Covid-19 : un rééquilibrage entre bien-être personnel et bien-être général ? (06/05/2020)

Du Frère René Stockman sur kerknet.be (un tout grand merci à MPM pour sa traduction) :

sur le bien-être personnel et général

5 MAI 2020

La pandémie du coronavirus va-t-elle bientôt créer un nouvel équilibre entre le bien-être personnel et le bien-être général, s’interroge le frère René Stockman.

Chaque crise apporte toujours des avantages mais aussi des fardeaux. Qu’est-ce que ce sera avec cette crise du corona ? Nous ne le voyons pas encore, nous pouvons essayer de deviner l’avenir et y réfléchir. Il est certainement arrivé quelque chose à l’homme qui pourrait être irréversible. S’agit-il d’un revirement pour le meilleur ou pour le pire?

Il est déjà clair que la tension entre le bien-être personnel et le bien-être général n’a jamais été ressentie comme auparavant. Nous avons été et sommes confrontés à notre vrai visage, sur lequel la peur, l’auto-préservation, voire l’égoïsme sont clairement apparus, mais en même temps nous découvrons dans notre propre comportement un désir de faire le bien, d’aider les autres.  Il y a comme un élan vers plus d’humanité. En temps de crise, de nombreux masques tombent, même lorsque nous devons mettre des masques pour nous protéger et protéger les autres. Il s’agit , en effet, toujours de nous-mêmes et des autres. Qu’est-ce qui pèse le plus avec le port de ces masques : notre désir d’auto-préservation ou notre souci de ne pas mettre en danger les autres ?

L’Individualisme contre le personnalisme

Nous ne pouvons nier qu’au cours des dernières décennies, l’équilibre s’est de plus en plus déplacé vers le bien-être individuel - ou formulé avec plus de précision - avec une diminution de la préoccupation pour les autres êtres humains. L’individualisme , dans le sillage  de la liberté individuelle,  exigeait toujours davantage d’attention et d’espace et la société semblait s’y conformer. C’était un  processus lent  , à partir de  John Locke qui a promu cette liberté individuelle à la fin du 17esiècle. Cet individualisme s’est également vu attribuer une place pertinente dans la constitution américaine. La société doit tout faire pour protéger, promouvoir et, le cas échéant, restaurer ce droit à la liberté de l’individu. Dans la doctrine sociale de l’Église, c’est légèrement différent , partant du principe du bien commun, il faut toujours s’efforcer de promouvoir la dignité humaine. Les deux partent du général, mais le particulier ,dans le monde sécularisé,  se réduit fortement à la liberté individuelle. Bien sûr, la dignité humaine est souvent atteinte par l’imposition de restrictions à cette liberté individuelle. Nous en faisons l’expérience dans les pays aux régimes totalitaires. Mais dans la dignité de l’homme, il y a plus que sa liberté individuelle.

En outre, si l’on veut se concentrer trop exclusivement sur la liberté individuelle, on risque de perdre l’attention et la préoccupation des autres êtres humains.

Tout étant  axé sur son propre bien-être, on risque d’oublier l’autre . L’autre est peut-être encore là pour contribuer à notre bien-être, mais cela s’arrête là. S’ll ne peut pas y contribuer , on le repoussera très vite. On sera orienté vers son propre bien-être et  l’autre comptant encore dans la mesure où il peut apporter une contribution positive pour accroître ce propre bien-être. Ce que je peux faire pour le bien de l’autre est secondaire et après un certain temps puis complètement ignoré. Cela deviendra une mentalité chacun pour soi. Dans l’individualisme, il n’y a plus de place pour l’autre, et nous remarquons aussi une différence entre le concept de liberté personnelle et de liberté individuelle. Parce que dans le personnalisme, l’autre est une réalité pour laquelle je me sens responsable. En tant qu’individu, je m’ouvre à l’autre et à l’ensemble de la communauté. C’est ce qui résonne dans la doctrine sociale de l’Église comme essentielle et  deux autres principes sont établis comme préalable : la solidarité et la subsidiarité.

C’est le trèfle à quatre feuilles de la doctrine sociale de l’Église : le soin de la dignité humaine est une préoccupation essentielle dans le souci du bien commun, qui se réalise à son tour à partir des principes de solidarité et de subsidiarité.

Il s’agit d’un modèle harmonieux où l’un découle de l’autre et où l’un a besoin de l’autre. La société n’est pas une réalité isolée et n’a qu’un seul objectif : contribuer au bien-être complet des citoyens, exprimée dans le respect, la promotion et le rétablissement de la dignité humaine de chaque personne. Et, bien sûr, chaque personne doit pouvoir disposer de suffisamment de liberté pour pouvoir développer et vivre dans le respect de sa dignité personnelle. Mais une liberté bien comprise doit tenir compte de la présence de l’autre avec comme mission  de coopérer à la croissance du bien-être, çad conscient de la dignité humaine de l’autre et de tous les autres.

Le Pape Paul VI l’ appelait «  avoir soin de  l’homme dans son intégralité et pour tous les hommes ».

Et nous appliquons ce principe  en étant solidaire et en respectant les règles de subsidiarité : ne pas enlever ou diminuer la responsabilité des autres, mais au contraire l’aider (le mot subsidium  signifie soutien) à grandir lui-même dans la responsabilité.

L’après corona

Mais revenons à la crise du coronavirus et l’après virus. Est-ce que l’expérience que nous avons acquise pendant ce confinement, nous aidera à remplacer l’individualisme (dont étions en train de nous éloigner) , par un personnalisme sain, prenant soin de notre propre bien-être, mais aussi du bien-être de l’autre et, en fin de compte, du bien commun? Et de telle sorte qu’il ne devrait pas y avoir de tension entre ces trois éléments , mais bien au contraire.

Nous souviendrons-nous de l’importance de l’attention portée à l’autre pour notre bien-être personnel?

Ceux qui ont été forcés de vivre séparés des membres de leur famille bien-aimée ont certainement connu cela et doivent maintenant porter et même chérir cette expérience.

Nous souviendrons-nous de l’importance de l’engagement envers les autres, qui dans la prise en charge des victimes du coronavirus, s’est quand même exprimée de façon grandiose?

Allons-nous traiter notre nature profonde avec plus de respect, maintenant que nous avons découvert un ciel plus lumineux ayant dû laisser notre voiture au garage,  que les avions restaient au sol  sur les pistes d’atterrissage et que nous aspirions à une ballade rafraîchissante dans la forêt voisine? Ou allons-nous à nouveau rêver de voyages lointains dans des endroits exotiques et oublier l’exotisme de notre propre environnement?

Resterons-nous préoccupés par le bien-être des personnes sur d’autres continents, en l’absence  de décès du au  coronavirus?

Naissait une perception du monde qui était différente de ce que nous comprenions jusqu’à présent de la mondialisation. Habituellement l’aspect économique de la mondialisation prédominait et maintenant celle-ci  recevait une interprétation complètement différente.

Et les autorités politiques continueront-elles à se concentrer sur l’homme et tout ce qui devrait promouvoir la dignité humaine, y compris dans l’économie ? Ou les intérêts mercantiles auront-ils rapidement préséance dans les agendas politiques, avec  le danger que  l’intérêt de l’homme repasse à la seconde place ? Et les mêmes autorités politiques ne se laisseront-elles pas à nouveau entrainer par les exigences d’une conception individualiste,  qui n’écoute que  l’autodétermination , la liberté et l’autonomie absolue de l’homme ?

Petit conte

Ces questions restent ouvertes et c’est seulement nous qui pouvons leur donner des réponses positives. Cela commence par les choix concrets que nous faisons. Espérons que ce sera comme les cercles concentriques à la surface de l’eau causés par un caillou. Aujourd’hui beaucoup de vidéos apparaissent, éclairant sous différents angles la crise du coronavirus . Hier j’en ai reçu une. C’est un père qui raconte à ses petits enfants, comme un  conte de fées, ce qui s’est passé en 2020 et combien cela a profondément changé le monde.

Et ils vécurent heureux, les personnes ayant appris les leçons positives de la crise .  

Ou cela restera un conte de fées ?

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