RDCongo: la Cenco à Bruxelles pour demander une enquête internationale sur « la main invisible » (22/01/2020)

Lu sur le site web de la Libre Afrique:

"Le président de la Conférence des évêques catholiques du Congo (Cenco), Mgr Marcel Utembi [archevêque de Kisangani, autrefois aussi dénommée Stanleyville, NdB], son secrétaire général, l’abbé Donatien Nsholé, et le secrétaire exécutif de Justice et Paix, le père Clément Makiobo, sont cette semaine à Bruxelles pour « rencontrer les partenaires du Congo », « partager nos préoccupations sur la situation sécuritaire à l’est » du pays et « leur demander de continuer à nous accompagner ». La Libre Afrique.be les a rencontrés :

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« Bien qu’il y ait eu des redditions » de membres de groupes armés à l’est du Congo ces dernières semaines, « on continue à tuer et à semer la terreur » dans cette région, déplore la délégation de la Cenco. « En raison d’expériences malheureuses par le passé », expliquent-ils, « nos compatriotes pensent à un plan de balkanisation, ce qui explique la réaction peu respectueuse survenue lorsque le président Félix Tshisekedi a dit que les Banyamulenge sont des Congolais. Pourtant, il a dit vrai ».

Le président Tshisekedi a suscité des réactions hostiles pour avoir dit, le week-end dernier à Londres, devant la diaspora congolaise, que « les Banyamulenge (NDLR: Tutsis des hauts-plateaux du Sud-Kivu, à l’est de la RDC) sont des Congolais. Arrêtons de nous haïr. Ils sont restés en RDC génération après génération. C’est comme vous qui avez pris la nationalité ici (NDLR: en Grande-Bretagne). Il est anormal qu’on vous déconsidère ».

Rivalités pour la terre et occupation

Depuis les années 80, un courant d’opinion au Congo rejette l’idée que les rwandophones, à l’est du pays, sont Congolais. Ce rejet est lié à des questions de rivalité pour la terre; de variations (de droit et d’application des textes) dans la loi sur la nationalité; d’absence d’état civil permettant de distinguer rwandophones congolais et rwandais/burundais immigrés (soit avant soit après l’indépendance); de présence massive de Hutus rwandais, civils et militaires, ayant fui la défaite du régime génocidaire en 1994 pour gagner le Kivu et y commettant de terribles exactions depuis lors; d’occupation des Kivus par la nouvelle armée rwandaise, dominée par les Tutsis (1996-1998); et de manipulations politiciennes.

Ces dernières années, la question a été particulièrement exploitée par les adversaires politiques de Joseph Kabila, accusé de n’être pas congolais mais rwandais. Bien souvent, l’hostilité pour les rwandophones tourne rapidement au racisme anti-Tutsis, ces derniers étant présentés comme « nilotiques » et non « bantous », au contraire des Hutus. Ce sont les Tutsis rwandais que les Congolais préfèrent voir comme responsables des violences dans les Kivus, bien que la majorité des exactions y aient été commises par les groupes armés hutus rwandais (FDLR et autres) et par l’armée congolaise, selon les enquêtes.

Depuis la fin 2019 et la hausse des massacres attribués (une partie a, en réalité, été organisée par des officiers congolais, selon des enquêtes) au groupe armé ougandais ADF – qui a fait allégeance à l’Etat islamique – au Nord-Kivu, en représailles à l’opération de l’armée congolaise lancée contre les ADF, ce type de discours a repris de plus belle. Il attribue au Rwanda une volonté de « balkanisation » du Congo sans que rien d’autre que des rumeurs, propagées par quelques manipulateurs et de nombreuses personnes paniquées, relie soudain Kigali à ces massacres.

Une enquête internationale contre la « main invisible »

La délégation de la Cenco à Bruxelles reconnaît que le discours sur la balkanisation évoque peu de faits vérifiés. “La Cenco n’a pas fait d’enquête là-dessus. De plus, ces groupes armés n’ont pas de relais politiques avec lesquels on puisse parler afin de déterminer ce qu’ils veulent et qui ils sont exactement. C’est pourquoi nous voudrions que la communauté internationale facilite une enquête internationale et indépendante pour y voir plus clair, alors que des personnes disent être déplacées de leurs terres par des étrangers. Mgr Ambongo , archevêque de Kinshasa, « s’est fait l’écho de ce qu’il a entendu à ce sujet à Beni et Butembo (Nord-Kivu). On a l’impression qu’il y a une main invisible qui dirige tout ça”.

Dans quel but? « Nous ne le savons pas. Les pasteurs transmettent aux évêques les préoccupations de leurs fidèles. La Cenco voudrait y voir plus clair ».

La délégation juge avoir été écoutée de manière « attentive » à l’Union européenne et au parlement européen. « Nous leur avons aussi demandé de l’aide humanitaire pour les déplacés; d’appuyer le processus de désarmement et démobilisation du FRPI » en Ituri, « de soutenir toute initiative citoyenne pour l’édification de la paix par le dialogue et de donner à la Monusco (Mission de l’Onu au Congo) les moyens de sa mission alors que la tendance est de réduire ses moyens ».

 Ref. RDCongo: la Cenco à Bruxelles pour demander une enquête internationale sur « la main invisible »

Pace belgica regnante, les frontières entre le Ruanda-Urundi et le Kivu avaient un simple caractère administratif sans rapport rigoureux avec l’implantation transfrontalière des bahutu comme des batutsi dans cette même région très peuplée des grands lacs. Le développement  identitaire (surfait) entre ethnies « bantoues » et « nilotiques » depuis la fin du protectorat belge sur les deux royaumes « hamitiques » précités engendra (dès novembre 1959) des conflits mortifères qui, depuis l’octroi des indépendances, n’ont cessé de s’étendre, de s’enchevêtrer et de déstabiliser, au point dramatique que l’on sait, la vie sociale de part et d’autre des frontières poreuses de toute la région : du lac Tanganyika au lac Albert, en passant par le lac Kivu et le lac Edouard.  Sans apaisement réel jusqu’à nos jours… 

JPSC

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