La multiplication des messes retransmises par les médias n’a pas grande valeur au ciel. (22/05/2020)

Lu sur le site « Pro Liturgia » :

messe_virtuelle-0fcf4.jpg« La pandémie que nous vivons actuellement est un événement qui pose un immense défi à l’Église.

Nous en sommes réduits à espérer que le marasme dans lequel se trouve l’Église - en partie de par sa propre faute - ne mènera pas au naufrage définitif de cette barque baptisée « communauté ecclésiale » et qu’après la sortie du confinement il ne faille constater qu’il n’y a plus le moindre souffle d’air dans les voiles de la barque de Pierre pour faire avancer l’Église.

Certains se posent déjà la question : « L’annonce de l’Évangile est et doit rester la mission fondamentale de l’Église : mais comment mener à bien cette mission face aux divers contextes de la vie actuelle ? Dans une société gouvernée par le numérique, il n’est plus possible de négliger l’apprentissage d’une bonne maîtrise de tous les médias disponibles. Il ne s’agit pas simplement de contrôler une technologie, mais d’apprendre nouveau langage théologique capable d’exprimer les recherches et les succès des hommes de notre temps. Nombreux sont ceux qui se servent aujourd’hui de réseaux sociaux comme Facebook, Instagram, Twitter ou Youtube... Au point que l’on peut se demander dans quelle mesure l’annonce de l’Évangile est encore en relation avec un lieu donné, avec une communauté ecclésiale précise. Ces médias ont leurs propres lois, et on ne saurait échapper à une étude approfondie de leur adéquation à la situation actuelle et de leurs limites. » C’est en des termes de ce genre que des diocèses invitent leurs collaborateurs-trices à participer à des “formations” en leur demander de se munir de leurs tablettes et autres téléphones portables.

Je repense avec nostalgie à une époque où prêtres et diacres avaient dans leurs bagages, pour seul soutien de formation pastorale, une Bible, un Missel et un livret de chants usuels. En tant que prêtre, je me suis souvent demandé, ces dernières semaines, si ma mission première n’était pas de célébrer les sacrements au lieu de me préoccuper des divers moyens de communiquer en streaming ou de me demander si « je passe bien » à l’écran. Et j’en suis arrivé à une première conclusion, à savoir qu’au milieu de ces nombreuses heures passées devant mon ordinateur, je devais prioritairement dégager du temps pour prier mon chapelet.

Soyons clair : si un virus mortel se répand sur le monde entier, je me dois d’adopter un comportement responsable envers moi-même et les autres. Cette attitude relève d’une application pratique de l’amour du prochain. La distanciation physique et les divers moyens de désinfections sont des mesures importantes et non des élucubrations de quelques hypocondriaques. Je ne cherche pas à faire croire que les prières à elles seules peuvent vaincre efficacement toutes les infections, toutes les pandémies.

Ces derniers temps, les médias ont débordé du matin au soir de propositions de célébrations religieuses : on a pu, d’un seul clic, passer d’une messe à une autre, d’une célébration à une autre, d’un texte de prière à un autre... Mais ces propositions ont-elles été suivies d’effet sur le plan proprement catholique ? Cela reste à établir…

De même qu’on peut se demander si, pour les chrétiens, ces moment passés plus ou moins distraitement devant les petits ou grands écrans ont apporté un réel soutien face à la crise actuelle, une réelle alternative au contact personnel et direct avec un prêtre. Il est indéniable qu’internet peut aider à trouver des réponses rapides aux questions qu’on se pose et aussi à apporter à certaines personnes des informations capitales. Mais…

Le pape François a suspendu la diffusion en direct de sa messe du matin depuis le 18 mai. Les statistiques affirment que près de deux millions de fidèles suivaient cette messe retransmise tous les jours sur divers médias et que les diffusions ont atteint en Italie une part de marché de 30%. On apprend que le pape espère qu’après la fin des diffusions de messes en direct « les fidèles catholiques retrouveront une communion confiante avec le Seigneur à travers la réception des sacrements ». Souhaitons que cela puisse être le cas !

Au début de cette pandémie, j’avais saisi au vol, avec joie, une parole du pape nous disant « d’assaillir le ciel de nos prières ». A cette occasion, je me suis souvenu d’une grand-tante religieuse qui, dans toutes les situations difficiles que rencontrait ma nombreuse famille - santé, examens et autres défis de la vie -, « assaillait » le ciel de ses prières. J’ai eu l’occasion, en tant que prêtre et prédicateur dans le couvent où elle vivait, de voir sa cellule dans laquelle se trouvait une simple table, témoin de toute sa disponibilité en terme d’intercession pour nous : elle était pleine de photos d’adultes, d’enfants, de photos de mariages et de baptêmes… Ma tante, dans le secret de son couvent, faisait office - comme on dit en souriant dans mon pays - de “dixième sacrement”, après le huitième constitué par la croix sur le front du mercredi des Cendres et le neuvième par la bénédiction de saint Blaise sur la gorge des fidèles. Ma tante était, et reste encore au-delà de sa mort, la porte-parole de nos souffrances, notre partenaire dans la prière et notre protectrice. Je suis fermement convaincu que, pour ma fratrie et leurs familles respectives, son intercession - son assaut du ciel - a été véritablement efficace et qu’elle nous a maintenu jusqu’à aujourd’hui dans une solidarité fondée sur notre foi.

Dans de nombreux sanctuaires mariaux existe aussi cette tradition qui commande aux fidèles « d’assaillir » le ciel de leurs prières d’intercession. Ces lieux ont connu, à des époques qui ne furent pas meilleures que la nôtre, les longues files d’attente devant les confessionnaux, les grandes célébrations avec les pèlerins, le moment solennel de la communion eucharistique, les Saluts du Saint Sacrement. En ce temps-là, il n’existait pas de “bénédiction on line”... Mais cela n’empêchait pas les gens de réfléchir à leur vie, de chercher, de trouver des solutions, chaque époque ayant à répondre à ses défis, chaque famille devant subvenir à ses besoins et consoler ses souffrances.

La messe du dimanche était un point de repère et l’obligation d’y participer résonnait comme un engagement à célébrer ensemble, en famille et avec les membres de notre paroisse, la Pâques hebdomadaire. C’était une pratique tellement évidente qu’elle ne nécessitait aucun rappel de la part de l’évêque du lieu. Je suis reconnaissant à mes parents de n’avoir jamais pensé à remettre cela en question. Mes parents allaient à la messe du dimanche et y emmenaient leurs enfants : ils ne se contentaient pas de les y envoyer. Et de même pour la confession avant Noël et Pâques. Bien sûr, la messe du dimanche n’était pas toujours un moment de pur bonheur et l’ennui s’y invitait parfois ; mais les prêtres de mes années d’enfance et de jeunesse étaient selon moi d’honnêtes serviteurs de l’Église et de zélés collaborateurs du Seigneur.

Depuis que je suis prêtre moi-même, je repense souvent aux impressions que m’ont laissées ceux qui avaient alors pris sur eux cette charge : mais ce dont je suis sûr, c’est qu’aucun d’entre eux n’aurait jamais dévalorisé la sainte messe. Ils m’ont, au contraire, toujours fidèlement accompagné sur mon chemin vers le sacerdoce.

Ne nous leurrons pas : il n’est un mystère pour personne que la suppression de l’obligation de participer à la messe le dimanche, décrétée par nos évêques en cette période de confinement, était déjà pratiquée dans les faits par de nombreux catholiques bien avant le coronavirus. Si, lors d’une confession, quelqu’un s’accuse auprès de moi de n’avoir pas été à la messe un dimanche, je demande toujours au pénitent si quelque chose lui a manqué ce jour-là… Le commandement du respect du dimanche est davantage une affaire de responsabilité intérieure que de conformité à un règlement. Il y a fort à parier qu’avec cette interdiction de célébrer la messe en public décrétée un peu rapidement par les évêques sans prendre le temps d’en vérifier la portée, la participation ordinaire à la messe du dimanche va continuer de baisser. Exposer publiquement sa consternation de voir les messes supprimées ne remplacera jamais un témoignage personnel de nos évêques, brûlant de foi en la force salvatrice de l’Eucharistie. Les croyants ont besoin de modèles, et attendent qu’on les guide et beaucoup ne comprennent pas pourquoi on hésite toujours encore à attirer les fidèles vers les églises et la prière.

Depuis l’apparition de la pandémie, les prescriptions de plus en plus détaillées, de plus en plus pointilleuses des évêques se suivent à un rythme soutenu : résultat, on dégoûte même ceux qui ont suivi jusqu’ici à la lettre toutes les recommandations au point d’être victimes du syndrome de confinement.

Là où des fidèles expriment leur nostalgie et leur besoin de retrouver la messe et la communion eucharistique, des théologiens et des évêques y vont de leurs commentaires plus ou moins ironiques, les accusant de faire une fixation sur l’Eucharistie. Et pourtant un chrétien peut-il se taire ? Peut-il passer sous silence que c’est le Seigneur lui-même qui nous a dit de faire en sa mémoire ce que lui-même a fait lors de la dernière cène ? Il est urgent de souligner une évidence que beaucoup sont en train d’oublier : par internet, il est impossible de recevoir le pain eucharistique et d’y goûter véritablement. Quant à nous, les prêtres, nous ne sommes pas des stars de vidéo : la multiplication des messes retransmises par les médias n’a pas grande valeur au ciel.

Abbé Christian Nilles (Source : Kathnet ; trad. MH/APL) »

Ref. La multiplication des messes retransmises par les médias n’a pas grande valeur au ciel.

L’inévitable journal « La Croix » (14.4. 2020) a  tressé des lauriers à cette virtualisation de la messe en termes délirants : « les fidèles sont fortement encouragés à suivre la messe à la radio, à la télé ou sur Internet. (…) Mais ne pourrait-on pas aller un peu plus loin ? Est-il totalement hérétique de penser qu’une messe faite en visioconférence – c’est-à-dire avec une réponse concrète de chacun via l’application choisie – puisse avoir en tout la même valeur, la même efficacité que la messe « en présentiel » ? Tout comme on a vu fleurir ces jours-ci des « apéro-Skype » où les deux invités prennent chacun chez soi mais l’un en présence de l’autre leur apéro, ne pourrait-on pas imaginer, pour ce temps contraint, des « messe-Skype » qui réuniraient ceux qui le désirent, à charge pour chacun de se procurer un peu de pain et un peu de vin qui seraient consacrés « numériquement » ? N’importe quoi…

Grâce à Dieu, en France, le Conseil d’Etat vient de siffler la fin de la récréation.

JPSC

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