L'Eglise en déclin dans une Irlande toujours plus libérale (09/02/2020)

Lu sur "le Télégramme" :

Le déclin de l’Église dans une Irlande qui se libéralise

Dans les locaux du Planning familial, à Dublin, les lourdes portes posées pour se protéger des militants anti-avortement ne sont plus nécessaires : les manifestations ont cessé. En Irlande, la très puissante Église catholique perd de son influence.

« On les avait installées parce qu’il y avait une sorte de peur », explique le directeur général de l’association, Niall Behan, dans les locaux de l’association. « Dans le passé, nos cliniques étaient envahies » par des "anti-choix". » Mais « l’atmosphère a changé ».

Selon les statistiques officielles, le pays comptait, en 1961, près de 95 % de catholiques, contre 78,3 % en 2016. Cette année-là, les personnes sans religion ont atteint près de 10 % de la population, contre un peu moins de 6 % cinq ans plus tôt.

À la suite de deux référendums, le mariage homosexuel a été autorisé en 2015, l’avortement libéralisé en 2018. L’arrivée au pouvoir, en 2017, d’un Premier ministre jeune, homosexuel et métis, Leo Varadkar, qui affronte, ce samedi, des législatives difficiles, a constitué un nouveau symbole de la libéralisation d’une Irlande réputée très conservatrice sous l’influence de l’Église.

Le Planning familial a ouvert ses portes en Irlande, il y a 50 ans, à une époque où la contraception était encore illégale. Ses cliniques ont été les premières à pratiquer des avortements après la libéralisation. Mais, selon Nial Behan, une certaine stigmatisation demeure. Pour les avortements, la loi impose un délai de trois jours entre l’accord du médecin et l’acte, qui, selon ses détracteurs, n’a pas de raison d’être.

Et 90 % des écoles primaires, 50 % des écoles secondaires sont contrôlées par l’Église catholique, loin de délivrer l’éducation sexuelle telle que le Planning familial la conçoit.

« Pour des occasions particulières »

À la messe, le dimanche, la fréquentation a « massivement diminué », selon le père Richard Gibbons, recteur de Knock Shrine, un lieu de pèlerinage dans l’ouest du pays. Baptêmes, mariages, enterrements, « les gens reviennent pour des occasions particulières », souligne-t-il.

Dans la capitale, Dublin, la fréquentation du centre d’accueil de jour des moines capucins, qui sert des repas gratuitement, n’en finit pas, elle, d’augmenter.

À leur ouverture, il y a 50 ans, les lieux accueillaient 10 à 15 personnes par jour, explique Sean Donohoe, qui co-dirige les lieux avec son fondateur, le frère Kevin Crowley. « Aujourd’hui, plus de 1 000 personnes passent les portes chaque jour », dit le Frère Sean, dans son habit de moine, « 300 pour le petit-déjeuner », « 600 à 700 pour le déjeuner ».

Porridge, corn-flakes, café, saucisses… Dans le réfectoire, des dizaines de personnes se réchauffent autour d’un petit-déjeuner réconfortant. L’ambiance est chaleureuse, on discute à chaque table. On ne demande rien aux personnes qui entrent dans ce lieu paisible.

Car pas question d’importuner les bénéficiaires avec des questions, explique frère Sean, soucieux de préserver la quiétude et le respect dû à ses hôtes. Sur un mur, s’exposent plusieurs séries de photos de visiteurs. Sur l’une d’elles, on peut voir le pape François, venu ici en août 2018.

Toujours très présente au côté des pauvres

Sa visite, au cours de laquelle il avait égrené une longue liste de « pardons » aux victimes d’abus commis par le clergé ou des institutions religieuses, avait attiré 130 000 personnes. En 1979, un million de personnes avaient assisté à la messe célébrée par Jean Paul II.

En Irlande, où la flambée des prix fait que nombreux sont ceux qui ne peuvent s’offrir un toit, la lutte contre la pauvreté a été l’un des grands thèmes de la campagne en vue des législatives de ce samedi. « Une crise majeure », souligne frère Sean, qui rêve que majorité et opposition « travaillent ensemble » pour créer des logements, quel que soit le résultat des législatives de ce samedi.

Selon lui, l’Église a été « très puissante » dans le passé car l’État, apparu après l’indépendance en 1921, était récent. « Les structures n’existaient pas et il a été demandé à l’Église d’aider dans des domaines comme l’éducation, les hôpitaux ». Si « le déclin de la pratique de la foi est énorme », poursuit-il, « c’est dans des endroits comme celui-ci que l’Église agit ».

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