Notre-Dame de Paris : l'Eglise monte la garde (15/06/2019)

De Hugues Lefèvre sur le site de Famille Chrétienne :

Reconstruction de Notre-Dame : comment l’Église monte la garde

MAGAZINE – Le diocèse de Paris ne veut pas être évincé des réflexions sur la future rénovation de la cathédrale. Deux mois après le drame, il fait le nécessaire pour y parvenir.

Une loi contestée

Dès le 24 avril, un texte pour la restauration de la cathédrale était présenté à l’Assemblée nationale.
• Au Sénat, le texte a été retoqué, les élus fustigeant le principe d’une loi d’exception rédigée dans la précipitation.
• Le 4 juin,la commission mixte paritaire n’est pas parvenue à élaborer un texte commun aux deux chambres. La loi ne devrait pas être adoptée avant fin juillet.

« J’ai été bouleversé par ce que vous venez de nous dire. » Scène inattendue sous les ors du Sénat où Pierre Ouzoulias, sénateur communiste des Hauts-de-Seine et archéologue, n’y est pas allé par quatre chemins pour saluer l’intervention du dominicain et historien Yves Combeau. Le prêtre venait alors de prendre la parole lors d’une table ronde sur les apports des sciences et des technologies à la restauration de Notre-Dame de Paris. Son propos d’historien et d’homme d’Église a fait mouche. L’élu communiste, précisant qu’il est athée, a confessé être d’accord avec le dominicain : la reconstruction de Notre-Dame ne sera réussie que si une réelle attention est accordée aux dimensions cultuelle et spirituelle de l’édifice.

De belles paroles ? La présence à cette audition du Père Combeau, ancien élève de l’École nationale des chartes, n’est pas qu’une simple question d’affichage. Elle est le fruit d’une volonté, notamment de Cédric Villani, le député La République en marche, à l’initiative de la table ronde. « Il a insisté pour qu’un ecclésiastique soit présent », confirme Olivier de Châlus, ingénieur en bâtiment et historien, qui a aidé à l’organisation de cette rencontre. Lui connaît parfaitement Notre-Dame de Paris : il réalise actuellement sa thèse sur l’organisation de son chantier médiéval et était responsable des guides de la cathédrale au moment du drame. « Cédric Villani ne croit pas en Dieu, mais il a conscience de l’importance de ne pas exclure l’Église de l’immense réflexion qui s’ouvre. »

« L’Église a bien joué »

Alors que certains s’inquiètent que l’Église puisse être écartée du chantier du siècle par pur laïcisme, elle est pour l’instant considérée et écoutée. Elle parvient à se faire entendre en étant aux bons endroits, aux bons moments, avec les bonnes personnes, comme au Sénat. « L’Église a bien joué », confirme une source du ministère de la Culture qui explique qu’en n’entrant pas directement dans le débat sur la loi sur la rénovation de la cathédrale et sur la création d’un établissement public associé, elle a fait preuve d’intelligence. « Mgr Aupetit est un pragmatique. Sur la question du futur établissement public, il ne s’est pas posé la question de savoir si c’était l’instance la plus pertinente ou pas. Ce qui lui importait, c’était que l’Église y soit associée en tant qu’affectataire des lieux. C’est ce qu’il a obtenu », raconte ce bon connaisseur du dossier. « En revanche, poursuit-il, s’il est une institution qui a été mise sur la touche, c’est bien le ministère de la Culture avec le vote de cette loi stupide et la création de cet établissement dont personne n’avait besoin ! »

Mgr Michel Aupetit sait se faire entendre. Durant tout le Triduum pascal, il n’avait cessé de rappeler la vocation de la cathédrale : un édifice construit pour un « Corps voilé sous l’apparence d’une miette de pain ». Et comme les paroles volent et que les écrits restent, on raconte qu’il a envoyé une lettre à Emmanuel Macron dans laquelle il insistait sur la nécessité d’intégrer le diocèse dans le projet de loi relatif à la rénovation de Notre-Dame. De son côté, Mgr Patrick Chauvet, le recteur de la cathédrale, nous a confié entretenir « de bonnes relations » avec Emmanuel Macron, et aussi avec Jean-Louis Georgelin, le général désigné pour superviser les travaux, ainsi qu’avec les architectes des monuments historiques et les services de la Direction régionale des affaires culturelles (Drac). « J’ai toujours travaillé avec eux en communion et nous serons vigilants à ce que cela continue. »

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Mais la voix de l’Église sera-t-elle encore entendue lorsqu’il faudra arbitrer les décisions importantes, comme celle de la reconstruction de la flèche ? Sur cette question d’ailleurs, rien n’est officiel-le-ment arrêté. Philippe Villeneuve, l’architecte en chef, ou bien Anne Hidalgo, la maire de Paris, ont plaidé pour une reconstruction à l’identique, alors que le chef de l’État s’est prononcé pour une « reconstruction inventive ».

Un sanctuaire marial prochainement sur le parvis

« Pour l’instant, on ne peut pas dire que l’Église soit écartée de quoi que ce soit, puisque rien n’a encore vraiment commencé », souligne André Finot, responsable de la communication de la cathédrale. « Nous sommes encore dans la phase de sauvetage du bâtiment » (voir encadré).

Les robots de Notre-Dame

Deux mois après le sinistre, toutes les attentions portent encore sur la sécurisation du site. « Nous espérons que ce travail soit terminé d’ici trois à quatre mois », confie André Finot, responsable de la communication de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Le risque d’éboulement, toujours présent, oblige les équipes à recourir à des robots pour extraire les pierres, le bois et les éléments métalliques de la nef, du chœur et des transepts. « Deux nouveaux parapluies doivent être placés au-dessus de la nef et du chœur pour remplacer ceux posés en urgence. Il faut aussi créer des cintres de bois pour alléger la force opérée par les arcs-boutants », détaille-t-il. Reste enfin la délicate question du démontage de l’échafaudage initialement monté pour la restauration de la flèche.

Deux mois après l’incendie, on observe que les requêtes de l’Église aboutissent. « Mgr Chauvet a poussé auprès des autorités pour qu’une messe ait lieu rapidement. Il a eu l’autorisation », raconte André Finot. Ainsi, à l’occasion de la fête de la dédicace de l’autel de la cathédrale, le week-end des 15 et 16 juin, sera célébrée la première messe dans Notre-Dame. « Même en tout petit comité, c’est très important de pouvoir signifier au monde que le rôle de la cathédrale est bien de montrer la gloire de Dieu », explique Mgr Chauvet. Autre victoire : l’installation prochaine d’un sanctuaire marial sur le parvis de Notre-Dame. « Tout est prêt, mais il faut d’abord que le parvis soit complètement déplombé », précise le recteur. À défaut de pouvoir installer une « cathédrale éphémère », un chapiteau abritera une copie de la Vierge au pilier que les pèlerins pourront contempler et prier. Un prêtre sera présent.

Sur son parvis, au milieu des engins de chantiers et des échafaudages, l’Église monte la garde.

Hugues Lefèvre

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