Prendre soin de la génération montante n'est pas une option, c'est notre devoir (05/06/2020)

Une chronique d'Erwan Le Morhedec sur le site de l'hebdomadaire La Vie :

Tu honoreras ton père et ta mère

Réalise-t-on qu'en Espagne comme au Canada, il a fallu envoyer rien moins que l'armée dans des maisons de retraite désertées, pour y trouver des pensionnaires morts dans leurs lits et d'autres dans l'état de déchéance physique que l'on imagine, après une longue absence des soins les plus élémentaires ? À la lecture du rapport des forces armées, le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, a eu les mots convenus. Il a « eu de la tristesse » et a « été fâché ». Il faudra « améliorer » la situation. 

Le remède à cette forme de crime contre notre humanité tiendrait-il donc dans une injection de fonds ? Lui rappellera-t-on que c'est aussi sous son mandat que le Canada a adopté une loi sur l'euthanasie, sur la base de laquelle des malades et des personnes âgées se voient suggérer jusque dans leur chambre de faire preuve d'une « ultime liberté » ? Certains lèveront haut les bras devant le lien ici fait. 

Rendons grâce alors à François de Closets de l'avoir rendu explicite. En réponse à une tribune dans Le Monde appelant le gouvernement à relever « le défi de la longévité », il accuse les signataires d'être les représentants d'une « génération prédatrice » imposant encore une nouvelle charge aux plus jeunes. Aux auteurs, il reproche de n'avoir pas abordé le vrai sujet : revendiquer la « dernière liberté », « choisir sa mort ». À nos aînés et aux générations qui suivront, c'est bien l'issue qu'il propose : suicidez-vous. 

À nos aînés et aux générations qui suivront, c'est bien l'issue qu'il propose : suicidez-vous. 

Il est détestable d'attiser ainsi des conflits générationnels faciles et revanchards : prendre soin de la génération montante n'est pas une option, c'est notre devoir, parce qu'elle est une part de nous. C'est donc à une autre conversion du regard et de nos sociétés que nous invite cette période d'épidémie et de confinement. Nous devons trouver les nouvelles modalités d'intégration de nos aînés dans la société, cesser de ne voir du prix que dans la beauté, l'autonomie, la performance de la jeunesse. Les moyens financiers ne suffiront pas s'ils ne sont pas précédés de cette conversion. 

Qui peut croire en effet qu'une génération convaincue que la précédente est un poids, encline à penser que l'ultime service qu'elle puisse lui rendre serait de demander la mort – ou qu'à tout le moins, si nécessaire, elle en a le moyen – ne sera pas portée à abandonner ses père et mère ? Comment penser, rêver et investir pour « ceux qui s'accrochent » ?

11:45 | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |  Imprimer |