Les prêtres dévoyés sont parmi nous (27/07/2020)

De nos jours, les fidèles doivent faire preuve de prudence et de discernement à l'égard de ministres du culte dont la vie privée peut être très éloignée de la morale catholique et, en particulier, des exigences de la chasteté. L'article qui suit, sous la plume d'Arnaud Bédat, sur le site de l'Illustré, présente un cas particulièrement déplorable en Suisse romande mais croit-on vraiment qu'il en va différemment chez nous ? Nous ne le croyons pas et nous nous interrogeons sur la vigilance des autorités ecclésiastiques responsables, même si, bien sûr, nous restons convaincus que la plupart de nos prêtres restent dignes de notre estime et de notre attachement.

16 juillet 2020

La double vie du chanoine Alain C.

Nommé il y a quelques jours à la tête de la cathédrale de Fribourg, il avait tout du prêtre irréprochable. Mais le chanoine C. draguait aussi activement sur un site de rencontres, photos pornos à l’appui. Un nouveau scandale qui mine le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), confirmant une fois de plus la présence en son sein d’une importante communauté homosexuelle.

C’est l’histoire d’une trahison, celle d’un ecclésiastique qui n’aura pas su ni pu résister à ses pulsions sexuelles, infidèle aux vœux d’abstinence et de chasteté que sa religion lui impose. C’est aussi l’histoire d’un drame humain: celui d’un prêtre qui s’est longtemps menti à lui-même et qui aura mené une double vie fondée sur le mensonge, tenaillé par la culpabilité et la honte. Mais c’est surtout la confirmation d’un certain climat, dénoncé déjà, notamment par le journaliste français Frédéric Martel dans son livre best-seller «Sodoma», qui révélait l’existence d’une importante communauté gay dans le clergé catholique.

Après avoir dû refuser une autre candidature qui avait les faveurs de la cote – un abbé fribourgeois soupçonné d’abus sexuels, sous enquête de police –, l’évêque Charles Morerod pensait avoir enfin trouvé la perle rare pour succéder à l’abbé Paul Frochaux (démissionné de son poste pour abus sexuels sur mineurs le mois dernier) à la cathédrale Saint-Nicolas de Fribourg. Il nommait en effet il y a quelques jours le chanoine Alain C., 46 ans, ancien numéro deux du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF) dont il fut le vicaire général de 2012 à 2017, actuellement curé dans le canton de Genève, où il a été notamment chargé de la préparation de la messe du pape François à Palexpo le 21 juin 2018, apparaissant même sur l’estrade auprès du Saint-Père, auquel il avait serré la main.

Son entrée en fonction à Fribourg à ce poste envié et prestigieux était prévue pour le 1er septembre prochain – mais semble désormais impossible. Cet ecclésiastique plutôt conservateur, inscrit dans la mouvance du pape Jean Paul II – qui avait lancé naguère une croisade contre les gays en stigmatisant l’homosexualité qu’il dénonçait comme «contraire à la loi naturelle» – et de son ancien bras droit devenu son successeur sous le nom de Benoît XVI, est volontiers décrit comme rigide, souvent dans le rapport de force et assez autoritaire. Originaire de Domdidier (FR), il a suivi une formation commerciale, puis fait un apprentissage à l’Office des poursuites d’Avenches avant d’avoir la révélation de sa foi. Comme séminariste, il fut longtemps proche de la Garde suisse pontificale à Rome. Il est aussi aumônier des scouts d’Europe (AGSE), groupe d’éclaireurs et louveteaux catholiques avec lesquels il part régulièrement en camp (...).

Mais la nuit venue, ce prêtre ultra-catholique plutôt apprécié de ses paroissiens, distribuant la communion, confessant les ouailles, donnant les sacrements, changeait de peau et se drapait dans celle d’un homme à la recherche d’aventures torrides avec d’autres hommes, surfant sur des sites internet pour y trouver des partenaires occasionnels.

Il fréquentait notamment la plateforme gay très populaire PlanetRomeo, où il s’affichait encore jusqu’il y a quelques jours dans le plus simple appareil, dissimulé derrière le pseudonyme de Solinas, mais ne cachant ni son visage ni aucun détail de son intimité, échangeant aussi à l’occasion des photos avec ses amants, virtuels ou pas. Confronté à ces faits, l’abbé C. nous a fait parvenir dimanche après-midi une lettre en réponse à nos questions que nous publions pratiquement in extenso (lire également ci-dessous).

Devant l’ampleur des révélations qui se succèdent depuis des mois, le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg semble vaciller plus que jamais sur ses bases. Ces affaires en cascade jettent en tout cas le trouble dans l’esprit de nombreux paroissiens. Dans une lettre à l’évêque Charles Morerod du 29 octobre 2019, dont les médias se font alors l’écho, l’abbé Nicodème Mekongo, en poste à Peseux (NE), dénonçait des abus mais aussi un climat «homo-érotique», citant de nombreux noms d’abbés dont il révélait l’homosexualité à travers des scènes et comportements qu’il avait observés. Enfin, à la suite de notre article sur les dérives du chanoine Frochaux, des dizaines de témoignages et réactions sont parvenus à la rédaction, de tous les horizons, renforçant encore cette impression.

Ils sont nombreux à dénoncer l’hypocrisie de membres du clergé qui condamnent l’homosexualité en public, mais la pratiquent en privé. Et qui, de plus, se protègent entre eux en bannissant ceux qui ne font pas partie de la mouvance, attestant ainsi de ce cléricalisme ambiant – c’est-à-dire ici la protection des élites diocésaines, cette «véritable perversion dans l’Eglise», selon le pape François, qui n’a pas de mots assez durs pour qualifier le phénomène depuis le début de son pontificat. Pour le souverain pontife, le cléricalisme «rigide» cache le plus souvent de «graves problèmes», de «profonds déséquilibres» et des «problèmes moraux».

Ce prisme apporterait-il désormais une nouvelle clé de décodage à toute cette série d’événements récents? Met-il cruellement en lumière les effets de l’homosexualité sur la doctrine de l’Eglise et sur les dysfonctionnements dans de nombreuses paroisses en Suisse romande? L’avenir le dira peut-être. Une chose est sûre: une partie des soupçons pesant sur le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg ne sont plus seulement des soupçons. Mais aussi, désormais, des faits avérés.


«J’AI VOULU ARRÊTER, VRAIMENT. JE N’EN AI PAS EU LA FORCE»

Le chanoine livre par écrit ses explications à L'illustré. Larges extraits.

«[…] Comme beaucoup, c’est à l’adolescence que j’ai connu mes premières relations sexuelles. Elles ont cessé vers l’âge de 20 ans, bien avant que je me pose la question de devenir prêtre. Ensuite, j’ai été abstinent pendant plus de vingt ans. Ce n’est qu’après mon arrivée à Genève que je me suis inscrit sur un site de rencontre. […] Je sais, dans mon intelligence, que je ne devais pas rompre mes engagements, mais pourtant. Est-ce la crise de la quarantaine? Est-ce le contexte genevois? Je ne le sais pas. J’imagine que ce doit être un peu pareil lorsque l’on trompe son conjoint: on le fait, bien qu’on sache qu’on ne devrait pas le faire. J’ai voulu arrêter, vraiment. J’ai consulté un psychothérapeute pour m’y aider. Malheureusement, il ne m’a pas permis de trouver les réponses nécessaires. J’aurais dû chercher encore, je n’en ai pas eu la force.

»[…] ma présence sur ce site et les rencontres qui en ont découlé ne sont pas compatibles avec mon engagement. Je me suis perdu. Dans ma volonté de quitter cette situation, la nomination à Fribourg est arrivée comme une planche de salut. […] La perspective de revenir à Fribourg était alors synonyme de changement et de reprise en main. J’ai donc supprimé mon compte, voulant tirer un trait sur mes égarements… et vous êtes arrivé. Alors tout le monde saura. Mais ce sera l’occasion pour moi d’être aidé et accompagné afin de mieux connaître et définir la suite pour moi. Il y aura au moins cela de positif.

»Dans vos questions, vous parlez d’un lobby gay dans le diocèse. S’il existe, je n’en ai pas connaissance et je n’en ai pas entendu parler. […] Quant à la règle du célibat, je reste convaincu qu’elle est belle et bonne, même si je n’ai pas réussi à la respecter […].

»Ce compte et ces rencontres sont une erreur que j’ai commise par rapport à mon engagement de prêtre mais qui, aujourd’hui, a des conséquences sur ma famille, les paroissiens, mon évêque et tous ceux que je blesse et déçois. A toutes ces personnes, en particulier à ma famille et à mon évêque, je voudrais demander sincèrement pardon et présenter mes excuses de n’avoir pas été pleinement fidèle à ma vocation de prêtre.»

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