Les catholiques italiens divisés face aux références religieuses de Salvini (20/08/2019)

De Bénédicte Lutaud sur le site du Figaro :

Les références religieuses de Salvini divisent les catholiques italiens

Les références religieuses de Salvini divisent les catholiques italiens

Le 5 août dernier, jour du vote d’un nouveau décret anti-immigration, le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini a remercié «la Bienheureuse Vierge Marie». Visiblement agacées, plusieurs personnalités catholiques du pays lui ont répondu.

«Le Décret Sécurité, plus de pouvoirs aux forces de l’ordre, plus de contrôles aux frontières, plus d’hommes pour arrêter les mafieux et camorristes, est désormais une loi. Je vous remercie vous, les Italiens et la Bienheureuse Vierge Marie». C’est avec ce tweet que le ministre italien de l’Intérieur Matteo Salvini s’est félicité du vote de confiance au gouvernement accordé par les sénateurs, donnant force de loi à son deuxième décret sécurité.

Matteo Salvini
@matteosalvinimi

Il Decreto Sicurezza, più poteri alle Forze dell’Ordine, più controlli ai confini, più uomini per arrestare mafiosi e camorristi, è Legge. Ringrazio Voi, gli italiani e la Beata Vergine Maria.

Ce nouveau décret très controversé en Italie, porté par le chef de la Ligue (extrême droite), autorise les interceptions préventives des embarcations humanitaires, fixe désormais à 1 million d’euros l’amende maximale dont sont passibles les navires entrant dans les eaux italiennes sans autorisation et prévoit jusqu’à dix ans de prison en cas de résistance. Une revanche pour Matteo Salvini, après l’invalidation par une juge italienne, en juin dernier, de l’arrestation de Carola Rackete, capitaine du Sea Watch 3.

Juste après le vote au Sénat, Matteo Salvini paradait déjà devant un parterre de micros et de caméras: «C’est une belle journée, et cela me plaît qu’elle tombe le 5 août, car pour qui est allé à Medjugorje (un site marial controversé en Bosnie, NDLR), cela représente l’anniversaire de la Vierge Marie, et je suis convaincu que c’est un beau cadeau à l’Italie». Dans la soirée, Salvini récidive sur Twitter en publiant une image - un brin kitsch - de la Madone légendée ainsi: «5 août, c’est le jour où est née la Très sainte Marie. Bon anniversaire maman, protège-nous!». Commentaire du ministre: «Douce nuit, les Amis», agrémentés d’un émoticone «cœur».

Matteo Salvini
@matteosalvinimi

Serena Notte, Amici ❤️

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Antonio Spadaro
@antoniospadaro

Sicurezza bis, il Direttore di Civiltà Cattolica: 'Resistenza' | http://ANSA.it  http://www.ansa.it/sito/notizie/politica/2019/08/06/decreto-sicurezza-bis_add3ec2e-b59d-4b2d-b550-918d2526f22b.html 

Sicurezza bis, il Direttore di Civiltà Cattolica: 'Resistenza' - Politica

Il direttore della rivista dei Gesuiti posta una foto della Madonna su un gommone in mezzo al mare che prega. Il giornale dei vescovi parla di 'accostamenti sconcertanti' riferendosi alle parole di...

ansa.it
Antonio Spadaro
@antoniospadaro

Questo è tempo di umana civile e religiosa.

Antonio Spadaro
@antoniospadaro

“L’immagine del ci stimola a vedere nel della misericordia un appiglio per dare forza alla pratica della fede, per consolidare atteggiamenti virtuosi, sapienti, ispirati al Vangelo”  

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Ce 8 août, le théologien récidive avec une nouvelle représentation de la Vierge Marie en protectrice des naufragés, légendée d’un commentaire acerbe: «Nous vivons un temps sans histoire et sans mémoire. La vraie Tradition de l’Église, pour certains, est vue comme subversive. L’Évangile aujourd’hui resplendit dans sa force limpide et nous aide à récupérer l’humanité (et la civilisation catholique)».

Antonio Spadaro
@antoniospadaro

Viviamo in tempo senza storia e senza memoria. La vera della Chiesa da alcuni è ritenuta . Il oggi risplende nella sua forza limpida e ci aiuta a recuperare umanità (e civiltà cattolica). Persino la Madonna che !

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Le père Spadaro n’est pas la seule figure catholique à protester contre la prétendue dévotion mariale du vice-premier ministre italien. Le 5 août, jour du vote du décret sécurité Bis, le président de la Conférence des évêques italiens, le cardinal Gualtiero Bassetti, donnait une interview dans les colonnes de L’Osservatore Romano (quotidien officiel du Saint-Siège): «Aujourd’hui plus que jamais, les catholiques doivent avoir “une foi droite et une espérance certaine”, comme disait saint François, sans faire la queue derrière les joueurs de flûte - magiciens. Les faux prophètes, il y en a toujours eu et il y en aura toujours. (...) Les symboles religieux ne valent que dans le contexte d’une foi vécue, sinon, ils ne sont qu’une ostentation stérile».

Une référence aux nombreux gestes ostensibles, si ce n’est ostentatoires, du leader de la Ligue, de sa campagne électorale pour les législatives de mars 2018, à ses premiers mois au gouvernement: invoquer les saints patrons d’Europe ; l’invocation - déjà - à la Madone qui, disait-il, «nous mènera à la victoire» ; un baiser au crucifix et au chapelet durant la conférence de presse pour commenter, à chaud, les résultats électoraux, etc.

La communauté catholique divisée

En Italie, la communauté catholique reste très divisée vis-à-vis de la politique de la Ligue et de son leader Matteo Salvini. Une part de l’électorat de centre droit, pour qui la culture, les racines catholiques et les questions éthiques prévalent sur les questions sociales, est résolument sensible aux arguments du parti d’extrême droite. La Ligue fut, de fait, l’unique parti qui s’opposa à la loi autorisant les unions civiles (équivalent du PACS) homosexuelles en 2016. De même pour la loi sur la fin de vie en 2017. Enfin, l’électorat nationaliste et souverainiste est particulièrement réceptif à la défense des racines de l’Italie, berceau du catholicisme romain.

Matteo Salvini le sait, et il en joue. Deux semaines avant les législatives de mars 2018, en plein meeting électoral, le «Capitano» brandissait les Évangiles et la Constitution, ainsi qu’un chapelet. Un mois après son arrivée au gouvernement, le ministre de l’Intérieur faisait remplacer les mentions «géniteur 1» et «géniteur 2» par «père» et «mère» sur un document administratif permettant aux mineurs d’avoir une carte d’identité. Dans la foulée, une député de la Ligue proposait d’introduire des crucifix dans les lieux publics.

Une autre part des catholiques, toutefois, s’aligne sur l’attitude prônée par le pape François. Ce dernier ne s’est-il pas illustré, en 2013, en dédiant sa première visite hors de Rome à l’île de Lampedusa, tristement célèbre pour les naufrages de migrants au large de ses côtes, afin d’y dénoncer la «mondialisation de l’indifférence»? En juillet 2018, l’hebdomadaire catholique Famiglia Cristiana ose même cette Une: «Vade retro Salvini». Et lorsque le ministre s’obstine à maintenir à bord les 170 migrants du Diciotti, navire des garde-côtes qui les avait secourus, l’Église italienne et le Vatican interviennent et négocient un accord avec le gouvernement pour accueillir une partie des réfugiés.

Pour l’heure, la fronde d’une partie des catholiques italiens ne semble pas perturber l’homme fort du gouvernement. Le 7 août, face à la protestation publique de l’évêque de Lucca (Toscane) contre son décret, Salvini raille sur Twitter: «À l’évêque de Lucca, publicitaire du Parti Démocrate contre le décret Sécurité bis... Les dizaines de messages de soutien que je reçois chaque jour de femmes et d’hommes d’Église me réconfortent, attention à ce qu’il se passe dans la réalité».

Matteo Salvini
@matteosalvinimi

Il vescovo di Lucca testimonial del PD contro il Decreto Sicurezza Bis...
Mi confortano le decine di messaggi di sostegno che ricevo ogni giorno da donne e uomini di Chiesa, attenti a quello che succede nella realtà.

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