L’étonnant regain de popularité d'une divinité inca vénérée au Vatican (20/11/2019)

De Mikael Corre sur le site du journal La Croix :

L’étonnant regain de popularité de la Pachamama, divinité inca

La déesse de la fertilité a une personnalité ambigüe, à la fois généreuse et fertile, mais aussi vindicative lorsqu’elle ne reçoit pas son dû.

le 19/11/2019 à 15:01

L’étonnant regain de popularité de la Pachamama, divinité inca

Déesse amérindienne, la Pachamama symbolise la terre-mère.ELENA - STOCK.ADOBE.COM

Rapportées d’Amérique du Sud pour le récent Synode sur l’Amazonie au Vatican, trois statuettes de femmes enceintes, trois pachamamas, du nom de cette déesse amérindienne symbolisant la terre-mère, ont été volées dans une chapelle où elles avaient été exposées. Elles ont ensuite été jetées dans le Tibre par des catholiques traditionalistes, accusant l’Église de s’adonner à un culte païen…

Qui est cette fameuse Pachamama ? Une déesse de la fertilité venue tout droit du panthéon inca, cette civilisation précolombienne née au XIIIe siècle au Pérou. Comme la plupart des divinités andines, la Pachamama a une personnalité ambiguë, à la fois généreuse et fertile, mais aussi vindicative lorsqu’elle « ne reçoit pas son dû », comme l’explique l’anthropologue Céline Geffroy Komadina, qui rappelle que « la relation qui s’établit entre elle et les hommes se trouve dans un équilibre si précaire que des manquements au protocole peuvent entraîner des représailles de cette divinité ». On est loin de la figure exclusivement bienveillante, et un peu mielleuse, de la Pachamama telle qu’on la présente souvent aujourd’hui.

L’intérêt pour cette divinité un peu délaissée après la conquête espagnole au XVIe siècle connaît en effet un étonnant regain. Dans les Andes, son culte est ainsi devenu l’une des références principales des mouvements indigènes, indissociable du combat de défense de la terre, des langues et des cultures. L’opposition historique à des intérêts industriels, souvent américains, explique qu’elle soit également devenue une référence de l’écologie politique. En témoigne la Déclaration universelle des droits de la Terre-Mère, formulée en 2010 par les peuples amérindiens lors de la Conférence mondiale des peuples contre le changement climatique.

En Occident, la Pachamama a dans le même temps été popularisée par le développement du chamanisme dans les mouvements de développement personnel et par toute une littérature new age amalgamant à l’excès les cultes de différents panthéons, amérindiens ou grecs (Gaïa) par exemple. Le best-seller du développement personnel dans les années 1990, Les Quatre Accords toltèques, en est un exemple. Le culte rendu aujourd’hui à la Pachamama comprend ainsi une part de « réinvention de la tradition », mais traduit néanmoins pour de nombreux Amérindiens un rapport sincère à la terre.

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