Peut-on accepter que le Parlement légifère sur une question aussi grave que l’avortement en l’absence d’un gouvernement?  (20/10/2019)

De Christophe HERINCKX sur cathobel.be :

Permettre l’avortement jusqu’à la naissance

Mardi dernier, le Parti Ecolo a lancé un appel aux autres partis politiques à constituer une majorité pour assouplir encore davantage les conditions d’accès à l’avortement. Etant donné la configuration politique du nouveau , il est fort probable qu’une telle majorité puisse se constituer. Or, peut-on accepter que le Parlement légifère sur une question aussi grave que l’avortement en l’absence d’un gouvernement? 

C’est pourtant ce qui est en train de se passer dans les coulisses : en effet, même Si le gouvernement fédéral belge est en affaires courantes, et a donc un pouvoir d’action limité, le Parlement peut quant à lui exercer pleinement ses prérogatives, et peut dès lors adopter toutes les  pour lesquelles une majorité s’est dessinée. Ces propositions, une fois adoptées par la Chambre, seraient dès lors tout à fait valables.

C’est dans ce contexte que différents partis politiques veulent « faire passer » des lois assouplissant les possibilités de recours à l’avortement ou à l’, loin des projecteurs, de l’attention médiatique, et donc en dehors de tout débat public. ce qui, dans le cadre de notre démocratie, qui se veut de plus en plus participative, pose de graves questions. En particulier lorsque des questions aussi graves que le début et la fin de la vie humaines sont concernées.

Si Ecolo a lancé cet appel c’est que plusieurs propositions de loi ont d’ores et déjà été déposées au cours de l’été, émanant de différents partis politiques.

Une libéralisation totale

Quelles sont ces nouvelles propositions de loi ? Trois propositions de loi ont été déposées pour modifier la loi relative à l’avortement, et 3 autres propositions de loi pour modifier la loi relative à l’euthanasie. Pour la plupart d’entre eux, ces textes seront discutés à partir de mardi prochain, 22 octobre, au sein de la Commission de la Justice et de la Commission de la Santé.

En résumé, les propositions sont les suivantes. Le Parti socialiste (PS) propose de supprimer toute sanction pénale au non-respect des conditions pour avorter, d’ augmenter le délai de 12 à 18 semainespour l’avortement sans motif thérapeutique, de supprimer la mention obligatoire des aides matérielles et psychologiques, et de la possibilité d’adoption – informations que reçoit normalement toute femme qui demande de pouvoir avorter. Enfin, le PS veut raccourcir le délai de réflexion avant un avortement de 6 jours à 48h.

De son côté, le parti DéFi reprend ces différents points, en y ajoutant trois autres : permettre l’avortement jusqu’à la naissance si la « situation psycho-sociale de la mère constitue un obstacle sérieux à la poursuite de la grossesse« , ou s’il y a un « risque » que l’enfant à naître sera atteint d’une affection grave et incurable. Par ailleurs, en cas d’objection de conscience du médecin, celui-ci doit s’assurer qu’il renvoie la patiente vers une médecin qui pratique l’avortement. Enfin, DéFi veut inscrire l’avortement comme un soin de santé et interdire que des établissements de soins refusent la pratique de l’avortement en leur sein.

Enfin, le PTB-PVDA a également déposé une proposition de loi visant à 1) supprimer toute sanction pénale au non-respect des conditions pour avorter, 2) augmenter le délai de 12 à 20 semaines pour l’avortement sans motif thérapeutique, 4) supprimer le délai de réflexion obligatoire avant un avortement, 5) permettre l’avortement jusqu’à la naissance si la « situation psycho-sociale de la mère constitue un obstacle sérieux à la poursuite de la grossesse », ou s’il y a un « risque » que l’enfant à naître sera atteint d’une affection grave et incurable, 6) en cas d’objection de conscience du médecin, s’assurer qu’il renvoie la patiente vers une médecin qui pratique l’avortement, et 7) inscrire l’avortement comme un soin de santé et interdire que des établissements de soins refusent la pratique de l’avortement en leur sein.

Bref, il s’agit ni plus ni moins d’une libéralisation totale de l’avortement.

Concernant l’euthanasie, plusieurs propositions de loi ont également été déposées: le PS veut s’assurer que le médecin qui refuse d’accéder à une demande d’euthanasie fasse part de son refus au patient dans les 7 jours suivant la demande, et transmette le dossier médical du patient dans les 4 jours suivant la mention de son refus, à un autre médecin qui pratiquera l’euthanasie du patient. Le PS veut enfin interdire aux hôpitaux et autres établissements de soins de refuser que l’euthanasie soit pratiquée en leur sein. Quant au groupe Ecolo-Groen, il veut rendre la déclaration anticipée d’euthanasie valide sans limite de durée.

Une négation d’humanité

Ces différentes propositions de lois, émises par des partis aussi différents que le PS, DéFi, PTB-PVDA, Ecolo-Groen, nous posent question, en particulier en ce qui concerne l’avortement. On l’a dit et redit souvent, et il est nécessaire de le répéter encore: une grossesse non désirée peut s’avérer un drame pour la femme, ou la jeune fille qui vit cette situation. La détresse peut être réelle,  parfois indicible, et la femme concernée ne peut alors échapper à un choix difficile, déchirant, à un choix entre deux biens ou deux maux, à un conflit de valeurs essentielles.

Dans de telles situations, même le principe qui consiste à choisir le moindre mal ne permet pas toujours de sortir du dilemme qui se présente. Le législateur peut, lui aussi, être confronté à ce type de dilemmes. Tout comme, à un autre niveau, les Eglises ou d’autres communautés philosophiques.

Or, ce qui se passe actuellement au niveau des décideurs politiques, c’est que certaines valeurs humaines essentielles sont purement et simplement niées. En l’occurrence, sans doute pour épargner aux femmes un sentiment de culpabilité insupportable, c’est le caractère humain, l’humanité qui est purement et simplement nié. On peut comprendre que la reconnaissance du caractère pleinement humain d’un ovule fécondé, d’un embryon… humain puisse est être problématique. Il s’agit d’une question philosophique, qui peut et doit faire l’objet de débats, qui doit impliquer toutes les communautés convictionnelles.

Dans le cas présent, on assiste cependant, ces trente dernières années, en Belgique et ailleurs, à une négation pure et simple de cette question. Avec aujourd’hui une conséquence presqu’inévitable: on peut désormais envisager d’avorter jusqu’à la naissance. Qui pourra cependant affirmer, sans l’ombre d’un doute, que la veille de sa naissance, un foetus, est bel et bien un être humain?

Si on ne re-prend conscience de la gravité de la problématique qui est ici en jeu, une étape ultérieure sera, tôt ou tard, la suivante: autoriser l’euthanasie d’un nouveau-né, sur simple décision de la mère – la détresse, quelle qu’elle soit, n’étant d’ailleurs déjà plus, dans la législation belge actuelle, une condition nécessaire pour pratiquer un avortement.

On pense évacuer le problème, le conflit, mais au risque d’une régression de l’humanité. Certains conflits de conscience ne peuvent malheureusement pas être évités. Vouloir l’éviter ne pourra que faire resurgir,  tôt ou tard, avec encore plus d’acuité, le sentiment de culpabilité qui peut surgir lorsqu’on fait le choix d’avorter, quelle qu’en soit la raison. Tenter d’étouffer une réalité ne fait qu’aggraver le malaise, qui peut devenir insupportable. Ln ne peut nier impunément la conscience, purement et simplement.

Le droit des femmes de ne pas se voir imposer un mode de vie, un mariage, une grossesse, est une valeur essentielle dans notre société. Le corps de la femme – ou, peut-être plus exactement, qu’est la femme – n’appartient pas à une tierce personne. Mais peut-on nier pour autant que le corps qui se développe en elle n’est pas elle, et ne lui appartient donc pas purement et simplement?

Si l’Eglise apparaît parfois intransigeante sur de telles questions éthiques, elle a le rare mérite, aujourd’hui, de chercher le bien de l’enfant à naître, mais également d’accueillir la détresse des femmes qui ont avorté. Car la guérison est toujours possible. Au-delà de la culpabilité.

Christophe HERINCKX, avec IEB

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