel le prêtre est appelé, il ne le trouvera jamais dans les bras d’une femme. Ce n’est pas parce que l’amour de l’homme et de la femme est moins beau, moins noble, moins pur, plus charnel, que celui du prêtre. Tout simplement, parce qu’il est autre. Le prêtre aime par la force de l’amour Rédempteur ; l’époux et l’épouse aiment par la force de l’amour Créateur. La Rédemption n’efface pas la Création, ni la Création la Rédemption. Le prêtre doit à l’amour créateur d’être ce qu’il est dans sa personne ; les époux doivent à l’amour rédempteur la sainteté du mystère des noces du Christ, qui se donne à l’Église comme l’Époux à l’épouse. L’amour créateur donne vie ; l’amour rédempteur conduit à la plénitude de Dieu dans le Christ, qui appelle le prêtre à quitter ses filets pour le suivre !

Merci au pape François, d’avoir dit ce : «Non, je ne le ferai pas».

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